Économie SÉNÉGAL : des femmes pour lutter contre le fléau des sacs plastiques

À Tambacounda, dans le centre du Sénégal, 800 femmes ont banni les sachets en plastique de leur quotidien. Elles sont 1 800 à Gaoua, au Burkina Faso, et 2 500 à Kayes, au Mali. Un exploit dans des pays où ces sacs envahissent les rues.

Près du puits, à l’ombre d’un manguier, Binetou Ba prépare le déjeuner. Dans un seau en plastique, des légumes, du poisson et des bouillons de cube. Il n’y a pas si longtemps, la jeune femme serait revenue du marché avec un sac plastique pour chaque aliment. Aujourd’hui, quand un marchand lui propose un sachet, elle refuse systématiquement. Le boutiquier la regarde d’un air interloqué, tant il est étrange d’exiger du papier pour envelopper ses achats.

À Tambacounda, au centre du Sénégal, plus de huit cents femmes luttent au quotidien contre l’usage des sacs plastique. Un pari difficile à tenir, dans une Afrique de l’Ouest dont les rues sont jonchées de sacs plastiques noir et bleu, s’emmêlant dans les arbres et servant de repas aux chèvres et aux cochons. Au Sénégal, beaucoup de gens achètent par petites quantités, faute de revenus décents. Résultat, pour un aspirine, une cuillère à soupe de mayonnaise, d’huile ou trois piments, les vendeurs utilisent des sacs plastiques.

« La population ne voit pas tout de suite le mal que ça fait, contrairement à la surpêche et à la déforestation. Quand on n’a pas de quoi manger, la pollution visuelle n’est pas un argument. Cela dérange surtout les Occidentaux », explique Jean Goepp, coordinateur du projet Aliniha, qui gère notamment la lutte contre l’usage des sacs plastiques.

Des napperons en plastique

Il aura fallu un an pour que les femmes échangent sachets contre calebasse en bois, sac en tissu ou bassine en caoutchouc. Pour toucher les populations, Aliniha a dû puiser dans des exemples de la vie quotidienne : « dangers du plastique brûlé sur la santé de la famille, infertilité des terres, mouton qui risque de mourir pour avoir mangé trop de plastique…», énumère Ibou Kaboré, chargé de l’environnement à Aliniha-Tambacounda.

Peu à peu, les femmes sensibilisent autour d’elles. « Au début c’était difficile car nous étions habituées aux sacs plastique. Mais nous avons vu que les sachets ne pourrissent pas, et mêmes s’ils se déchirent, ils ne se décomposent pas », raconte Aminata Thiam, une des femmes de Tambacounda qui n’utilise plus les sacs en plastique.

Rose Mendy, couturière rigolarde, a trouvé un autre moyen original de faire disparaître ce fléau. Dans la petite pièce qui lui sert d’atelier, des napperons, des dessous de verre, et des robes de poupée. Le tout n’est pas en tissu, mais fabriqué à partir de sacs plastique. Pour confectionner une nappe d’un mètre de long, il aura fallu à Rose Mendy deux cents sachets et deux semaines de travail.

Au Sénégal, en 2008, une loi avait interdit l’importation et la vente des produits non-biodégradables. Elle a été suspendue peu après son application.

En Afrique, Kenya, Ouganda, Rwanda, Afrique du sud et Tanzanie ont définitivement prohibés les fins sacs plastiques.

Aurélie Fontaine., correspondante Afrique de l’Ouest/Sénégal ÉGALITÉ

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