Santé Un recours gracieux auprès du Premier ministre pour sauver le droit à l’IVG

« Nous voulons obtenir l’application de la loi », déclare Danielle Gaudry du Planning familial lors de la conférence de presse du 17 janvier (*), organisée par l’Association nationale des centre d’IVG et de contraception (Ancic), la Coordination des associations pour le droit à l’avortement et à la contraception (Cadac) et le Planning familial. Ces trois associations déposent en effet un recours gracieux auprès du Premier ministre pour que soient respectées les lois et réglementations en matière d’interruption volontaire de grossesse (IVG).  Le Premier ministre dispose de deux mois pour répondre,  au-delà de ce délai, le Conseil d’Etat pourra être saisi. « Nous avons pris cette décision parce que depuis la promulgation de la loi du 4 juillet 2001, nous avons constaté une mauvaise application de celle-ci les premières années et observons sa non-application depuis quelques années », explique Danielle Gaudry.

L’initiative a été motivée par un rapport de l’Inspection générale des affaires sociales (Igas) publié le 2 février 2010. Ce document de 93 pages souligne des disparités d’application réglementaire sur le territoire français en matière de prévention des grossesses non désirées, de l’accès à l’IVG, et de sa mise en œuvre.

Mieux vaut prévenir… L’Igas souligne que l’obligation d’information et d’éducation à la sexualité à l’école et le droit des jeunes à un accès gratuit, confidentiel et autonome à la contraception ne sont pas respectés.

Des dysfonctionnements inquiétants

En matière d’accès à l’IVG, les constatations de l’Igas sont alarmantes. L’Inspection relève que le secteur privé se désengage de manière continue concernant la pratique de l’IVG, considéré comme peu rentable. Des cliniques ferment et, dans le privé comme dans le public, les dysfonctionnements sont aggravés par les restructurations hospitalières qui réduisent le nombre de services et leurs moyens. Alors que la loi de 1979, qui confirme le droit à l’avortement, stipule qu’il doit y avoir un centre d’IVG dans chaque hôpital public, des services ferment. « Si un centre d’IVG ferme, comme ça a été le cas à Tenon, ni l’Assistance publique ni le ministère n’exige que l’hôpital applique la loi. C’est assez extraordinaire ! », s’indigne Jean-Claude Magnier de l’Ancic.

D’autre part, les trois associations soulignent que, malgré l’allongement du délai légal à 12 semaines de grossesse en 2001, les IVG de plus de 10 semaines ne sont pas prises en charge par tous les établissements de santé. Elles insistent sur le fait que les jeunes médecins qui remplacent les médecins pionniers qui pratiquent jusqu’à présent l’IVG au quotidien ne sont pas incités à s’impliquer dans cette activité.

Autre obstacle majeur pour les associations : contrairement aux activités relevant de la tarification à l’activité (TAA), l’IVG relève d’un régime spécifique, fondé sur un prix forfaitaire fixé par arrêté ministériel, dont la revalorisation suppose une initiative politique. Pour l’Igas aussi, la sous-tarification est « manifeste ».

« Nous voulons la même tarification pour l’IVG que pour une fausse couche spontanée, et nous en sommes loin. Roselyne Bachelot a augmenté le forfait de 10% en 2008, et en 2009 encore de 10 %. Le 8 mars 2010 elle annonce qu’au mois de juillet suivant le forfait serait encore augmenté. Puis elle a oublié. La veille au soir de la manifestation du 6 novembre 2010 que nous avons organisée, la ministre de la santé a annoncé qu’elle procèderait à cette augmentation. Nous attendons toujours. Est-ce que notre nouveau ministre Xavier Bertrand va s’en occuper ? », s’interroge Maya Surduts de la Cadac.

Les conditions de mise en œuvre de l’IVG compromises

Ce désengagement du secteur privé, les dysfonctionnements observés et les disparités régionales dans l’accès à l’IVG impliquent des retards importants dans la prise en charge des patientes et expliquent en grande partie qu’un grand nombre d’entre elles aillent avorter à l’étranger.

Pour les mineures l’accès est encore plus compliqué. L’Igas note de nombreux manquements concernant le respect des règles de gratuité, de confidentialité et d’anonymat, que la loi préconise dans le cas de patientes non majeures, notamment la demande d’une autorisation parentale. « Certaines fois, il a été demandé à la personne majeure accompagnante de régler l’intervention », note Danielle Gaudry.

Les conditions de la mise en œuvre de l’IVG laissent aussi à désirer. Les femmes n’ont souvent pas le choix de la technique d’avortement : les hôpitaux préférant la méthode médicamenteuse, moins coûteuse, alors qu’elle n’est pas adaptée à tous les cas.

Pour conclure, et c’est l’Igas qui le dit : « Si le droit à l’IVG semble aujourd’hui peu susceptible d’être remis en cause en tant que tel, sa mise en œuvre dans de bonnes conditions ne va pas de soi et divers facteurs doivent inciter à la vigilance. A défaut, il existe un risque réel d’assister à une dégradation progressive de la prise en charge de l’IVG par indifférence. »

Catherine Capdeville – ÉGALITÉ

(*) Des élues étaient présentes pour soutenir l’initiative : Marie-George Buffet, députée PC, Annie Poursinoff, députée Europe écologie-les Verts, Anne Leclerc du NPA, et Odette Terrade, sénatrice du groupe Communiste, républicain, citoyen et des sénateurs du Parti de gauche.

Télécharger le PDF du rapport de l’Igas

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