Culture « Il y a une vie pour les femmes après 60 ans ! »

Les Matrones, c’est l’histoire de cinq femmes de plus de soixante ans qui se livrent face caméra. Elles sont drôles, touchantes, elles parlent de leur vie, de leurs amours, de leurs rapports à la sexualité. L’une évoque sa passion pour les hommes âgés, une autre sa découverte du plaisir sur le tard. Cinq comédiennes incarnent cinq femmes filmées chez elles, dans leur intimité. Chacune est singulière. Leur point commun : elles assument ce qu’elles sont. C’est un moment de complicité qu’elles partagent avec le spectateur. Et les sentiments se mélangent au fil des confessions. Il y a de l’humour, de la tendresse, de la folie, un peu de mélancolie. Interview de Steve Catieau, le réalisateur.

Comment l’idée de réaliser un film sur des femmes d’une certain âge vous est-elle venue ?

J’avais envie de traiter un sujet qui dérange. La sexualité des seniors reste un thème peu abordé. C’est comme si tout s’arrêtait à 50 ans… Et il y a bien une vie après ! C’est d’ailleurs le sujet de mon premier roman Projection qui retrace le retour d’un vieil acteur au cinéma. En acceptant de refaire un film, ce personnage s’ouvre aux autres et devient par conséquent moins concentré sur sa propre histoire. J’aime l’idée que l’on peut s’améliorer avec le temps. Les Matrones, c’est un peu cette même vision. Elles ne sont pas figées dans une époque passée, elles vivent dans le présent avec les moyens et les conditions qui leur sont offerts.

Vous qui êtes jeune, pourquoi vous intéressez-vous à ces femmes-là ?

Et pourquoi pas ? Ce n’est pas une question d’âge mais de sensibilité. Je trouve assez navrant l’endoctrinement actuel qui fait que la jeunesse est le modèle absolu et qu’après, ce n’est plus la peine de faire des choses, vous êtes considéré comme fini. La jeunesse représente une partie courte dans la vie. Si tout s’arrête passé ce stade : quelle angoisse ! En travaillant ce sujet avec des comédiennes sexagénaires, je me suis vraiment amusé ! Elles avaient le même engouement qu’une actrice qui commence dans le métier.

Comment arrivez-vous à les comprendre et à les faire parler ?

Je n’ai nullement cherché à comprendre la femme de plus de 60 ans ! Les Matrones est un travail créatif qui ne s’inscrit pas dans la réalité. Ce sont des portraits fantasques qui s’amusent avec les codes du quotidien mais qui n’ont aucune autre prétention que de divertir. J’ai écrit ces textes comme un exercice de style, en jouant avec les mots, en cherchant des métaphores. J’ai filmé sans aucune censure. Lumière brute, sans filtre, ni artifice. Je voulais un rendu qui ne s’attarde pas sur le superficiel mais qui va droit au but. Mon envie était de donner une image positive de ces femmes et si je parviens à mettre le doigt sur des faits de société, j’en suis heureux.

Avez-vous un modèle dans votre famille qui vous inspire ?

Non ! Aucun de ces personnages ne ressemblent à l’un de mes membres de ma famille ! Mais franchement, je pense que l’on peut tous se retrouver dans l’une de ces héroïnes ! La sexualité reste un thème universel ! Et la recherche de liberté également…

Comment le public réagit-il à votre film ?

Bien. J’ai ressenti que le sujet était encore tabou, en tout cas il suscite des réactions, souvent plus facilement exprimées par les femmes. Ce qui m’a marqué lors des projections, ce sont les réactions vives de certains spectateurs venus avec leur vision des matrones. « Les matrones auraient dû dire cela » ou « je l’aurais filmée différemment cette matrone ». Mais tout cela est un autre film, pas le mien.
Assez troublant, une mère de famille est venue me confier que son fils, jeune adulte, a été mal à l’aise de voir une matrone abordée comme objet de désir. Diane Lepvrier qui joue Mona dans le film est en petite nuisette, très sexy. Comme quoi, Les Matrones interpelle toutes les générations.

Propos recueillis par Caroline Flepp – ÉGALITÉ

Les Matrones, 2010, 25 mn, un film de Steve Catieau, avec Annie Mercier, Flores Cardo, Diane Lepvrier, Brigitte Deruy, Lisbeth Wagner et Mireille Joffre.

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Steve Catieau vient de sortir un nouveau roman, Les Paradoxes urbains.

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