Non classé « Un autre monde est possible, mais pas sans les femmes ! »

Femme tenant une affiche lors du FSM à Dakar © Marie Devers/Genre en action

Le Forum social mondial de Dakar s’est tenu du 6 au 11 février dernier. Genre en action était présent avec pour mission d’observer dans quelle mesure et comment les questions de genre étaient abordées dans les différentes sessions du Forum.

Interview de Mariétou Dia, coordinatrice des droits des femmes pour l’ONG Actionaid Sénégal.

Mariétou Dia, comment analyseriez-vous la présence du concept de genre, ici, à Dakar, durant le Forum social mondial ?

Il y a eu un certain nombre d’activités sur les violences faites aux femmes, l’accès des femmes aux ressources, l’accès des femmes à la terre, donc je pense que, dans certaines activités, les femmes sont prises en compte. Mais maintenant, c’est tout le processus du FSM qu’il faut regarder. J’ai par exemple assisté au Forum des femmes africaines qui se plaignaient d’avoir dû se battre réellement pour avoir une place lors de ce FSM et installer le Village des femmes. C’est une question à laquelle les organisateurs doivent prêter une grande attention parce que, quand on dit « un autre monde est possible », cet autre monde n’est pas possible sans les femmes ! Je pense qu’il faudra prendre en compte cet aspect pour les prochains FSM : il faudra davantage impliquer les femmes dans les processus décisionnels et dans les budgets de préparation du FSM.

Même au FSM, les femmes n’ont pas le même statut, les mêmes droits et les mêmes accès que les hommes à certaines activités ?

Il y a encore du travail à faire. Il faudrait réellement prendre en compte tous ces groupes de femmes vulnérables qui n’ont pas eu voix au chapitre cette fois-ci. Je pense aux femmes vivant avec le VIH/sida, aux paysannes qui sont à des centaines de kilomètres du lieu d’organisation, qui, parce qu’elles sont pauvres, ne peuvent pas accéder au FSM et ne peuvent pas faire entendre leurs voix. Des voix de femmes qui sont chaque jour violentées et dont les droits sont bafoués.

Lors du Forum, les ateliers qui traitaient du genre et de l’égalité femmes et hommes n’attiraient finalement que très peu d’hommes. N’y a-t-il pas là un risque de ne prêcher que des convaincues si l’on reste entre femmes ?

C’est tout le problème, effectivement ! La plupart des hommes présents au FSM ont quand même à cœur de rétablir une certaine justice sociale et égalité entre les sexes. Mais qu’en est-il des autres ?
Le FSM se passe au Sénégal mais, où sont les représentants du pouvoir sénégalais ? On ne les voit pas, alors que les décisions, la mise en œuvre des politiques doivent passer par l‘engagement et le respect de toutes les lois et conventions qui ont été votées ou signées en notre nom. Au Sénégal, dans la dernière constitution, on a repris le préambule de la convention pour l’élimination de toutes les formes de violences faites aux femmes. Mais pour nous, il faut la mise en œuvre de ces lois et je pense que l’Etat aurait donné un signal fort, ici, s’il avait montré et dit qu’il est engagé auprès des femmes, auprès des pauvres et des vulnérables.
Mais quand il est question de parler de la mise en œuvre des lois, l’Etat n’est plus là, il ne reste plus que les ONG. Vous savez, la plupart des Sénégalais ne savaient même pas qu’il y avait un FSM à Dakar. A plus forte raison, les femmes, qui sont loin des sphères de décision, qui ne sont pas instruites, qui n’ont pas forcément droit à l’information. Donc, je pense qu’il y a tout un travail qui doit être repris pour faire davantage intervenir les femmes et pour qu’elles connaissent la place qui leur est octroyée.

Le FSM est aussi un événement qui nourrit l’espoir d’un monde meilleur. Quels sont les espoirs et rêves que vous nourrissez pour l’avenir ?

Pour moi, un autre monde sera possible quand les femmes paysannes qui sont dans les exploitations familiales pourront vivre décemment du produit de leurs récoltes. Le message que je veux porter c’est que la communauté internationale devrait s’engager sur le problème de l’accaparement des terres, qui se fait au détriment des activités alimentaires, au détriment des droits des femmes, au détriment des plus faibles. Aujourd’hui, un autre Sénégal est possible mais un autre Sénégal doit exister avec beaucoup plus d’équité, de respect et de justice sociale.

Marie Devers – Genre en action

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