Monde Afghanistan : il n’existe pas de talibans modérés

Shoukria Haïdar

Le 28 janvier 2010 la conférence de Londres adoptait un plan de paix prévoyant la réintégration des talibans, incluant la mise en place d’un fonds et la libération des talibans emprisonnés. Ce plan était signé par 70 Etats et adopté au mépris de la démocratie la plus élémentaire, car ni discuté, ni voté. Le parlement afghan en avait eu connaissance quelques jours avant la conférence, en lisant la presse étrangère.

Trois jours avant la signature du plan de paix, 200 organisations, des partis politiques, des syndicats et de nombreuses personnalités afghanes signaient une résolution alertant la communauté internationale sur le fait qu’« elle ne doit pas subventionner un plan qui renforcerait les talibans terroristes », expliquant qu’il n’y a « aucune différence entre les dirigeants talibans et les dirigeants de l’organisation « sortie de l’enfer », Al-Qaïda ».

En appui à cette résolution, un rapport de Human Rights Watch (HRW) mettait en garde contre les effets de ce plan de paix. Le rapport démontrait que dans les régions contrôlées par les talibans les femmes étaient victimes de menaces, d’intimidations, de violences. « Les femmes afghanes ne devraient pas avoir à abandonner leurs droits au profit d’un accord négocié par le gouvernement avec les talibans », expliquait le directeur de HRW à Washington, Tom Malinowski.

Et il y a quelques raisons de se méfier du gouvernement Karzaï. En mars 2009, il signait la loi chiite sur le statut personnel, privant les femmes du droit de garde de leurs enfants et de leur liberté de mouvement.

« On leur déroule le tapis rouge »

Shoukria Haïdar est la présidente de l’association franco-afghane Negar. Elle vit et travaille à Kaboul.

En 2010 elle était en France, invitée par la présidente de la délégation aux Droits des femmes du Sénat, Michèle André. Elle plaidait alors qu’il n’existait pas de talibans modérés, comme il n’avait pas existé de nazis modérés.

Le 3 mars 2011, Shoukria Haïdar, revenue en France, au Sénat, continue de dénoncer le plan de paix, qui a l’effet inverse de celui escompté : « On déroule le tapis rouge aux talibans. » Le plan prévoyant de subventionner les talibans qui déposent les armes, des hommes se rapprochent des talibans, prennent les armes, perpétuent des attentats afin de pouvoir empocher des subsides. L’argent, qui vient en grande partie des Etats-Unis et de l’Europe, gonfle les rangs des talibans alors que le pays s’appauvrit. Mais, souligne Shoukria Haïdar, les talibans sont des mercenaires qui ne manquent pas d’argent car ils sont très liés aux trafiquants de drogue. L’Afghanistan est le premier producteur de drogue au monde.

Pour appuyer ses déclarations, la présidente de Negar, donne les chiffres des violences qui se sont encore accentuées depuis l’approbation du plan de paix, il y a eu 2 400 tués et 3 200 blessés en 2010.

La situation des femmes a régressé. De plus en plus de madrasas (*) s’ouvrent, les filles vont de moins en moins à l’école ou à l’université. Les agressions envers les femmes s’accroissent, elles travaillent de moins en moins, les prostituées sont de plus en plus nombreuses.

Les armées étrangères devront partir, Shoukria Haïdar l’admet, mais pas maintenant, dit-elle, le pays est trop instable, les talibans font peser une trop lourde menace contre la démocratie, la paix et les femmes.

Une rare note d’optimisme dans ce sombre tableau. La pilule est autorisée en Afghanistan et la ministre des Droits des femmes mène des campagnes sur ce que l’on appelle là-bas « les tablettes du bonheur ».

Caroline Flepp – EGALITE

(*) Ecoles coraniques qui existent en nombre en Afghanistan.


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