Économie « Pour plus d’égalité professionnelle, il faut impliquer aussi les hommes »

Portrait de François Fatoux

Entretien avec François Fatoux, délégué général de l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises (Orse), une association qui regroupe essentiellement des grandes entreprises (*).

L’Orse travaille depuis 2004 sur les questions d’égalité professionnelle et plaide pour l’implication des hommes dans ces processus. Il a notamment publié en mars dernier l’étude « La place des hommes dans les accords d’entreprise sur l’égalité professionnelle ».

Pourquoi avoir choisi d’impliquer les hommes dans les politiques d’égalité professionnelle alors que ce sont les femmes qui sont victimes d’inégalités ?

Lorsque l’on parle d’égalité professionnelle, on en vient vite à la problématique de la conciliation entre vie professionnelle et vie personnelle. Car les inégalités entre les hommes et les femmes en matière de répartition des tâches domestiques et familiales sont une des causes principales des discriminations au travail.
Or, nous avons constaté qu’il est toujours question d’aider les femmes à « concilier » leur vies professionnelle et personnelle. De même, les dispositifs mis en place – congé parental, aménagement des horaires – sont essentiellement utilisés par ces dernières. Nous pensons que la conciliation doit aussi être une question adressée aux hommes.

Mais quels intérêts les hommes peuvent trouver dans cette implication, alors qu’ils sont en position de domination ?

Tout d’abord, il existe une demande d’une nouvelle génération de jeunes hommes qui souhaitent s’investir davantage dans leur vie extra-professionnelle et familiale. Mais ces aspirations ne trouvent pas d’échos chez des patrons plus âgés qui ont sacrifié leur vie personnelle au travail.
De plus, la société véhicule encore l’image de « monsieur Gagne-pain », comme pourvoyeur des principaux revenus du foyer. La domination masculine s’impose aussi aux hommes. Il faut donc à la fois répondre aux attentes de ces nouvelles générations, mais aussi pointer le manque d’implication des hommes dans la sphère familiale. Les politiques d’égalité peuvent être bénéfiques pour les femmes comme pour les hommes. Ce n’est pas un jeu à somme nulle.

Et quel intérêt les entreprises peuvent y trouver ?

Un salarié qui a une vie extra-professionnelle épanouissante peut être très performant. Il faut casser la culture française du présentéisme. On pourrait rétorquer que l’entreprise n’a pas à interférer dans la vie privée de ses salariés et que les politiques d’égalité sont une nouvelle forme de paternalisme. Pour échapper à ce travers, il faut traiter cette question par le dialogue social qui crée les conditions d’une confrontation positive entre acteurs sociaux. Ce qui n’est pas forcément évident car certains syndicalistes peuvent y être réticents, notamment lorsqu’il s’agit d’hommes de la cinquantaine ne se sentant pas concernés par ces enjeux.

Comment faire concrètement pour impliquer les hommes ?

L’Orse accompagne ses entreprises adhérentes dans leurs démarches, en mettant en avant les pratiques exemplaires. Une des mesures les plus courantes est le maintien du salaire lors du congé de paternité. Aujourd’hui, 63 % des accords sur l’égalité professionnelle prévoient ce maintien, contre 20 % en 2004.
Les pouvoirs publics peuvent aussi agir, par exemple en rendant le congé de paternité obligatoire. Des propositions ont été faites récemment dans ce sens, par Laurence Parisot, présidente du Medef, et par la CFE-CGC. La CFDT, plaide quant à elle pour un congé de deux mois obligatoire.

N’y a-t-il pas une limite à cette approche de l’implication des hommes ?

Certains organismes, comme le Conseil du statut de la femme au Québec, qui a publié un rapport sur le sujet, rappellent les précautions à prendre. Les politiques d’égalité professionnelle par l’implication des hommes ne doivent pas se substituer aux politiques traditionnelles comme celles concernant l’égalité salariale ou la remise en cause du plafond de verre. De la même manière les budgets publics doivent rester orientés vers des actions ciblées en direction des femmes. Mais cela permet tout de même d’élargir le débat car l’adhésion des hommes aux politiques d’égalité n’est pas encore acquise. Aujourd’hui, l’implication des hommes et la répartition des tâches domestiques deviennent un sujet de discussion publique. Et cela va dans le bon sens. On pourrait imaginer que dans quelques années, un homme qui ne prend pas son congé de paternité n’est pas un bon salarié.

Propos recueillis par Claire Alet – EGALITE

(*) L’Orse est une association qui regroupe essentiellement des grandes entreprises (Accor, Carrefour, L’Oréal…), des banques, des investisseurs, et trois organisations syndicales (CFDT, CFE-CGC et CGT).

Pour en savoir plus :

Télécharger l’étude « La place des hommes dans les accords d’entreprise sur l’égalité professionnelle »

Voir tous les accords publics, de branche et d’entreprise, sur l’égalité professionnelle

Télécharger le rapport du Conseil du statut de la femme québécois


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