Monde Brésil : les cent jours de Dilma Rousseff

Affiche de la campagne présidentielle d'octobre 2010

Les cent jours d’un nouveau gouvernement, c’est un moment plus symbolique, que significatif. Mais voilà, ce sont les cent jours de la première femme élue présidente du Brésil en 500 ans d’histoire.

Après avoir été éreintée par les média à propos de son poids, sa façon de s’habiller, ses cheveux, son style personnel, Dilma Rousseff est enfin jugée sur ses propres actions.

D’après les enquêtes d’opinion, 73% des Brésiliens approuvent sa politique, 56% des personnes interrogées qualifient son gouvernement d’« excellent » ou de « bon ». Au début de son premier mandat, Lula, atteignait 51 % d’approbation, et Fernando Henrique Cardoso, pour la même période, seulement 41%.

C’est pour sa politique de lutte contre la faim que Dilma est le mieux évaluée et le moins bien pour sa politique de santé et sa réforme fiscale.

Le combat pour l’éradication de la misère, choisi comme objectif principal de ce gouvernement, est maintenant identifié – la misère est principalement féminine et noire. Il y a plus de femmes et de noir-e-s parmi ceux qui ont les plus bas revenus – et quand on parle de misère, on en parle au féminin. Dilma a intégré ce message dans son discours et ses actions et demandé à ses ministres d’orienter leurs actions en ce sens dans leurs domaines de compétences.

Un fort lobby de l’Eglise

Promesse de campagne, le ministre de la Santé a récemment appelé les représentantes des associations féministes du Rede Feminista de Saúde e Direitos Sexuais e Direitos Reprodutivos (Réseau féministe de santé, des droits sexuels et des droits reproductifs) pour les consulter sur un projet. A leur grand étonnement, elles se trouvèrent en présence d’une autre invitée à la réunion, la Conférence nationale des évêques du Brésil (CNBB).

Le projet en discussion ? Mère-cigogne, un plan de santé privilégiant les mères et leurs bébés, constitué d’un ensemble de mesures garantissant à toutes les Brésiliennes, grâce au SUS (Système unique de santé publique), des soins appropriés, sûrs et humanisés dès la confirmation de la grossesse et pendant les deux premières années de la vie du bébé.

Cependant, les féministes commencent à s’inquiéter. Depuis 1988, elles ont formulé et fait inscrire dans la nouvelle constitution, le PAISM. Ce plan d’attention intégrale à la santé des femmes inclut un suivi de toutes les phases de la vie, comprend les droits reproductifs –  le droit à l’information et à l’accès aux méthodes contraceptives (1), ainsi que les soins dans les cas d’avortement prévu par loi (2). Mais – surprise ! – le projet annoncé récemment ne parle que de la santé de la mère et de son nourrisson… Un gage de bonne foi envers l’Eglise qui avait déjà obtenu la promesse de Dilma Rousseff, lors de la campagne présidentielle, de bloquer les avancées en matière d’avortement.

« Quand les femmes avancent, le Brésil avance ! »

Mais on sent une position ferme du gouvernement en faveur de la défense des droits humains avec la création d’une Commission de la vérité et de la justice, qui a pour objectif de rétablir la véritable histoire des années de lutte contre la dictature militaire au Brésil. Position affirmée également en matière de défense des droits humains au niveau international.

En ce moment, une réforme est en cours sur les questions du financement des partis (que les partis de gauche souhaitent exclusivement public), de la fidélité partidaire, qui empêcherait les candidat-e-s de changer de parti une fois élu-e-s, et de l’alternance sur les listes électorales de candidat-e-s hommes et femmes.

A la télévision, un spot de publicité gouvernementale montre une petite fille en train de jouer, avec en voix-off : « Elle ne le sait pas encore, mais elle peut devenir ingénieure, ouvrière, infirmière, docteresse, ou même présidente. Quand les femmes avancent, le Brésil avance ! »
C’est ce que les Brésilien-ne-s espèrent, en organisant leurs demandes et en donnant un peu plus de temps à leur nouvelle présidente.

Rachel Moreno – Collaboratrice EGALITE Brésil

(1) Les contraceptifs sont en accès libre aux Unités basiques de santé.

(2) Au Brésil, l’avortement est légal uniquement en cas de viol ou de risque pour la vie de la mère.

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