Monde Adelina Farrici élue maire de Burrel, petite ville conservatrice d’Albanie

Détail de l'affiche de campagne d'Adelina Farrici

Lors des élections municipales du 8 mai dernier, l’arrivée d’Adelina Farrici à la tête de la mairie de Burrel, à 90 km au nord de Tirana, marque la fin d’une longue période de gestion masculine de cette petite ville de quelque 20 000 habitants, connue pour sa mentalité fermée et son esprit très conservateur.

« Une enseignante de Burrel, candidate de l’opposition socialiste, a réussi à arracher la victoire des mains des hommes, qui depuis plus de vingt ans, contrôlaient la ville », explique, souriante, Tatjana Suka, une habitante de Burrel.

Adelina Farrici, 43 ans, mère de deux enfants a battu, avec 3 658 voix contre 3 119, le maire sortant Skender Lleshi, candidat de la droite, qui briguait un quatrième mandat.

« C’est une double victoire, pas seulement politique, se réjouit Alisa Bengu, une jeune étudiante. L’important est qu’elle ait réussi après des années à détrôner un homme. C’est un vrai triomphe ! C’est l’esprit d’une ville qui se réveille ! ».

Plutôt que la victoire d’une femme candidate de la gauche à la tête de la mairie de Burrel, son élection marque une vraie rupture avec la mentalité de cette ville du nord du pays où l’homme est considéré comme le seul capable d’affronter les problèmes administratifs alors que la femme travaille dans les champs, s’occupe des enfants et sert son époux.

« La place de la femme est à la maison, pas à la tête d’une mairie ! », s’exclame Lulash Marku, ancien employé municipal, manifestement très mécontent de cette nouvelle direction.

« Très peu de gens ont cru dans ma candidature, très peu pensaient que j’étais en mesure de gagner, explique Adelina Farrici, la nouvelle maire, enseignante en mathématiques dans une des écoles de cette petite ville. Nous vivons dans une société dominée par les hommes et pour gagner, il faut faire preuve d’audace et ne pas laisser aux autres décider de notre destin ».

Une faible représentation féminine en politique

« Ma victoire est dédiée aux femmes et aux filles de Burrel, qui, cette fois, se sont senties motivées pour sortir et voter », poursuit-elle.

En Albanie, surtout dans les régions du nord, il n’est pas rare en effet de voir l’homme de la famille décider et voter à lui seul pour tous les autres membres du foyer.

« Je pense qu’elles se voyaient en moi, elles voyaient également un avenir pour leurs propres filles. Si elles osent, elles réussiront… Voilà le message que je fais passer et pour lequel je vais combattre », affirme-t-elle.

Mais Adelina Farrici dit qu’elle doit sa victoire aussi à sa campagne réaliste : « Je n’ai pas voulu faire des promesses que je ne peux pas réaliser,  je ne veux pas tromper mon électorat. » Pour elle, son élection est un vrai défi dans une région où la femme doit confier son bulletin de vote à son homme.

Une pratique qui a menée plusieurs organisations internationales à diffuser des campagnes, fortement critiquées, car au lieu d’encourager à mettre fin aux discriminations envers les femmes elles les ont plutôt banalisées (1).

Adelina Farrici a réussi à donner une vraie dimension citoyenne à sa campagne électorale, loin des conflits politiques et des incidents qui ont émaillé la campagne et le scrutin dans plusieurs régions du pays.

Mais en Albanie la représentation des femmes dans la vie politique reste faible.

« Sur les 140 députés qui siègent au Parlement, 23 seulement sont des femmes », explique Arta Sakja, responsable du département de la communication auprès du corps législatif albanais. Seulement 16 %… malgré la loi qui oblige les partis politiques à avoir 30 % de femmes parmi leurs candidat-e-s.

Lors des élections du 8 mai, seules 14 des 872 candidat-e-s étaient des femmes.

Selon les résultats préliminaires, sur 65 maires de villes (2), seulement trois femmes, candidates de la gauche, ont réussi à remporter les élections…

Briseïda Mema, collaboratrice Albanie EGALITE

(1) Dans une campagne, diffusée par l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) lors de la campagne électorale pour sensibiliser les électeurs contre le vote par l’homme de la famille, un personnage féminin dit : « Cette maison c’est mon mari qui l’a achetée, la vache c’est mon mari qui l’a achetée, le mari c’est ma famille qui me l’a donné, le vote c’est la démocratie qui me l’a donné ! »

(2) En Albanie, il y a 65 villes et 308 communes.

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