Monde Un comité citoyen veut imposer un projet de loi pro-IVG au parlement polonais

Manifestation pour les droits reproductifs le 12 juillet devant la Diète polonaise.

En Pologne en 1993, sous la pression de l’Eglise catholique, une loi extrêmement restrictive concernant l’interruption volontaire de grossesse (IVG), appelée loi de « protection de la vie conçue », entre en vigueur. Elle n’admet que trois motifs d’avortement légal : acte criminel, danger pour la vie ou la santé de la mère, malformations graves du fœtus. Mais de nombreux médecins refusent de pratiquer l’avortement légal pour clause de conscience, ce qui a des conséquences graves pour la santé et la vie des femmes en Pologne.

En juillet dernier, en réaction à la décision de la Diète (parlement polonais) de poursuivre les travaux sur un nouveau projet de loi, déposé par les conservateurs, visant l’interdiction totale de l’avortement (même en cas de danger pour la vie de la femme) et des examens prénatals, une organisation informelle est née pour défendre les droits reproductifs des femmes polonaises.

Le Comité citoyen pour l’initiative législative « Oui pour les femmes », créé le 15 septembre, vise à obtenir une nouvelle législation sur les droits sexuels et reproductifs. Avec à la clé l’élaboration d’un nouveau projet de loi, fondé sur la conviction que les droits sexuels et reproductifs sont des droits humains.

Ce que les auteur-e-s du projet appellent la « parentalité consciente » ne se réduit pas au seul droit droit à l’avortement. C’est également le droit à vivre librement sa propre sexualité (d’où l’importance de l’éducation sexuelle) et sa fécondité (contraception remboursée), ainsi que le droit à l’aide de l’Etat en cas de difficulté à concevoir un enfant (la procréation médicalement assistée, dont la fécondation in vitro financée par l’Etat jusqu’au troisième essai).

Le projet de loi préconise que les Polonaises aient accès à des soins de santé gratuits et complets pendant toute la grossesse, y compris un accès garanti aux tests prénatals qui peuvent les aider à décider de maintenir ou d’interrompre leur grossesse en cas d’anomalie congénitale du fœtus. Il inclut également les soins de protection de la vie, de la santé et du bien-être des femmes dans le cas de complications de la grossesse. Les droits sexuels et reproductifs, en particulier le droit de la femme de contrôler sa propre fécondité, doivent être également accordés aux mineures.

De nombreux soutiens et réseaux

Le Comité « Oui pour les femmes » a déjà reçu le soutien de plusieurs intellectuel-le-s, journalistes et représentant-e-s d’ONG en Pologne.

Au cours des trois prochains mois, le comité compte recueillir les 100 000 signatures de citoyens et citoyennes, nécessaires pour déposer le projet de loi au parlement polonais. Grâce à un réseau de coordinations locales et régionales, le pays tout entier devrait être concerné par le processus de collecte de signatures. La presse nationale et locale devrait également relayer cette initiative.

Le projet a été présenté au cours du 3e Congrès des femmes polonaises qui s’est déroulé à Varsovie les 17 et 18 septembre, et s’intégrait dans le cadre des trois questions principales que se posait le Congrès : « Où va la Pologne, où va le monde, où vont les femmes ? »

La campagne électorale des législatives, qui auront lieu le 9 octobre prochain, bat son plein en Pologne.

En l’absence d’une alternative au système économique en faillite, dans les programmes des partis politiques polonais, et vu la lassitude du public face à l’exploitation politique de la catastrophe de Smolensk (*) par le parti Droit et Justice de Jaroslaw Kaczyński, la question des droits sexuels et reproductifs et des droits des femmes en général a des chances de passionner en Pologne.

Reste à espérer qu’une fois la campagne électorale terminée, les revendications légitimes des femmes ne seront pas de nouveau renvoyées aux calendes grecques.

Nina Sankari, collaboratrice Pologne – EGALITE

(*) Le 10 avril 2010, l’avion transportant le président polonais Lech Kaczyński s’écrase lors d’une tentative d’atterrissage sur l’aéroport de Smolensk-nord, ne laissant aucun survivant parmi les 96 personnes à bord.

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