Assises 2011 de l'IEC L’éducation à l’égalité commence dès la naissance

Nicole Mosconi par webcam

L’Institut Emilie du Châtelet organise les 3, 10, 17 et 24 octobre 2011 ses Assises 2011. Cette année, elles ont pour thème l’éducation à l’égalité entre les sexes.

EGALITE, partenaire de cette action, publiera des contributions d’intervenant-e-s et des articles sur les différents thèmes abordés.

Nicole Mosconi, professeure en sciences de l’éducation à l’université Paris Ouest-Nanterre-La Défense, a organisé la première journée des rencontres de l’Institut Emilie-du-Châtelet.

Nos sociétés contemporaines prétendent reposer sur un principe d’égalité entre les sexes. Et, de fait, des progrès ont été faits dans le droit qui ont permis des changements effectifs dans les rapports entre les femmes et les hommes.

Cependant l’égalité demeure plus formelle que réelle et l’on est pas encore passé de l’égalité des droits au « droit à l’égalité ». C’est ainsi que persiste dans l’ensemble de la société ce qu’on peut appeler, avec Régine Sénac-Slawinski, un « ordre sexué », fondé sur la séparation et la hiérarchisation des sexes. Cet ordre se conjugue avec les inégalités sociales pour produire dans tous les milieux sociaux et dans tous les domaines des discriminations entre les sexes et des pratiques inégalitaires.

On a parfois tendance à croire que l’enfance est préservée de cet « ordre sexué ». Mais, en réalité, il s’instaure dès la naissance de l’enfant. Car, dès ce moment, les pratiques d’élevage et d’éducation du bébé, fille ou garçon, et du petit enfant vont être différentes, et, si l’on n’y prend garde, vont contribuer à produire de l’inégalité entre les sexes.

Nous croyons que nous traitons de la même manière nos enfants qu’ils soient filles ou garçons, mais ce n’est pas vrai. Quand nous éduquons nos enfants, nous nous appuyons en effet sur des idées de ce que « doit être » une fille ou un garçon, une femme ou un homme, sur des stéréotypes que nous avons appris dès notre propre enfance et qui nous guident dans nos pratiques éducatives.

Ainsi les familles, mais aussi les institutions comme la crèche, l’école maternelle et primaire ou le collège, mais encore les médias et – last but not least – leurs copains, par leurs attentes font pression sur les enfants et les jeunes, filles et garçons, pour qu’elles et ils se conforment à des modèles qui différencient et hiérarchisent les sexes.

Il n’y a pas de différence naturelle mais une forme enfantine d’inégalité sexuée

La plupart d’entre nous croient, par exemple, à une différence « naturelle » entre les sexes, sans s’apercevoir que cette différence est en grande partie construite par les pratiques d’éducation et qu’elle dissimule en fait une forme enfantine d’inégalité sexuée. Dès que, par exemple, nous tolérons plus facilement l’agitation ou les colères des petits garçons que celles des petites filles, dès que nous pensons que les garçons sont moins autonomes que les filles, dès que nous ne laissons pas les enfants jouer à des jeux qui sont supposés être ceux de l’autre sexe, et dans bien d’autre cas encore, nous contribuons à produire chez les enfants cette différence hiérarchisée qui fait « l’ordre sexué ».

Mais quoi, dira-t-on, il faut bien que j’élève ma fille en fille pour qu’elle devienne une femme et mon garçon en garçon pour qu’il devienne un homme ! Et pourquoi ne pas imaginer de traiter tout simplement l’une et l’autre de telle sorte qu’il devienne simplement un être humain, à charge à elle ou à lui de décider ce que signifiera être une femme ou être un homme ou être simplement un être humain ?

Car, que veut-on dire quand on parle de « traiter » l’une en fille et l’autre en garçon ? Les enfants le savent bien : c’est d’emblée « faire des différences » entre eux, comme ils disent, c’est-à-dire des préférences et du favoritisme, ce que les enfants n’aiment pas et vivent, à juste titre, comme injuste, puisqu’on leur parle d’égalité entre les sexes. Beaucoup sentent plus ou moins confusément, surtout dans les fratries mixtes qu’apprendre à être fille ou à être garçon, encore aujourd’hui, c’est apprendre des positions sexuées inégalitaires, plus ou moins dominantes ou dominées.

Comment remédier à nos pratiques éducatives inégalitaires ?

Ainsi l’éducation à l’égalité n’est pas une attitude spontanée chez les éducatrices et les éducateurs. Mais en même temps ces inégalités, ces discriminations sournoises que nous introduisons dans nos manières d’éduquer nos enfants, nous n’en avons pas vraiment conscience, ce sont des choses que nous faisons sans y penser et sans vraiment le vouloir.

C’est pourquoi des recherches sur les pratiques éducatives, tant dans les familles que dans les institutions, sont nécessaires pour nous montrer ces inégalités que nous produisons dans l’éducation de nos filles et de nos garçons et nous en faire prendre conscience.

Mais une fois que l’on a pris conscience de ces inégalités dans nos pratiques, comment faire pour y remédier ? Changer ses pratiques vers plus d’égalité n’est pas aussi simple que l’on pourrait croire, tant chez les éducateurs et éducatrices professionnel-le-s que chez les parents. C’est une attitude qui contredit le plus souvent l’éducation que nous avons nous-même reçue. Elle suppose donc, pour être vraiment mise en pratique, beaucoup de réflexion, voire même de formation. Mais ce n’est pas une raison pour penser que ce n’est pas possible. La preuve d’ailleurs, c’est que certaines et certains s’y essaient et y parviennent.

Nicole Mosconi

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