Culture « Le tissu associatif culturel de Marseille est dense mais précaire »

Page d'accueil du site de Vol de nuits

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Dans un an et demi démarreront les festivités de Marseille 2013. La cité phocéenne, on le sait, a été en grande partie choisie comme « Capitale européenne de la culture » pour 2013 grâce au dynamisme de ses associations culturelles, constituant son atout majeur.

Mais si le tissu associatif y est plus dense que dans la majorité des villes françaises, il y est aussi très précaire.

C’est ce double aspect qui est évoqué ici à travers l’exemple de Vol de nuits, galerie photographique et atelier, qui est à la fois une référence dans le paysage culturel marseillais mais qui n’échappe pas à ces difficultés de fonctionnement.

Rencontre avec Estelle Pierson, coordinatrice artistique.

Votre équipe est entièrement féminine. Est-ce volontaire ou fortuit ?

En fait, l’équipe a beaucoup évolué depuis la création de Vol de nuits, mais c’est vrai qu’elle a souvent été très féminine. Une année, tout de même, on a eu deux hommes dans l’équipe, donc une parité parfaite pendant un an.
Mais si on recrute le plus souvent des femmes c’est tout simplement parce qu’on est attiré par des personnes à la sensibilité similaire. Dans le monde de la photo, les hommes sont généralement plus techniques, intéressés par les approches reportage ou très urbaines…
Or, nous cherchons avant tout des gens qui travaillent sur du personnel, de l’intime, et on trouve plus de femmes dans ce domaine. Et puis il nous faut aussi des personnes désireuses de transmettre, prêtes à gérer les ateliers et les formations, et ce sont souvent des femmes qui sont motivées par cet aspect.

Le monde de l’art visuel est-il plus majoritairement composé d’hommes ?

Dans les médias, les photographes reconnus sont presque tous des hommes, parce que ce sont souvent eux les photographes de mode ou de presse. Mais à Marseille, où résident beaucoup d’artistes visuels, je connais beaucoup plus de femmes photographes que d’hommes. Elles sont souvent obligées d’ailleurs de travailler sur Paris à côté de leur recherche artistique menée ici.

A Vol de nuits nous tenons à exposer en duo, mixte ou non. Le duo c’est l’idée que sur une même thématique on confronte deux regards, ou deux techniques différentes.

Par exemple, dans le cadre de l’une de nos expositions précédentes, deux jeunes Turcs, un homme et une jeune femme, livraient leur regard sur Istanbul. Cette expo a été vue par des collégien-ne-s, et certaines jeunes filles ont porté un jugement très négatif sur le travail de l’artiste femme, en particulier une photo où une jeune femme est en sous-vêtements. Cela a engendré un débat important.

C’est paradoxal de voir que ce sont des jeunes filles qui sont élevées dans un monde médiatique extrêmement trash, où le moindre clip musical est pornographique, qui estiment inconvenante la vision d’une jeune femme dévêtue résidant dans un pays plus traditionnel. Pour nous, la discussion générée autour de ces images est précieuse.

Votre collaboration à Marseille 2013 est affirmée depuis longtemps, et pourtant, l’an passé, vous avez connu des difficultés financières extrêmes. Comment est-ce possible ?

Comme beaucoup d’associations sur Marseille, nous fonctionnons énormément avec les contrats aidés (CA), un type de contrat à mi-temps financé en partie par l’Etat, qui permet pour un artiste ou même pour une maman d’avoir un revenu fixe et de continuer à avoir du temps. L’an passé, Vol de nuits avait sept personnes en contrat aidé, ce qui nous permettait d’assurer un travail très riche.

Mais, en novembre dernier, il a été annoncé que la plupart des CA ne pourraient être renouvelés en janvier 2011, faute de budget… On est donc passé de 7 à 2, l’équipe actuelle, et nous ne sommes pas un cas isolé. Le tissu associatif a beaucoup souffert. Mais sa densité est l’atout qui a séduit le jury pour Marseille 2013.

Quels projets allez-vous montrer à cette occasion ?

On est sur plusieurs choses, qu’on garde encore un peu pour nous ! Mais pour vous mettre en appétit : celle qui nous tient le plus à cœur est de présenter le travail de l’artiste libanaise Randa Mirza, On sex and gender (Sur le sexe et le genre). Cela devrait vous intéresser !

Selon vous, comment se profile cette fameuse année de la capitale culturelle ?

A l’image de Marseille : on sait déjà que les chantiers auront du retard, que les budgets seront parfois engouffrés dans des projets tape-à-l’œil… Mais il faut avoir confiance dans toutes ces associations qui survivent malgré tout, qui sont bien conscientes que Marseille 2013 ne comblera pas leur espoir de se pérenniser mais qui veulent quand même participer à la fête.

C’est pour cela que malgré tous les dysfonctionnements que l’on peut déjà lister – guéguerres entre la mairie et les conseils général et régional, le départ du directeur général, les travaux qui n’ont pas encore commencé, les présentations de programme désastreuses…  –, je reste dans l’idée qu’il ne faut pas décrier de façon stérile cet événement.

Aussi ne vous fiez pas à ce que l’on entend partout sur un échec annoncé, mais regardez plutôt du côté des projets qui, je l’espère, seront sérieusement remarqués pour leur audace. Comme celui de la coopérative Hôtel du Nord, un projet de tourisme urbain, durable et solidaire, fondé sur l’hospitalité des habitants des quartiers Nord et de leur patrimoine historique méconnu.

Propos recueillis par Terry Dupont – EGALITE Paca

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