Société Le viol : un crime passé sous silence

Détail de la couverture du livre « Le Viol, un crime presque ordinaire »

Couverture du livre « Le Viol, un crime presque ordinaire »« L’idée nous est venue à la suite du témoignage d’une amie qui avait été victime de viol. On s’est alors dit qu’on était sûrement pétries de beaucoup de préjugés. On a voulu réagir avec ce qu’on savait faire, c’est-à-dire notre métier de journaliste. » C’est ainsi que Nolwenn Weiler présente le livre Le Viol, un crime presque ordinaire, qu’elle vient d’écrire avec Audrey Guiller aux éditions du Cherche Midi.

Leur amie avait été victime d’un viol – comme 75 000 femmes chaque année en France – et les deux journalistes rennaises ont commencé une longue enquête « au-delà de l’émotion », faite de témoignages de victimes mais surtout de rencontres avec toutes celles et ceux qui leur viennent en aide.

L’objectif pour les deux jeunes femmes : voir comment on « gère » le viol en France que se soit au niveau de la prise en charge des victimes, de celle des agresseurs, de l’aide financière et juridique apportée aux femmes, et des médias qui traitent les affaires comme des faits divers et sans analyse sur le fond. L’ouvrage, très documenté est une « compilation d’analyses de personnes compétentes », parmi lesquelles Emmanuelle Piet et Marie-France Casalis, du Collectif féministe contre le viol. C’est aussi un constat plutôt sombre : un suivi aléatoire, parfois coûteux voire maltraitant, des coupables rarement condamnés et surtout une lourde chape de silence.

Préférer « Evitez de violer » à « Evitez d’être violées »

Ce travail de fourmis de plusieurs années leur a aussi réservé son lot de surprises. « Beaucoup de femmes de notre entourage sont venues nous parler, témoignent-elles. Et nous avons expérimenté vraiment ce qui pour nous n’étaient encore que des chiffres : une femme sur six en France est victime de violences sexuelles. » Autre surprise, et pas des moindres, des hommes venus leur dire qu’ils prenaient conscience de s’être un jour rendu coupable de rapports non consentis.

Nolwenn Weiler et Audrey Guiller posent en outre la seule vraie question : qu’est-ce qui dans notre société permet au viol de perdurer ? Certes, les passages à l’acte ont de nombreuses causes, mais leur principal fondement repose sur une société inégalitaire, dans laquelle l’homme est considéré comme un sujet sexuel alors que la femme est vue comme un objet sexuel dont le consentement n’est que secondaire.

Et il est frappant de constater qu’en matière de viols, c’est aux jeunes filles qu’on fait des recommandations comme si l’acte dépendait d’elles seules. « Toutes les sensibilisations du type « évitez d’être violées«  auprès des femmes ne seront jamais aussi efficaces que les messages « évitez de violer » auprès des hommes », écrivent Nolwenn Weiler et Audrey Guiller.

Une expérience prolongée par un blog

« Le viol n’est pas un attribut de la masculinité, pas plus que le foot », insistent les deux auteures qui font remarquer que d’ailleurs 80% des hommes ne seront jamais des violeurs. Et que les hommes ont tout intérêt à lutter aux côtés des femmes contre ce crime qui nuit aux relations femmes/hommes.

« C’est un livre de journalistes, pas un livre de militantes », se défend Nolwenn Weiler. Pourtant, les deux jeunes femmes entendent désormais prolonger l’aventure grâce au blog qu’elles ont créé ; grâce aussi à des débats et des conférences auxquels elles souhaitent participer comme elles le feront à Rennes mercredi prochain (*) dans le cadre des journées de lutte contre les violences faites aux femmes.

Le Viol, un crime presque ordinaire, de Audrey Guiller et Nolwenn Weiler, Editions du Cherche Midi, octobre 2011, 15 euros.

Geneviève Roy – EGALITE

(*) « Viol, la honte a-t-elle changé de camp ? » le 23 novembre à 20h – plus d’infos sur www.questionsdegalite.blospot.com

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