Politique Regard des médias sur les candidates aux présidentielles

Couverture du livre « Présidente : le grand défi »

Couverture du livre « Présidente : le grand défi »

Des femmes sont présidentes au Brésil, en Thaïlande, en Lituanie ou au Liberia.
En France, un long chemin reste à parcourir pour qu’un jour une femme soit à la tête du pays.

Dans un essai passionnant qui se lit comme un roman, Marlène Coulomb-Gully retrace le parcours de ces combattantes de l’impossible que furent les femmes qui tentèrent, de 1974 à 2007, la plus haute fonction publique. Ecrit par une des rares spécialistes des rapports entre genre, médias et politique, Présidente : le grand défi nous donne à réfléchir sur les rapports ô combien tendus entre les femmes politiques qui osent la magistrature suprême et les médias.

Oublions les campagnes présidentielles de 1965 et 1969, qui, comme le dit l’auteure, furent « à 100 % masculines ». Et si des femmes apparaissent alors dans les médias, ce sont les femmes des candidats, la plupart du temps interviewées par des femmes journalistes.

Présidentielle de 1974

La campagne présidentielle de 1974 voit arriver des candidates, pardon la candidate ! En effet, seule Arlette Laguiller, responsable de Lutte ouvrière se présente face à onze hommes. « Eh bien oui, je suis une femme et j’ose me présenter comme candidate à la présidence de cette République d’hommes » sera la première phrase de son intervention télévisée.

Parce qu’elle déclare refuser le mariage comme les enfants, les médias lui donnent du « mademoiselle », souligne l’auteure. Le président du Conseil constitutionnel, l’assimilant aux autres candidats, l’appelle, quant à lui, monsieur ! En dépit de la condescendance confinant au mépris des journalistes ou des hommes politiques, cette pionnière fera 2,33 % des voix. Sept fois de suite, Arlette Laguiller reviendra briguer les suffrages des Français.

Présidentielle de 1981

En 1981, deux autres femmes se présentent. Marie-France Garaud, sans aucun parti derrière elle et Huguette Bouchardeau pour le PSU.

Lors de la campagne, Marie-France Garaud, pourtant loin de s’adresser aux femmes, voyait « les hommes plus soucieux des apparences du pouvoir que de sa réalité ». Femme indépendante, elle se fera traiter de « walkyrie », « chasseresse », « tigresse » par les médias.

Huguette Bouchardeau, féministe affirmée, responsable de la commission femmes au sein de son parti déclarait, quand à elle, que « la politique, c’est trop sérieux pour la laisser faire par les seuls hommes ». Les propos sur son physique largement amplifiés par les médias la marqueront durablement, explique Marlène Coulomb-Gully.

Les femmes en politique sont toujours « trop ». Trop belles ou trop laides.

Présidentielle de 1995

La campagne de 1995 se lance dans un contexte différent. L’arrivée de la gauche au pouvoir a amené de nombreuses femmes au gouvernement, un ministère des Droits de la femme, ainsi qu’une éphémère Première ministre.
La longue marche vers la parité est en route, souligne la chercheuse.

En 1995, il ne reste que deux candidates : l’inaltérable Arlette Laguiller et Dominique Voynet, une candidate « nature » pour un parti vert, que l’on décrit aussi comme combattive, rebelle et ambitieuse. Le dernier adjectif qualifiant rarement un homme politique. Fait nouveau et encore d’actualité : de nombreux journalistes la désignent par son nom de famille, ce qui est rarissime pour une femme politique.

Présidentielle de 2002

En 2002, quatre femmes sont en compétition : Arlette Laguiller toujours, Corinne Lepage, écologiste de droite, Christine Boutin, dissidente de l’UDF, et pour la première fois une femme noire, Christiane Taubira, candidate du MRG.

Marlène Coulomb-Gully raconte que Christine Boutin subira le même sort que nombre de femmes politiques, décrites comme téléguidées par des hommes politiques, comme des sous-marins ou de simples porte-parole.

Elle explique aussi que la plupart du temps les femmes de droite ne sont pas portées par un parti, ce qui démontre une imperméabilité des partis de droite à l’égalité femmes-hommes plus forte qu’à gauche.

Le portrait de Christiane Taubira dressé par les médias en dit beaucoup sur l’inégal traitement qu’ils accordent aux femmes et aux hommes. Pour Christiane Taubira, la tonalité est sexiste et sexuelle car elle a la particularité d’être femme, noire et féminine. C’est beaucoup pour un monde médiatique et politique machiste !

Marlène Coulomb-Gully cite Le Monde « « cette élue guyanaise à l’Assemblée nationale a les faveurs de Jean-Michel Baylet, président du MRG ». Elle note que parfois les médias oublient la candidate noire, comme Le Monde, qui, comparant les positions des candidats sur un certain nombre de grands thèmes, zappe les positions de la candidate du MRG.

Les médias la qualifient de « mégalo », « imprévisible », « incontrôlable ». Un ensemble de qualitatifs qui démontre que, décidément, le Quatrième pouvoir a du mal à accepter les femmes libres.

Présidentielle de 2007

Arrive 2007, et de nouveau quatre candidates, toutes de gauche : Ségolène Royal, Dominique Voynet, Arlette Laguiller et Marie-George Buffet.

Cette dernière a ce culot d’être une femme qui impose sa candidature à son propre parti, une attitude difficile à accepter par les médias. Seule une journaliste étrangère notera qu’elle est la première femme candidate présidente de parti et première candidate communiste.

Et pour la première fois en France, se présente une femme qui a de réelles chances d’être élue.

Ségolène Royal fait du genre, un de ses arguments de campagne. Elle remplit les stades, déclenche l’enthousiasme des militants en même temps que la misogynie des médias et de certains de ses camarades de parti. Marlène Coulomb-Gully cite Dominique Strauss Khan et son « elle aurait mieux fait de lire ses fiches de cuisine ». L’auteure s’attarde sur le portrait d’une femme politique de gauche atypique, oscillant entre féminité, maternité, et valeurs sécuritaires.

Les médias parlent d’«icône », de « pasionaria », de «madone ». Des mots qui reviennent très souvent sous la plume des journalistes, féminins comme masculins, pour qualifier les femmes.

Caroline Flepp – EGALITE

Présidente : le grand défi. Femmes, politique et médias, Marlène Coulomb-Gully, 2012, Payot, 391 pages, 23,50 euros.

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