Société Quand Geneviève Fraisse s’interroge sur la fabrique du féminisme

Détail de la couverture de "La Fabrique du féminisme".

Détail de la couverture de "La Fabrique du féminisme".

Détail de la couverture du livre La Fabrique du féminisme.

Comment être féministe sans participer à l’Histoire, sans mettre en pratique sa réflexion ? Cette interrogation, Geneviève Fraisse, philosophe, chercheuse au CNRS, mais aussi ancienne déléguée interministérielle aux Droits des femmes (1997-1998) et députée européenne (1999-2004), n’a cessé de vouloir y répondre. Les textes réunis aujourd’hui sous le titre La Fabrique du féminisme permettent de suivre le cheminement de sa réflexion sur une trentaine d’années.

Publiés depuis les années 1970 dans différents médias, de L’Humanité aux Cahiers du genre en passant par Le Monde, ces textes et interviews font le portrait d’une des plus intéressantes figures du féminisme contemporain : une femme qui ne s’est pas contentée de penser et n’a pas hésité à mettre, comme on dit, « la main à la pâte », ou plutôt, pour éviter l’image sexiste, « les mains dans le goudron »…

Cet engagement, dont les médias font sa marque de fabrique, n’est pourtant pas l’essentiel pour la philosophe. Née dans une famille de gauche, elle avoue, en évoquant l’influence de mai 68 : « Je ne me suis pas engagée, j’ai été engagée par l’Histoire ». Son choix d’analyser les fondements philosophiques du féminisme l’a menée à entrer au CNRS en 1983 puis, tout naturellement à mélanger ensuite théorie et pratique.

La Fabrique du féminismeEn montrant que « le féminisme, ça pense », mais ça agit aussi, elle fait le lien entre la bibliothèque et la rue, les sujets individuels et le collectif. Ce que ce recueil apporte est en ce sens unique. Plus facile d’accès que certains de ses autres livres, il permet de suivre la pensée de l’auteure de Du consentement et de Les femmes et leur histoire. Il est un outil passionnant pour mieux appréhender le monde.

Car la différence des sexes, cette « réalité empirique qui a des conséquences politiques », est bien le noyau à partir duquel la philosophe – qui préfère se définir comme « une féministe qui fait de la recherche » – a construit une pensée originale et indispensable. Les différents textes recueillis dans cet ouvrage en dessinent avec vivacité les éléments.

Pourquoi avoir voulu réunir aujourd’hui ces réflexions ? L’année 2011, à la suite de l’anniversaire des 40 ans du féminisme en 2010, avec l’émergence de jeunes mouvements militants, puis l’affaire du Sofitel de New York et ses conséquences dans les discours, ou encore l’enjeu du droit des femmes dans les révolutions arabes, en ont été le déclencheur pour l’auteure.

Voir ainsi coïncider des décennies de recherche avec l’actualité, avec l’histoire en mouvement lui a donné l’envie de résumer sa pensée. De la parité à la notion de servitude, de celle du consentement au « gender mainstreaming », en passant par le problème du foulard, l’égalité professionnelle ou la façon dont les femmes sont devenues des sujets de l’Histoire, elle nous donne à lire l’évolution de l’égalité. Une égalité encore en marche, qu’il est important de savoir décrypter.

Moïra Sauvage – EGALITE

Geneviève Fraisse, La Fabrique du féminisme, éditions Le passager clandestin, mars 2012, 381p., 18 euros.

Rencontre avec l’auteure le mercredi 9 mai à 19h à la librairie Violette & Co.

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