Environnement : les enjeux des inégalités de genre Publicité : sexisme et développement non durable, même combat ?

Femme aux gants bleus © La Photo libre

Femme aux gants bleus © La Photo libre

Quoi qu’en disent les tenant-es du « libre choix » d’acheter ce qu’on veut ou les admirateurs-trice-s du côté créatif et branché de certaines « pubs », l’industrie publicitaire, une des plus puissantes qui soient, se fonde sur des techniques de neuro-marketing dont l’objectif est de créer des besoins pour faire vendre toujours plus de produits ou de services.

On estime ainsi que dans les pays riches, chaque personne reçoit environ 3000 messages publicitaires par jour, et ce dès le plus jeune âge, les enfants étant devenus une cible prioritaire, en tant que prescripteurs d’achats par leurs parents.

Compte tenu de l’augmentation permanente des supports publicitaires et de leur omniprésence dans l’espace public, voire privé – affiches, médias, internet, boîtes aux lettres, mais aussi moyens de transport, murs, monuments en réfection… –, les corps de femmes souvent déshabillés, toujours retouchés par des logiciels graphiques, morcelés, constituent un bourrage de crâne sexiste permanent.

Les femmes incapables de résister à leur pulsion de consommation ?

Le sexisme est un fonds de commerce inépuisable pour les industries produisant des objets de consommation, et en retour la société de surconsommation renforce et pérennise les stéréotypes sexistes.

Par ailleurs, la publicité aime à représenter des femmes superficielles, obsédées par leur « look », incapables de résister à leur pulsion de consommation – particulièrement en période de soldes – prêtes à tout, y compris à se crêper le chignon pour acquérir le bidule qui « accessoirisera » le mieux leur dernière tenue.

Les femmes sont aux avant-postes d’une consommation dont l’utilité est incertaine : fringues sans cesse renouvelées au gré des injonctions (majoritairement masculines) de la mode, sacs, maquillage, parfums, cosmétiques, décoration, sans compter l’électroménager, qui reste une valeur sûre.

Les magazines féminins, sortes de publi-reportages offrant un festival permanent de stéréotypes, ont une fonction d’accompagnement des perpétuels retournements de tendance rendant caducs les objets précédemment plébiscités.

L’immense majorité de ces objets sont produits en Chine ou dans des pays pauvres dans des conditions écologiques et sociales souvent désastreuses – dont les femmes sont aussi les premières victimes. Leur production et leur transport sont coûteux en gaz à effet de serre et consomment beaucoup d’eau et de ressources non renouvelables.

Femmes fatales et nature associées à la voiture

On peut faire le parallèle entre sexisme et « greenwashing », particulièrement emblématiques dans les publicités pour les voitures. Depuis des décennies, la publicité associe femmes fatales et offertes à belle voiture puissante, rapide, maniable. Il est plus facile à l’homme moyen de s’endetter pour se rendre propriétaire d’une voiture source de prestige social que d’accéder à une « vamp » d’1 m 80 aux formes idéales qui, la bouche grand ouverte, le couverait en permanence d’un regard vide.

Depuis quelques années, avec l’injonction de la lutte contre le réchauffement climatique, apparaissent des publicités assimilant abusivement la voiture et la défense de l’environnement : c’est ce qu’on appelle le greenwashing ou éco-blanchiment.

La nature présentée comme intacte, la force des éléments et l’énergie vitale sont convoquées pour vendre un moyen de transport pourtant condamné à terme par la raréfaction à la fois du pétrole et de l’espace agricole et des écosystèmes indispensables à la vie…

Les femmes, la nature et la beauté sont ainsi souvent associées dans les publicités pour vendre des aliments gras, sucrés, des eaux en bouteille inutiles, des cosmétiques bourrés de conservateurs et de produits chimiques etc.

Les visions matérialiste, consumériste et très fréquemment sexiste, voire raciste des rapports humains que véhicule la publicité sont intrinsèquement liées.

Ne s’agit-il pas de promouvoir un modèle économique et de développement fondé sur la confusion entre désir et besoin, sur la promotion de la puissance, de la vitesse, de la compétition, de la réduction de tout à l’état d’objet consommable ?

Finalement, prendre ses distances par rapport aux messages publicitaires, militer pour contenir leur expansion, c’est faire d’une pierre plusieurs coups : refuser le sexisme, adopter un mode de consommation plus sobre, préserver l’environnement et la santé !

Yveline Nicolas, coordinatrice de l’association Adéquations

 —

print