Culture Le festival Femmes en résistance fête ses 10 ans

Le Festival Femmes en résistance a 10 ans cette année, comment est-il né?

Le festival est né des travaux de l’association Résistances de femmes, fondée en 2001, qui voulait créer un espace de diffusion pour des films documentaires politiques, avec un engagement féministe clair. Après avoir rencontré Dominique Moussard, le directeur de l’espace municipal Jean Vilar à Arcueil et noué un partenariat avec lui et la ville, qui nous soutiennent totalement depuis dix ans, la première équipe a pu organiser la première édition en 2003, qui était intitulée « Femmes en résistance à la guerre».

 Quels sont les objectifs du Festival ?

L’objectif premier du festival est de faire exister des films qui proposent autre chose que ce que l’on peut voir à la télévision, c’est-à-dire des images stéréotypées et des femmes objets ou victimes. L’objectif est de montrer que les femmes font des films, prennent en mains leur destin et luttent partout dans le monde pour leurs droits et la possibilité de vivre en sécurité. Partout, elles résistent, par les armes, l’art, la grève, les luttes collectives, mais malheureusement, ces histoires là sont systématiquement tues, ou effacées. Nous sommes là pour les rendre visible.

Qu’apportent pour vous les documentaires à la lutte pour les droits des femmes ?

Le documentaire est probablement la meilleure forme cinématographique pour nous restituer les luttes des femmes. La fiction est trop emprisonnée dans les stéréotypes patriarcaux. La video, les femmes s’en sont emparées très vite, notamment Carole Roussopoulos à qui nous avions consacré une partie de l’édition 2005. La vidéo leur permet de se raconter telles qu’elles le souhaitent.

Il y a des sujets, comme ceux du viol ou de la prostitution, qui ne peuvent être traités de manière juste que par le documentaire. Mais il faut que celui-ci soit politique, au sens qu’il comprenne ce qu’aujourd’hui les maisons de production, commanditées par les grandes chaînes, ont tendance à refuser. Pour parler de nos luttes, il ne faut pas livrer des témoignages qui individualisent les expériences des femmes, mais des films qui ont un point de vue fort, qui permet d’éclairer de façon globale un sujet. Ce que montrent les documentaires de Carole Roussopoulos, ou ceux d’Eve Lamont, comme L’imposture, passé l’an dernier en première européenne au festival, qui parle d’abolition de la prostitution.

Comment trouvez-vous tous ces documentaires qui viennent du monde entier ?

Nous sommes un petit festival en terme de moyens, nous recevons donc assez peu de films directement. Toutefois, avec la notoriété acquise peu à peu dans le milieu, des réalisatrices nous envoient leur film, et chaque année plusieurs viennent de pays aussi divers que l’Inde, les Etats-Unis ou l’Argentine. Nous avons aussi des sites ressources comme le site américain women make movies, et les autres festivals, de France ou d’ailleurs, qui nous permettent d’élargir le regard.

Le Festival fête ses 10 ans, y a-t-il une programmation particulière cette année ?

La programmation de cette année est consacrée aux luttes collectives des femmes, parce que nous voulons montrer à la fois leur permanence, leur renouvellement, nous interroger sur leur avenir, et dire que ces luttes « changent la vie entière » c’est l’intitulé du festival.

Car la lutte féministe non seulement permet de changer les lois, les habitudes, mais elle est aussi pour les femmes une nouvelle façon de vivre ensemble. En luttant ensemble, nous défions le patriarcat qui cherche à maintenir son oppression par la division des femmes, et nous découvrons le bonheur de la sororité, des luttes dans la joie et l’enthousiasme. C’est ce que nous espérons montrer au travers des films présentés cette année : les féministes sont joyeuses dans la lutte !

En 10 ans quelle évolution sur la façon dont les femmes filment les femmes, sur ce qu’ apportent les films sur les luttes des femmes avez-vous pu constater ?

Plus le temps passe, plus il est difficile de résister à la pornification des images des femmes dans la société. Aujourd’hui, il y a de nombreuses femmes qui se revendiquent féministes et reproduisent des images dans lesquelles nous ne nous reconnaissons pas. Je dirais qu’il est surtout encore plus difficile aujoud’hui, quand on veut filmer les femmes autrement, d’obtenir des financements et une diffusion. Pour reprendre l’exemple de L’imposture, d’Eve Lamont, ce film remarquable, qui a recueilli les témoignages de dizaines de personnes prostituées, n’a pas eu le droit à une diffusion en salles ou à la télévision en France. Il n’a été vu en salle qu’à Femmes en résistance. Et s’il y a de plus en plus de femmes parmi les réalisatrices de documentaires, je ne suis pas sûre qu’aujourd’hui elles soient plus libres qu’il y a 10 ans, ou dans les années 1970. J’ai plutôt l’impression que la contrainte économique les pousse à se plier au formatage et au modèle dominant.

Quelles sont vos plus beaux souvenirs ?

Outre la diffusion de L’imposture, je dirais la venue au festival d’Aishah Shahidah Simmons, réalisatrice lesbienne noire américaine de NO ! The Rape documentary, pour la projection de la version définitive du film en première française. Ce film parle des viols dans les communautés afro-américaines et des difficultés à les dénoncer.

 

Propos recueillis par Caroline Flepp — EGALITE

Plus de détails sur le festival et le programme ici.

Informations pratiques : 29 et 30 septembre / Espace municipal Jean Vilar d’Arcueil, RER B Laplace ou Arcueil-Cachan.

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