Santé « Menace sur la santé des femmes » : ces substances qui nous veulent du mal


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Le 21 septembre dernier, la communauté internationale a reconnu « les effets néfastes des perturbateurs endocriniens sur la santé humaine et l’environnement » et le « besoin de protéger les sous-ensembles vulnérables des populations humaines et des écosystèmes contre ces atteintes (1) ».

En mars 2013, l’Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) rendra un avis scientifique sur les risques sanitaires provoqués par les perturbateurs endocriniens, mais les ONG alertent depuis plusieurs années sur les risques potentiels sur la santé. Women in Europe for a common future (WECF) publiait le 4 octobre dernier un ouvrage, Menace sur la santé des femmes (2). De son côté la Grennepride 2012 faisait des perturbateurs endocriniens le thème de son défilé annuel.

Ces substances qui nous perturbent

Une multitude de troubles de la santé reproductive féminine serait directement liée aux perturbateurs endocriniens. C’est ce que met en lumière Menace sur la santé des femmes publié par WECF. L’ouvrage synthétise les travaux de 18 scientifiques réunis en 2008 en Californie et est adapté de l’ouvrage américain Girls disrupted.

«2.000 substances chimiques sont connues pour interférer avec l’appareil reproducteur masculin, mais on en sait encore peu pour les femmes » précise Elisabeth Ruffinengo, chargée de mission pour WECF, qui a travaillé à la traduction de l’ouvrage.

Ainsi, l’ouvrage publié par WECF dresse un constat inquiétant des effets nocifs des perturbateurs endocriniens pour les femmes.

Aujourd’hui de nombreux troubles liés au système hormonal se multiplient au sein de la population : cancers de la prostate ou du sein, obésité, diabète, puberté précoce ou baisse de la fertilité masculine… Mais ces troubles sont décuplés pour le fœtus lors d’une grossesse, si bien que les femmes enceintes et les jeunes enfants sont plus vulnérables.

«Les troubles de la santé reproductive féminine sont une question complexe, tout comme leur étude. Pour autant, il est inacceptable de se retrancher derrière la complexité pour retarder l’action en matière de santé publique. Ces troubles peuvent avoir des conséquences désastreuses pour les femmes qui y sont confrontées. Devant les liens mis en évidence ou fortement suspectés entre des perturbateurs endocriniens bien connus et certains de ces troubles, il est devenu urgent de protéger les périodes de vulnérabilité identifiées par les scientifiques, par l’application de mesures limitant l’exposition des populations », explique Elisabeth Ruffinengo.

Ces 70 dernières années, 80 000 produits chimiques ont été introduits sur le marché sans que l’on ait de données sur leurs effets sur l’environnement ou la santé. Il faudra attendre 2018 avant obtenir toutes ces informations conformément à la réglementation européenne REACH (3) entrée en vigueur en 2007, qui obligent les industriels et importateurs à informer les consommateurs sur les risques posés par les produits chimiques qu’ils utilisent ou mettent sur le marché.

A ce titre, beaucoup de produits du quotidien contiennent des substances chimiques dangereuses pour la santé : les anti-bactériens comme le triclosan que l’on retrouve dans les dentifrices, certains cosmétiques et produits ménagers ; le formaldéhyde, composé organique volatil (COV) présent dans les colles des meubles en bois aggloméré. Les jouets des enfants ne sont pas non plus épargnés puisque certains contiennent encore du chrome, des phtalates ou du formaldéhyde.

Lutter pour la santé des femmes et des enfants

WECF, encore mal connue en France, est une organisation européenne inscrite à l’ONU qui, depuis 1994, fait entendre la voix des femmes dans le développement durable. En 2008, un bureau français a été crée avec à sa tête Anne Barre :

« Notre but est de mener des projets de terrain et pas seulement des plaidoyers. Nous sensibilisons le grand public et les politiques sur les problématiques liées à la santé et à l’environnement. Nos priorités sont l’information du public et la protection des femmes enceintes et des enfants ».

WECF a publié de nombreux guides pour combler le manque d’informations sur les substances chimiques. Par ailleurs, l’organisation a mis en place un site internet, Nesting, qui permet à chacun et chacune de se renseigner sur les polluants de notre environnement intérieur. Présenté comme un « outil ludique », Nesting organise aussi des ateliers et des formations à travers la France entière.

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Politique : vers une interdiction globale ?

Aujourd’hui, si les perturbateurs endocriniens sont arrivés dans le débat public e politique c’est avant tout par le biais du bisphénol A, devenu un emblème de ces subsantces chimiques dangereuses pour la santé.

Le 23 juin 2010, l’Assemblée nationale adoptait une loi visant à interdire la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A suite à un avis mitigé émis par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). Bien que prometteuse, cette loi était immédiatement jugée insuffisante de la part d’organisations environnementales qui attendaient que l’interdiction soit élargies à tous les plastiques alimentaires comme le prévoyait la première formulation de la loi en juillet 2009.

Le 9 octobre, le Sénat repoussait au 1er juillet 2015, au lieu de 2014, l’interdiction du bisphénol A dans tous les contenants alimentaires. Mais, contre toute attente, et surtout contre l’avis du gouvernement, le Sénat a adopté des mesures interdisant le bisphénol ainsi que tout autre perturbateur endocrinien et substance cancérogène dans tous les dispositifs médicaux destinés aux bébés et femmes enceintes.

 

M C — EGALITE

(1) Lors de la 3ème session de la Conférence Internationales sur la Gestion des Produits Chimiques (ICCM3).

(2) Menace sur la santé des femmes, éditions Yves Michel, 2012, 11€.

(3) Regulation on Registration, Evaluation, Authorisation and Restriction of Chemicals (Réglementation sur l’enregistrement, l’évaluation, l’autorisation et la restriction des substances chimiques).

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