DOSSIERS \ Municipales 2014: quelles responsabilités pour les femmes ? Mairies et intercommunalités  : des chasses gardées masculines

Mariette Sineau, politologue au CEVIPOF/Sciences Po analyse les résultats des élections municipales du mois de mars dernier au regard de la parité.Le constat est sans appel.

Sans conteste, les femmes ont gagné en notabilité, à l’issue des municipales des 23 et 30 mars 2014. Pour l’ensemble des communes, la proportion de conseillères municipales a progressé de 35 % en 2008 à 40,3%, atteignant 48,2% pour les villes de 1000 habitants et plus (1). Quant aux conseillères communautaires, on en compte désormais 43,7% contre 25% environ en 2008. Ces progrès sont dus aux dispositions de la loi du 17 mai 2013 qui, d’un côté, étendent le scrutin de liste paritaire aux communes à partir de 1000 habitants (contre 3500 habitants auparavant), de l’autre, promeuvent l’élection des conseillers communautaires au suffrage direct. La place des femmes dans les bureaux des villes, déjà élevée en 2008, se confirme en 2014 (2).
Mais là s’arrêtent les progrès de la parité. Pour avoir, grâce à la loi, « moissonné » de nombreux mandats locaux, les femmes ont échoué à conquérir la direction suprême des villes et des intercommunalités, exemptes, elles, de toutes contraintes légales. Les résultats du « troisième tour » des municipales sont éloquents : seules 15,9% de femmes ont été élues maires (1). Un score en stagnation par rapport à 2008 (13,8%), que laissait augurer d’ailleurs les 17,1% de femmes désignées têtes de liste. Ainsi, en 2014, le maire reste une figure masculine de la politique, qui plus est celle d’un homme âgé, souvent retraité. Quand tomberont les résultats sur les présidences d’intercommunalités, qui concentrent l’essentiel du pouvoir et des ressources, tout porte à croire que le constat sera celui d’une raréfaction encore plus grande de la présence féminine.
Si peu de femmes à la tête des villes et des intercommunalités !
En 2008, les femmes maires étaient plus nombreuses à gauche qu’à droite. En 2014, la vague bleue, qui s’est traduite par la bascule de gauche à droite de quelque 150 villes de plus de 10 000 habitants a sans doute accentué la défaite des femmes en terme de pouvoir mayoral. La nouvelle génération des maires d’opposition, souvent très jeune, est composée d’hommes pour l’essentiel. Il est stupéfiant qu’en 6 ans les femmes aient si peu progressé à la tête des villes et des intercommunalités, alors même que les positions acquises par elles en 2008 dans les bureaux exécutifs des mairies les y prédisposaient. Trop peu nombreuses ont été les adjointes au maire de 2008 qui ont réussi à capitaliser leurs ressources en accédant à la fonction de premier magistrat en 2014. A cet égard, Anne Hidalgo à Paris, Johanna Rolland à Nantes ou encore Nathalie Appéré à Rennes font figure d’exceptions. Le dispositif paritaire aurait-il eu pour effet de renforcer la résistance des hommes sur leur dernier pré carré, rigidifiant ainsi l’asymétrie entre les sexes face au pouvoir mayoral ?
En tout cas, l’accès des femmes à la direction des villes se heurte à des règles non écrites dont les plus pénalisantes sont la prime au sortant dans l’attribution de la tête de liste et la pratique – toujours d’actualité – du cumul des mandats par le maire sortant (3). Sans attendre tout de la loi, les femmes devront apprendre à s’imposer dans un mode de scrutin, qui, pour être de liste, reste personnalisé, puisqu’il met en exergue le nom de celui/celle qui sera élu maire. Le pouvoir ne se donne pas, il se conquiert.
Mariette SINEAU Politologue (CEVIPOF/Sciences Po), auteure de Femmes et pouvoir sous la Ve République (Presses de Sciences Po, 2011)

Cet article s’appuie sur des résultats provisoires du ministère de l’Intérieur.

1 En revanche, dans les communes de moins de 1000 habitants, sans contrainte paritaire, le pourcentage de conseillères municipales stagne à 34,9%, contre 32,2% en 2008. (Sources, Ministère de l’Intérieur/HCEFH).
2 Grâce à la loi de 2007 qui impose la parité pour les bureaux exécutifs des villes.
3 Seule une minorité de parlementaires a choisi de renoncer à leur fonction de maire par anticipation de la future loi anti-cumul qui s’appliquera en 2017.

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