Articles récents \ DÉBATS \ Contributions \ France \ Sport Place des sportives à la TV: un très léger mieux

Selon le CSA, en 2013, le sport féminin occupait 7% du temps d’antenne. Le nouveau site sportiva-infos a réalisé sa propre enquête qui démontre que les sportives sont aujourd’hui un petit peu moins invisibles.

Six mois de visionnage, correspondant à dix mille heures de sport à la télévision : telle est la tâche à laquelle s’est attelée l’équipe du site Sportiva-infos du 1 octobre 2013 au 31 mars 2014. Une mission ardue, rendue d’autant plus complexe par le nombre accru des chaînes, spécialisées ou pas, payantes ou gratuites. Mais un travail indispensable pour décrypter la véritable part accordée au sport féminin dans les médias. Une place qui apparaît toujours aussi faible si l’on tient compte de la domination des sports masculins, et ce malgré cette hausse de 4% comparée à l’étude précédente de Sportiva. Car, comme le précise le site, « cette augmentation sensible s’explique naturellement par l’arrivée en février 2013 d’une nouvelle chaîne thématique à accès payant, MCS Tennis, qui appartient au groupe Ma Chaîne Sport », détenteur des droits d’une majorité des tournois de la WTA (Women’s Tennis Association).

Le total mépris des médias pour le cyclisme féminin

En dehors de cette évolution, Sportiva confirme que, un an après, « les bons et les mauvais élèves, ainsi que les disciplines plus ou moins heureuses sont les mêmes. » Eurosport, France Télévisions et D8 restent les trois canaux porteurs pour la représentation du football féminin à la télévision, loin devant le basket-ball (six matches retransmis en six mois) et le rugby (deux matches diffusés pendant la même période). Et encore, quand le premier cité semble trôner au-dessus des autres pour les disciplines collectives, Sportiva atténue la donne en précisant que « les sports individuels s’y démarquent par une quasi parité. » Une égalité de traitement dont pourrait néanmoins se contenter le cyclisme féminin qui, avec 0% (!) de place accordée, continue d’être totalement méprisé par les médias.
Le constat, amer et implacable, le devient d’autant plus lorsque l’on s’attarde sur le profil des chaînes privilégiant d’autres sports que le foot : celles-ci sont payantes. Volley sur le groupe MCS, handball sur BeINSPORTS … Comme le remarque très justement Sportiva « à chaque discipline, son canal de prédilection, et à chaque fois un abonnement plus ou moins onéreux. » Une réalité à laquelle n’échappe pas non plus le sport masculin, lui aussi mis sous l’éteignoir par les 60% réservés au foot et qui, insiste les responsables de sportiva « vampirise la plupart des grilles de chaînes à thématique sportive. »
Face à l’ogre ballon rond, le sport féminin en général a donc bien du mal à être intégré dans les programmations, les « 24 heures de sport féminin dans les médias », portées par le Conseil Supérieur de l’Audiovisuel, le 1er février dernier demeurant un épiphénomène.

Invisibles et caricaturées

Pour les sportives, seule une compétition majeure et médiatisée (Jeux Olympiques, Championnats du Monde, d’Europe…), et un profil de possible vainqueur (avec diffusion de la finale) pourraient véritablement remuer les lignes. Du moins dans les sports « historiques » – football, voire tennis par le prisme de Roland-Garros – car pour les autres, y compris pour l’équitation, les bons résultats, et les médailles ne changeront pas la donne. Des exemples ? Les fans d’équitation, l’une des rares disciplines mixte tous sports confondus et troisième fédération en France en terme de licencié(e)s, connaissent bien évidemment la cavalière Pénélope Leprevost, troisième meilleure cavalière mondiale, le grand public lui n’en a pratiquement jamais entendu parler.
Et lorsque les sportives sont à l’écran, elles sont rabaissées, caricaturées par certains commentateurs … Ainsi le CSA avait mis en garde France Télévisions en mars dernier à la suite de « propos à caractère et teneur graveleux » exprimés pendant les JO de Sotchi, notamment lors des retransmissions de patinage artistique
Quant à l’annonce fin 2013 par Valérie Fourneyron alors ministre des Sports d’un fond d’un million d’euros destiné aux fédérations pour financer le coût des retransmissions de compétitions féminines, Annie Sugier, présidente de la Ligue Internationale du Droit des Femmes, révèle que « l’État le fait car il sait qu’autrement les fédérations utiliseraient l’argent à autre chose ». Une somme, de toutes façons, ridicule comparée aux mannes financières dont dispose certains de ces organismes.
Pourquoi la promotion du sport féminin à la télévision fait-elle si peur ? Voilà une question qui devrait être posée aux nombreux hommes/dirigeants de ces fédérations !
Pierre Moyon, journaliste

print