Articles récents \ Monde Grabuges : une expérience de pédagogie féministe

Dans le cadre de la première table-ronde des Assises de l’IEC : « vive le genre », Nadine Plateau, co-fondatrice du réseau belge Sophia a présenté la montée en puissance des études de genre dans son pays.

 
Sophia est une association féministe qui a joué un rôle d’initiative, de réseautage et de lobbying déterminant dans le développement et l’institutionnalisation des études de genre en Belgique.
«Grabuges», groupe belge associatif et universitaire en études féministes de genre et sur les femmes a été créé en 2008 en Communauté française à l’initiative de Sophia et de l’Université des femmes (UDF). Il s’agissait de pallier l’absence d’encadrement scientifique dans le domaine du genre dans les universités francophones. Il n’existe en effet pas de master en genre en Belgique francophone, aucune diplomation en genre, une exception parmi les pays de l’Union européenne.
Ces deux associations féministes ont en commun une longue tradition d’analyse féministe critique, inscrite aussi bien dans les statuts que dans la pratique de l’UDF et de Sophia. Ensuite, elles se situent hors institution académique et à ce titre occupent une position certes marginale mais jouissent d’une totale autonomie.
Cette expérience de pédagogie féministe s’est faite quasiment sans moyens mais avec le soutien logistique des deux associations et bien sûr une bonne dose de bénévolat.
Un espace de réflexion sur le genre
La formule est simplissime : Grabuges fournit aux doctorant-e-s et aux étudiant-e-s un espace de formation, de réflexion et d’échanges hors université ; l’objectif étant de faire progresser la réflexion sur les méthodes de la recherche féministe et de genre.
Concrètement, chaque année, l’association propose plusieurs journées d’études et un atelier méthodologique. Les journées d’étude s’adressent aux étudiant-e-s qui désirent intégrer une perspective féministe ou de genre dans leur mémoire et leur fournissent un bagage théorique et la possibilité de présenter leurs travaux et d’en discuter avec des chercheur-e-s plus expérimentées des universités francophones du pays. Les ateliers méthodologiques s’adressent aux doctorant-e-s et chercheur-e-s plus avancé-e-s. Ils permettent de travailler les questions d’application des théories féministes et d’interdisciplinarité que ces théories supposent.
Deux aspects du travail de Grabuges me semblent importants par rapport à une pédagogie féministe. D’abord, la question des disciplines et de la discipline (si tant est qu’il existe une discipline genre). Qu’il s’agisse des étudiant-e-s ou des enseignant-e-s, tou-te-s restent ancré-e-s dans des disciplines précises. Par ailleurs, dans l’espace Grabuges, les participant-e_s s’approprient des théories et méthodologies pertinentes dans le domaine du genre qui transgressent les frontières établies entre disciplines et  qui devront être traduites dans différentes disciplines. A ce titre,Grabuges traite les études de genre comme d’une post-disciplinary discipline (discipline post-disciplinaire), je reprends ici l’expression d’une chercheuse danoise mettant l’accent sur le paradoxe des études de genre à la fois domaine disciplinaire propre et perspective intégrant l’ensemble des disciplines.
Ensuite, Grabuges consacre un fonctionnement fondé sur le care, j’entends pas là que les rencontres et les échanges ont lieu dans un espace où l’évaluation et la compétition cèdent la place à l’écoute bienveillante et au soutien dans un esprit de co-construction de savoirs. Ce type de relations horizontal et non hiérarchique favorise l’empowerment des femmes au sein de l’académie. Et il ne s’agit pas seulement d’un gain de pouvoir individuel mais aussi d’un renforcement collectif au sein de réseaux indispensables pour travailler les mentalités de l’ensemble de la communauté universitaire.
Un des problèmes de Grabuges est le manque de légitimité dans les milieux académiques. Tout le monde sait comment les universités snobent l’associatif (pas objectif, pas scientifique, militant etc.)
Grabuges est un succès, les journées attirent de plus en plus de monde. Le réseau de jeunes chercheuses se renforce.  L’association a été reconnu comme groupe de contact par le Fonds de contact de la recherche scientifique ce qui lui confère quelques avantages et de la légitimité.
 
Nadine Plateau
Nadine Plateau est fondatrice de la revue Chronique féministe de l’UDF, présidente de la commission enseignement du Conseil des femmes francophones de Belgique. Elle est fondatrice du Festival de films de femmes de Bruxelles Elles tournent et du Prix Cinégalité
50-50 magazine est partenaire des Assises 2014 de l’IEC : « Offensives pour l’égalité »

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