Articles récents \ Monde Neil Datta: « Avec la montée des anti-choix, le message à retenir n’est pas qu’il faut avoir peur, mais qu’il faut rester vigilant-e-s. »

Dans le cadre d’une des tables-rondes des Assises de l’Institut Emilie du Châtelet : « l’égalité, un sport mondial pas comme les autres » du 13 octobre dernier, Neil Datta, secrétaire général de l’European Parliamentary Forum on Population and Development (EPF), a fait le point sur les mouvements anti-choix au niveau européen.

EPF est un réseau de parlementaires de toute l’Europe qui s’engagent à protéger la santé et les droits sexuels et reproductifs des personnes les plus vulnérables.
Les mouvements anti-choix sont actif à tous niveaux de décision: national, de l’ Union européenne, du Conseil de l’Europe et de l’ONU. Ils sont aussi bien proactifs que réactifs. Ils s’activent pour faire avancer ou bloquer des lois et des politiques et les financements qui y sont liés. Ils font du lobby auprès des partis politiques, notamment des partis de droite et du centre-droit.
Des attaques discrètes sur les droits sexuels et reproductifs
Au niveau de l’UE, il n’existe pas de compétences concernant les droits sexuels et reproductifs. Plusieurs États membres ont des annexes à leur traité d’adhésion à l’UE précisant que ces questions resteront à jamais une compétence nationale. Mais, les droits LGBT sont bien une compétence de l’UE.
Pour le moment, il n’y a pas ou peu d’attaques frontales contre le droit à l’avortement ou les droits LGBT, du moins en Europe occidentale. Par contre, une série d’attaques plus discrètes visent certains sujets plus sensibles. Ainsi, les anti-choix ont mené des initiatives au Parlement Européen, à l’Assemblée Parlementaire du Conseil de l’Europe ainsi qu’en Irlande, au Royaume-Uni, au Canada et en Suisse pour empêcher les avortements sélectifs. Limiter l’avortement pour anomalie fœtale, notamment pour cause de trisomie (90%+ de fœtus diagnostiqué avec la trisomie sont avortés) est également dans leur ligne de mire .
Un autre série d’attaques, a pour objectif de rendre l’accès aux droits plus difficile, sans toucher aux droits en tant que tels, comme restreindre l’accès à l’éducation à la sexualité ou limiter les lois anti-« propagande » gay (la dépénalisation de l’homosexualité n’étant pas remise en cause).
Une autre tactique est celle des mensonges. Ainsi le rapport Estrela (1) aurait voulu « promouvoir » la masturbation infantile ! Ou les chrétiens seraient le peuple le « plus » discriminé au monde aujourd’hui !
La monté en puissance des anti-choix
Les anti-choix aujourd’hui sont plus professionnel-le-s.
Elles-Ils sont polyglottes, bien éduqué-e-s et formé-e-s, ce sont des juristes, lobbyistes, etc…
Elles-Ils sont également en plus grand nombre, il y a dix ans on comptait trois ou quatre bureaux anti-choix à Bruxelles, maintenant il y en a plus de dix.
Elles-Ils opèrent d’une façon transnationale, par exemple, la manif pour tous s’est exportée en Italie et en Allemagne avec « Demo fur Alle ». Le Centre Européen pour le Droit et la Justice, organisation basée à Strasbourg, a été fondé par un des leaders de la « droite chrétienne » américaine, elle est financé à hauteur d’ 1 million de $ par an par des fonds en provenance des États Unies.
Les anti-choix ont plus d’ ambition.
« Un de Nous » est une initiative Citoyenne Européenne qui a récolté 1,8 million de signatures dans l’UE et demande aux Institutions européennes de ne plus financer les activités liées à la destruction de l’embryon humain, notamment la recherche sur les cellules souches et la santé maternelle dans les pays en développement.  « Un de nous » a reçu une réponse négative de la Commission européenne et a donc lancé un recours devant la Grande Chambre contre la Commission, le Parlement européen et le Conseil des ministres.
Les anti-choix exercent une influence sur les partis politiques.
Des exemples ?
50% de la délégation de l’UMP au Parlement Européen, issue des élections de mai 2014 est signataire de la charte la manif pour tous !
La troisième force politique au Parlement Européen est le parti Conservateur et Réformateurs Européen (ECR) créé par les conservateurs Britanniques. Leur porte parole pour les questions du développement internationale et des droits des femmes sont des député-e-s farouchement anti-choix. Notamment, Beatrix von Storch du parti populiste Allemand (AFD), leader des réseaux anti-IVG dans ce pays, qui est porte- parole de son parti pour les questions femmes.
Les anti-choix s’organisent.
Plusieurs structures de mobilisation de masse ont été créé sur internet.
En France, la manif pour tous est devenue une ONG et a créé des sites web pour mobiliser une opinion publique ultra-conservatrice.
En Allemagne, une série de sites ultra-conservateurs liés au parti populiste AFD – intitulé « Die Freier Welte » (Le monde Libre) et EUCheck sont également présents sur le net.
En Espagne, CitizenGO, lié à l’organisation anti-IVG espagnole Hazte Oir et à l’américaine National Organisation for Marriage (NOM) opère en huit langues et a lancé des pétitions ultra-conservatrices.
Avec cette monté des anti-choix, le message à retenir n’est pas qu’il faut avoir peur, mais qu’il faut rester vigilant-e-s . C’est parce qu’elles-ils sont en train de perdre qu’elle-ils se sentent si menacé-e-s et donc s’organisent pour contrer leurs pertes.
Neil Datta, secrétaire général de l’EPF
(1) Le 10 décembre 2013, le parlement européen a rejeté le « Rapport sur la santé et les droits sexuels et génésiques », de l’ex-eurodéputée Edith Estrela.  Ce rapport préconisait une réaffirmation du droit à l’avortement, l’accès à la reproduction artificielle des femmes célibataires et des lesbiennes ainsi qu’une éducation sexuelle des jeunes enfants « sans tabous »

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