France \ Économie Sylvie Fofana, une nounou révoltée

Fondatrice du Syndicat National des Auxiliaires Parentales, Sylvie Fofana revient sur les événements qui l’ont construite et rendu si forte. Révoltée, humaniste, féministe, elle accompagne bénévolement celles qui étaient jusqu’alors tellement isolées.

Dans le 10e arrondissement, au cinquième étage de la Bourse de Paris, la porte 513 s’entrouvre sur un petit bureau chaleureux. Derrière son bureau de ministre, recouvert de paperasses, Sylvie Fofana, secrétaire générale du Syndicat National des Auxiliaires Parentales (UNSA/SNAP), esquisse un grand sourire.

Ce sourire-là, elle ne l’a pas toujours eu. Originaire de Côte d’Ivoire, Sylvie exerçait le métier d’assistante pharmaceutique. Enceinte, elle pointe bientôt au chômage. Ses enfants ? C’est toute sa vie. Et pour leur donner un avenir décent, elle décide de partir tenter sa chance en France. Elle vit chez son oncle quelques temps et fait des études de secrétariat et de bureautique au Nord de la Courneuve. Son projet ne peut aboutir : son oncle la met à la rue. Pendant plusieurs mois, la vie ne l’épargne pas. Ce qui éclaire ses journées, ce sont les après-midi au parc où elle fait la rencontre de nounous. Et c’est le déclic. «Les enfants sont sources d’innocence et de gentillesse» explique Sylvie Fofana, les yeux pétillants. C’est décidé, son métier ce sera auxiliaire parentale, nous sommes en 1995.

Gardienne d’enfants, éducatrice : une responsabilité quotidienne

Au quotidien, les journées sont enrichissantes mais éreintantes. Tout autant éducatrice que gardienne, elle se doit d’assurer ce rôle. Et d’assumer parfois. Parce qu’il est difficile pour les familles de comprendre son activité. En effet, il lui est arrivé trop souvent de se faire escroquer. Considérée comme une femme à tout faire, une inculte, les regards des parents sont lourds de sens. Elle comprend, malgré tout, la méfiance de certain-e-s. Elle se souvient d’avoir eu des employeuses/employeurs «admirables et tout simplement gentils.» Et son visage s’éclaire d’un sourire.

Jusqu’en 2009, elle exerce chaque jour ce métier. En ce mois de Janvier, la jeune femme travaille depuis dix mois pour une femme avec laquelle elle entretient une relation de travail pas des plus cordiales. Au retour des vacances d’hiver, le verdict tombe. Elle est licenciée sans préavis. Pour cause, la mère de famille cherche une personne qui ferait le ménage en plus. Rien n’était spécifié dans son contrat de travail. Sylvie n’en revient pas !
Depuis, elle attend toujours sa fiche de paye de son dernier mois de travail. Ecoeurée, horrifiée, révoltée, Sylvie Fofana, non, ne se laissera pas faire. L’injustice résonne en elle. Les iniquités dans ce secteur de travail sont trop nombreuses.

«Plus jamais, on ne se moquera de moi ou d’une autre personne …»

Avec dix sept amies, elles aussi, auxiliaires parentales, elle décide de créer l’Association des Nounous d’Île-de-France. «Plus jamais, on ne se moquera de moi ou d’une autre personne qui laisse ses enfants pour s’occuper des enfants des autres
Des réunions s’organisent chaque mois. Elles ont valeur de défouloir. Toutes les femmes se sentent rassurées, entourées, comprises, et surtout, surtout, écoutées.

En 2012, l’association devient le Syndicat National des Nounous (SYNN) et en juin, le Syndicat Professionnel des Gardes d’Enfants à Domicile (SPGED), en janvier 2014 le syndicat prend son nom actuel.

Un homme, Patrick Dupuis de Solidaire s’allie à leur cause et bien plus, les épaule. «Je lui dois beaucoup, il a été là pour moi, pour nous. C’est un homme adorable qui a su nous montrer la voie» laisse-t-elle échapper dans un murmure. Un silence s’installe. Dans ses yeux, les années de souffrance défilent comme pour lui rappeler qu’aujourd’hui, elle le doit à hier.

Le syndicat compte désormais 2 300 adhérentes.

D’autres batailles au cœur

Sylvie Fofana mène son combat pour de meilleurs rapports de travail. «Les employeuses/employeurs aussi viennent me voir. Si une nounou ne fait pas bien son travail, je suis là. Dans un cas comme dans un autre, il s’agit d’avancer vers une entente autour de la notion de respect

En Côte d’Ivoire, elle mène la même bataille. «Là-bas, les conditions de travail sont 100 fois pires qu’en France. Ce sont des mineures qui travaillent. Elles se lèvent vers 4 heures du matin et se couchent très tard. Le travail est plus dur et les employeuses/employeurs sont très méprisant-e-s
De plus, elle créé en 2011 l’ONG Woroba pour lutter contre la pauvreté et l’alphabétisation des filles dans son pays natal. Comme un hommage. Elle ne l’oublie pas.

Sylvie est également membre du comité d’orientation du Laboratoire de l’Egalité. «Je n’ai pas peur de dire que je suis féministe. Je veux lutter pour les femmes
Elle nous confie dans un dernier murmure qu’elle aimerait publier un livre, dans quelques années, afin d’illustrer le quotidien des nounous et aussi son combat.

De toutes ces batailles, et de cette rencontre, impossible de ne pas remarquer la bonté, la force qu’elle a su partager avec d’autres femmes, les laissées pour compte, les plus isolées. Et sans aucun doute, elle les inspire. En tout cas, nous, elle nous inspire.

Marie Faupin, étudiante en journalisme

Qui gardera nos enfants ? Les nounous et les mères. Une enquête de Caroline Ibos. Ed. Flammarion, 2012

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