Articles récents \ Monde Brésil : Clandestinas un documentaire qui brise le silence sur l’avortement clandestin

Clandestinas, documentaire né du talent conjugué de Fádhia Salomão, cinéaste, et Renata Corrêa, scénariste, brise le silence sur les conséquences de la pénalisation de l’avortement pour la vie des femmes brésiliennes. Soutenu par des associations féministes, il est sorti le 28 septembre 2014, à l’occasion de la journée pour la dépénalisation de l’avortement en Amérique Latine et aux Caraïbes.

Imaginé par la scénariste et militante féministe Renata Corrêa et réalisé par Fádhia Salomão, le documentaire Clandestinas (voir ci-contre) raconte des histoires de femmes qui ont avorté clandestinement au Brésil. Il mêle la voix d’actrices qui font entendre les expériences d’autres femmes et la voix de femmes qui racontent leur propre histoire, sans que l’on puisse distinguer les unes des autres. Il est soutenu par l’association féministe brésilienne  SOF et l’association International Women’s Health Coalition.

 

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Renata Corrêa                                                                               Fádhia Salomão

«28 jours pour la vie des femmes»

En août 2014, des groupes et des associations féministes de São Paulo se sont réunis pour préparer la journée mondiale pour le droit à l’avortement qui est aussi, au Brésil, une date importante dans l’histoire de l’abolition de l’esclavage. De ces réunions, surgit l’idée de rendre visibles les questions liées à l’avortement et l’hypocrisie de la pénalisation de l’avortement à travers un blog :  28 jours pour la vie des femmes. Entre le 1er et le 28 septembre, chaque jour, des billets sont publiés. Le dernier billet, le 28 septembre, lance le documentaire Clandestinas.

L’un des objectifs du film est de montrer que les femmes qui avortent, sont des femmes proches de chacun-e de nous. Ce sont nos mères, nos amies, nos cousines, nos collègues de travail. «Ce ne sont pas des criminelles, ce ne sont pas des personnes sans vergogne ou irresponsables», souligne Renata Corrêa.

Un autre objectif est que l’opinion publique prenne conscience qu’il s’agit d’une question de santé publique qui doit être traitée comme telle, et non d’une question de religion ou d’opinion personnelle. «Chaque femme doit pouvoir avoir la chance de faire ses choix, libre de tout jugement, libre de toute la haine qui imprègne les discussions à ce sujet, libre du machisme qui lui dit qu’elle devrait mieux choisir ses partenaires, libre des doigts accusateurs qui lui disent ce qu’elle doit faire», argumente Fádhia Salomão.

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Tous les deux jours, une femme brésilienne meurt des suites d’un avortement clandestin

Le code pénal brésilien prévoyant de 1 à 3 ans d’emprisonnement pour les femmes qui avortent, ces dernières sont contraintes à avorter clandestinement, avec tous les risques que cela représente. Au Brésil, l’avortement clandestin constitue la 5e cause de mortalité des femmes.

L’enquête nationale brésilienne sur l’avortement, réalisée en 2010, indique qu’au Brésil, une femme sur cinq, entre 18 et 39 ans, a déjà eu recours à l’avortement. Cette donnée est confirmée par l’OMS qui atteste plus d’un million d’avortements par an au Brésil.

Une étude réalisée par l’Institut du Cœur (InCor) en 2010 révèle que le curetage, nécessaire en cas de complication, a été l’acte chirurgical le plus réalisé par le système de santé, avec 3,1 millions de curetages effectués entre 1995 et 2007.

Le service public de santé est réduit à payer une facture énorme pour assurer les complications liées aux avortements clandestins, au lieu de simplement prendre en charge des avortements légaux et sûrs.

Une société encore très conservatrice

Pour José Henrique Torres, juge pénal et professeur de droit, «la criminalisation de l’avortement n’a rien à voir avec la protection du fœtus. Son objectif est, en réalité, de contrôler la sexualité des femmes

Renata Corrêa dénonce aussi une société brésilienne encore très conservatrice et sous l’influence de la religion. Dernier exemple en date : en mai 2014, sous la pression d’un groupe parlementaire évangélique, le ministère de la Santé a exclu des actes remboursés par le système public de santé, l’avortement thérapeutique, en cas de risques pour la santé des femmes, de viol ou de fœtus an-encéphalique.

Clara Domingues 50-50 magazine

Photos: Anna Mascarenhas

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