Articles récents \ France \ Société « Toutes les femmes ont des droits », la campagne du CNIDFF pour 2015

Le réseau des Centres d’information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF) a lancé début 2015 une campagne sous formes de plaquettes d’information, destinées à toutes les femmes victimes de violences, qu’elles soient françaises, immigrées en situation régulière ou irrégulière, en couple, séparées ou mariées. L’occasion de dresser un bilan des évolutions juridiques et sociales des dispositifs de lutte contre les violences faites aux femmes, dans un contexte de baisse des subventions des pouvoirs publics.

La campagne d’information du CNIDFF s’étend sur toute l’année 2015 et a pour ambition d’informer une population de femmes généralement laissées en dehors des dispositifs d’information afin qu’elles connaissent leurs droits et qu’elles puissent être, le cas échéant, prises en charge dans les 111 associations du réseau, dont les vocations premières sont l’information des femmes sur leurs droits, la promotion de l’égalité entre les femmes et les hommes, dans lesquelles s’inscrit la lutte contre les violences sexistes. La plaquette sur les violences au sein du couple s’adresse aux femmes, en anglais, en espagnol, en arabe, en chinois etc. leur rappelant qu’elles ont toutes des droits. Le CNIDFF entend ainsi toucher les femmes victimes de violences résidant ou transitant en France mais ne maîtrisant pas la langue de Simone de Beauvoir.

Un réseau d’associations contre les violences sexistes

La mission prioritaire des CIDFF consiste à accueillir et à informer les victimes sur leurs droits ainsi qu’à les accompagner dans leurs démarches policières, judiciaires, médicales, sociales, psycho-sociales et d’insertion professionnelle.

Le réseau des CIDFF est déployé sur tout le territoire national. Il comprend 111 associations reconnues d’utilité publique, dont au moins une dans chaque département. Ces 111 associations sont présentes dans 1405 lieux d’informations, qui ont reçu 48 251 femmes victimes de violences sexistes en 2013. 72% de ces demandes concernent des violences au sein du couple, 22,5% des femmes reçues ont fait l’objet d’un accompagnement, soit 10 000 femmes qui ont bénéficié d’un accompagnement lors de 15 956 entretiens.

«Le nombre de femmes victimes de violences reçues par le réseau est stable d’une année sur l’autre» indiquent Anita Tostivint, conseillère technique violences sexistes-psychologue et Christine Passagne, conseillère technique accès au droit.

Faire changer le regard de la société sur les violences

Cette thématique est en tout cas sortie de l’invisibilité, dans la mesure où la première enquête nationale sur le sujet date seulement de 1999 ! (1) Le premier plan gouvernemental triennal de lutte contre les violences s’étendait de 2005 à 2007. Actuellement, nous en sommes au 4ème plan triennal, lancé sur la période 2014-2016 par Najat Vallaud-Belkacem. Des mesures ont été prises pour assurer la protection des femmes victimes et sanctionner les auteurs (téléphone grave danger, ordonnance de protection, éviction du conjoint violent…). Des actions de sensibilisation ont été menées en direction du grand public afin que les violences faites aux femmes ne soient plus un tabou, qu’elles osent en parler et porter plainte.

Les deux conseillères du CNIDFF insistent également sur l’importance des débats sur la proposition de loi sur le système prostitutionnel, qui aura lieu au Sénat les 30 et 31 mars prochain : «si elle est votée par le Sénat, elle sera également un signal fort dans la lutte contre les violences faites aux femmes.»

Outre cette prise en charge des victimes, les associations du réseau des CIDFF dispensent des formations de professionnel-le-s, des initiatives de prévention des comportements sexistes auprès de jeunes scolarisé-e-s et des actions de sensibilisation du grand public. Elles sont donc des partenaires privilégiées des pouvoirs publics au niveau national et local; elles exercent des missions essentielles et ont développé une expertise dans le domaine des violences sexistes.

La formation des professionnel-le-s (du médical, social, juridique…) est le chantier sur lequel travaille la Mission interministérielle pour la protection des femmes (MIPROF). Celle-ci élabore, notamment avec les CIDFF, avec l’aide des professionnel-le-s concerné-e-s, des outils pour la formation des professionnel-le-s.

De nouveaux outils juridiques et pratiques

Les dispositifs mis en place répondent à deux nécessités : assurer la protection des victimes et sanctionner les auteurs des violences.

Notons que le droit sanctionne les violences et prévoit que le caractère conjugal de ces violences est une circonstance aggravante depuis la loi de 2010. Toutes les formes de violences sont concernées : physiques, sexuelles, verbales, morales, psychologiques. Le caractère habituel des violences et les menaces rentrent dans le champ des circonstances aggravantes. Peu importe que ces menaces ou violences verbales aient été prononcées de visu, au téléphone, ou sur des supports électroniques : elles rentrent dans le cadre des circonstances aggravantes.

Les violences économiques, telles que la dégradation des biens d’une femme, sont encore mal prises en compte par le droit pour un couple marié : la loi prévoit une immunité de principe pour le vol commis entre époux, non séparés de corps ou autorisés à résider séparément.

Quant au délit de harcèlement moral au sein du couple, il reste encore marginalement appliqué.

Le réseau des CNIDFF accueille favorablement la loi du 4 août 2014, «première loi-cadre sur les droits des femmes en France» (2), qui vient entre autre renforcer et confirmer le dispositif de l’ordonnance de protection introduit par une loi de 2010. Cette ordonnance, délivrée par le juge aux affaires familiales, permet de mettre en place des mesures pour éloigner le conjoint violent du domicile pour une durée de 6 mois; à sa demande la jouissance du logement est systématiquement attribué à la victime.

La loi pour l’égalité réelle a également permis la généralisation du téléphone grand danger, une ligne d’alerte victimes de violences au sein du couple ou de viols, qui était auparavant en expérimentation dans 13 départements. Le dispositif a été étendu à l’ensemble du territoire.

Enfin, concernant les femmes étrangères victimes de violences, celles-ci peuvent être exonérées des taxes et des droits de timbre lors de la délivrance et du renouvellement de leur titre de séjour. Une carte de résident peut leur être délivrée si elles ont déposé plainte pour violences conjugales en cas de condamnation définitive de la personne mise en cause.

Plus de missions, moins de crédits

Les évolutions législatives ont rendu incontournables les activités d’associations comme le CNIDFF et le réseau des CIDFF (bénéficiaires d’un contrat d’objectifs et de moyens triennal avec l’État). Bien que très soutenu par le ministère et les pouvoirs publics « le CNIDFF a été informé début février, par les services de l’État, d’un risque de gel de 8 % de sa subvention en 2015 ».

Ce risque a conduit les représentantes du CNIDFF a annoncé, le 25 février 2015, qu’elles renonçaient à leur déplacement à la 59e session de la Commission des Nations Unies pour «la condition de la femme».

«Est-il normal que le ministère en charge des droits des femmes, qui dispose depuis toujours du plus petit budget de l’État, soit lui aussi contraint de le réduire à nouveau avec les conséquences que cela impose aux associations sur lesquelles il s’appuie pour développer sa politique publique d’égalité ?»

Non, ce n’est pas normal.

Guillaume Hubert, 50-50 Magazine

1  Pour en savoir plus sur cette enquête consulter le rapport d’information n° 229 (2004-2005) de M. Jean-Guy BRANGER, fait au nom de la délégation aux droits des femmes, déposé le 9 mars 2005 

2  Loi n°2014-873 du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

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