Articles récents \ France \ Société Florence Rochefort : «La France paraît encore bien frileuse dans l’usage du terme de genre»

Florence Rochefort, présidente de l’institut Émilie du Châtelet est, avec Laurie Laufer, une des deux coordinatrices de l’ouvrage collectif : Qu’est-ce que le genre ? dans lequel 17 chercheur-e-s démontrent la richesse des études de genre appliquées à la grammaire, à l’éducation, à l’économie, au sport, à la sexualité etc. Nous l’avons questionnée pour parler du genre, un concept scientifique aux effets concrets.

 

Ce livre est-il une réponse aux « théoricien-ne-s du genre » ?

Oui, ce livre est une initiative de l’Institut Émilie du Châtelet dont la mission est la diffusion et le développement des études de genre. Nous animons le pôle genre d’un des 16 domaines d’intérêt majeur (DIM) de la région Île-de-France (1) et avons été alerté-e-s par les attaques très virulentes contre nos champs de recherche et le dénigrement du terme même de genre qui vise en fait essentiellement à diaboliser le mariage des couples de même sexe.

Il s’agit, dans cet ouvrage, de donner des éléments clés pour alimenter le débat social sur les grandes questions de société. Pourquoi les femmes valent-elles moins que les hommes sur le marché du travail ? Pourquoi sexualité et égalité ne font pas bon ménage ? Comment définir une « vraie » femme dans le monde sportif ? Comment la conception biologique ou médicale du sexe varie-t-elle dans l’histoire ? Qu’est-ce que le concept de genre a apporté aux études sur le cinéma, à la psychanalyse, aux champs politiques et religieux ?…


Quelle est votre définition du genre ?

Le genre est un concept qui permet de comprendre comment les sociétés codifient et pensent le masculin et le féminin (dans le langage et la grammaire notamment), comment ces normes organisent les places et rôles des femmes et des hommes et les codes de féminité et de masculinité, comment sont définies les normes sexuelles selon les époques et les sociétés, ce que montre l’anthropologie sociale. La notion même de sexe est variable.

Il n’y a pas une théorie du genre mais des approches multiples, théoriques ou pragmatiques, des différents régimes de genre.

 

Aujourd’hui en France, l’approche en termes de genre est-elle mieux en prise en compte dans certains secteurs que dans d’autres ?

En comparaison avec d’autres pays et les grands organismes internationaux, la France paraît encore bien frileuse dans l’usage de ce terme. Les mobilisations contre le mariage pour tous et les ABCD de l’égalité ont provoqué un recul des autorités politiques qui est dommageable à une bonne diffusion du savoir.

Depuis plus de trente ans, la recherche mondiale s’est affinée sur ces thématiques dans tous les domaines. Il est grand temps de diffuser sereinement les résultats de ces recherches. La question n’est pas seulement de faire connaître plus de femmes exceptionnelles, même si cela reste indispensable, mais de donner les clés d’une histoire des normes de genre et de leurs effets. Face au défi de l’inégalité des sexes et des discriminations, il est urgent de favoriser une pédagogie qui prennent en compte le genre.

 

Les religions sont-elles toutes anti-genre ?

Le champ religieux est très divers et si les religions ont conservé souvent un héritage patriarcal spécifique et encore peu contesté ou revivifié sans nuance par des courants fondamentalistes, elles ont aussi été l’objet de réformes internes profondes dans certains confessions.

Par ailleurs, des minorités féministes et LGBTQI sont aussi très actives pour proposer des alternatives, des relectures théologiques, des nouvelles pratiques inclusives dont on doit souligner l’inventivité et l’apport essentiel.

 

Propos recueillis par Caroline Flepp et Guillaume Hubert, 50-50 Magazine

1 Le DIM GID Genre Inégalités Discriminations. Les DIM sont les domaines de recherche que la région veut financer en priorité.

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