Articles récents \ Chroniques Iran : les femmes toujours interdites de stade

Au grand dam de ceux qui s’attendaient à un assouplissement des règles ségrégationnistes imposées aux femmes en Iran, le directeur de l’Information et des Affaires Internationales au Ministère de l’Intérieur a déclaré qu’il n’était pas question de permettre aux femmes d’entrer dans les stades. Il contredisait ainsi des déclarations plus optimistes faites par le Ministre des Sports.

L’affaire est sensible et les religieux n’ont pas l’intention de céder sur ce point. Commentant le sujet, deux imams ont appelé vendredi les Iraniens à respecter «les valeurs religieuses et révolutionnaires dans leur vie de tous les jours.».

Hassan Mosleh, de la province de Borazjan, Bushehr déclara pendant son sermon : “L’idée de laisser les femmes accéder aux stades pour regarder les matchs a de nombreuses conséquences sociales immorales et négatives».Quant à Ali Rahdoust, qui s’exprimait dans le district de Delvar, il a indiqué :«Ceux qui soutiennent cette idée ont malheureusement perdu le sens de ce qui est droit et juste(…) Ils s’imaginent que la dignité et la virtuosité (sic) de nos filles et de nos femmes a quelque chose à voir avec le fait d’aller dans des stades, alors que la majorité de nos femmes est chaste et noble et éprouve de la répulsion pour de tels comportements».

Mosleh en a rajouté une couche en déclarant : “Des femmes et des hommes assis les uns à côté des autres regardant les matchs, cela détruirait les valeurs religieuses et révolutionnaires». Propos rapportés par le Persian Gulf Website.

Petit rappel sur la diplomatie du sport féminin mené par l’Iran

«Depuis que la «Révolution» islamique s’est installée en Iran, la question des femmes et du sport fait débat. Pas question de suivre l’exemple de l’Arabie Saoudite et d’interdire purement et simplement le sport dans les collèges de filles. Les mollahs iraniens sont plus subtils et efficaces. Ils se sont au contraire présentés comme les champions d’un sport féminin respectant les prescriptions de l’Islam.

Leur action s’est orientée dans deux directions : organisation des «Jeux Islamistes de la solidarité» tous les quatre ans à Téhéran et lobbying auprès des instances sportives internationales pour modifier les règlements de telle sorte que les sportives affichent leur appartenance religieuse par le port d’un costume islamiquement correct.

Les premiers Jeux Islamiques de Téhéran, ont eu lieu en 1993. Ils bénéficient de la caution du Comité International Olympique alors que les médias n’y sont pas admis et que toute présence masculine y est interdite. Il s’agit bien d’une affirmation dans le sport de la ségrégation institutionnalisée imposée aux femmes et contraire au principe de non-discrimination inscrit dans la Charte Olympique.

Deuxième victoire des mollahs, en 1996 aux JO d’Atlanta : pour la première fois, une femme voilée de la tête aux pieds fait son entrée dans le stade olympique, bafouant la règle 50 de la Charte interdisant toute expression politique ou religieuse. Il s’agissait de la porte drapeau de la délégation d’Iran, Lida Fariman (une tireuse). Ce «modèle» islamiste a depuis fait tache d’huile : à Londres il y avait dix-sept délégations avec des femmes voilées.

Sensible, le sujet l’est aussi au niveau des instances internationales du sport car il éclabousse l’image de l’Iran de «promoteurs du sport féminin dans un contexte musulman», que les maîtres de Téhéran veulent donner d’eux-mêmes.

Enfin, il est surtout explosif car les médias nationaux et internationaux avaient largement couvert les informations sur l’emprisonnement pendant cinq mois d’une jeune femme, Ghoncheh Ghavami, pour avoir tenté d’assister à un match de volley à Téhéran.

La question qui se pose maintenant est de savoir quelle va être la réaction du Comité International Olympique (1), censé être le gardien des valeurs universelles inscrites dans la Charte Olympique.

En effet, Selon le principe n°7 de la Charte « L’appartenance au Mouvement olympique exige le respect de la Charte olympique et la reconnaissance par le CIO ». Or l’interdiction qui frappe les femmes, parce que femmes, dans un domaine sportif, contrevient au principe n°6 de non-discrimination inscrit dans la Charte Olympique. En outre, dans le chapitre 4 relatif aux Comités Nationaux Olympiques, il est stipulé que : «les CNO doivent préserver leur autonomie et résister à toutes les pressions, y compris, mais sans s’y restreindre, les pressions politiques, juridiques, religieuses ou économiques qui pourraient les empêcher de se conformer à la Charte olympique».

Annie Sugier, 50-50 magazine

Plus d’infos :

La Ligue du Droit International des Femmes a adressé une lettre ouverte à Thomas Bach, le président du CIO, pour lui demander quelles sanctions il compte prendre contre l’Iran. La LDIF conclut sa lettre en soulignant qu’une «réaction ferme de la part du CIO s’impose en cette 20ème année de mise en place de la Commission Femmes et sport du CIO et alors que l’agenda olympique 2020 approuvé en décembre dernier, comporte une recommandation (n°11) sur la nécessité de «favoriser l’égalité des sexes.»

Annie Sugier Femmes voilées aux Jeux Olympiques, avec la collaboration de Linda Weil-Curiel et d’Anne-Marie Lizin, Ed Jourdan, 2012.

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