Articles récents \ Culture \ Arts Objectif femmes : un documentaire pour rendre visibles les femmes photographes

Julie Martinovic est cheffe monteuse sur des documentaires culturels et des films d’art. Manuelle Blanc est réalisatrice après avoir été conseillère technique politique de la ville à la Délégation droits des femmes IDF. Elles mêlent leur amour de l’image, de la photo et leur féminisme dans un documentaire qu’elles viennent de tourner sur des femmes paradoxalement invisibles: les photographes.

Avez-vous eu des difficultés à réaliser un film sur les femmes photographes ?

Julie: Notre projet a vu le jour grâce aux expositions sur les femmes photographes qui ont lieu en ce moment aux Musées de l’Orangerie et d’Orsay. A l’Orangerie, il y a une expo sur les pionnières de 1843 à 1918 et Orsay expose les photos des femmes photographes de 1918 à 1945. Notre film parle des pionnières et des femmes photographes d’aujourd’hui.

En fait nous avons écrit pendant 4/5 ans, puis proposé le projet à des maisons de production, sans succès car elles n’arrivaient pas à convaincre une chaîne de co-produire. Les chaînes ont toujours besoin d’un événement pour s’investir dans un projet. Lorsque nous avons su qu’une expo sur des femmes photographes se préparait à Orsay, nous avons contacté la direction du Musée qui a marché tout de suite. Le Musée d’Orsay est devenu co-producteur et une TV, France 5, a suivi.

Photo 1

Frances Benjamin Johnston©Library Of Congress

Comment avez vous travaillé sur ce film ?

Manuelle: Tout d’abord, nous avons allié nos forces et nos compétences. Julie travaille avec Sarah Moon, elle monte ses films. Elle m’a initié au monde de la photo. Quand à moi, j’ai transmis ma fibre de réalisatrice féministe à Julie.

Julie: Ce fut un long travail d’enquêtes et de recherches car les femmes sont invisibles dans la plupart des livres d’histoire, encyclopédies de photos ou catalogues d’expositions. Quand, dans un livre d’art, les femmes dépassent les 10%, c’est quasiment un livre féministe ! La moyenne c’est 5%.

Manuelle: Effectivement, Si l’auteur-e n’a pas en tête une grille de lecture genrée, le taux de femmes ne dépasse pas 5%. Et même quand elles sont présentes, les recherches, les analyses ne seront pas aussi poussées que pour les hommes. Par exemple, sur la photo de mode, domaine ultra-masculin quelques femmes ont réussi à se faire une place. Mais elles seront justes citées au détour d’un paragraphe.

Dans une encyclopédie de la photographie de référence, que l’on ne nommera pas, sur 2000 noms cités, on trouve seulement une centaine de noms de femmes. Depuis toujours les femmes ont été tenues à l’écart des lieux de création. L’art n’est pas sexué, mais les conditions de création et de diffusion oui.

Photo 2

Grete Stern©Galeria Jorge Mara- La Ruche

Des historien-ne-s ont pointé le fait que les les archives des femmes artistes ne sont pas conservées de la même façon que celles des hommes. Et souvent les femmes photographes ont des noms d’hommes. Nous avons parfois mis longtemps pour connaître le sexe des photographes.

Julie: J’ajouterai que pendant longtemps, les femmes n’étaient pas en concurrence avec les hommes puisque la photo pendant presque 50 ans n’était pas considéré comme un art.

Dans votre film vous revenez sur l’histoire des femmes photographes, quelles sont les particularités de cette histoire ?

Julie: Pour les femmes photographes, l’âge d’or se situe entre les deux guerres, période d’émancipation. Elles sont dans la création ou dans la procréation. Concilier les deux est impossible pour elles. Donc, elles n’ont pas de descendant-e-s susceptibles de gérer leur matrimoine. Il nous a fallu vraiment les chercher, faire des enquêtes approfondies. On en trouve peu dans les fonds d’archives.

Manuelle: De ce fait, beaucoup de gens pensent qu’il y a peu de femmes photographes. Dès qu’elles meurent, les femmes passent totalement aux oubliettes. Il n’y a pas de modèle d’identification pour les générations suivantes.

De façon évidente, la France est en retard par rapport aux pays du Nord, de l’Est, à l’Allemagne, aux USA, à la Grande-Bretagne. Des photographes du Sud commencent également à émerger.

 

Photo 3

Francesca Woodmann©The Estate of Francesca Woodman

Quelle est la trame de votre documentaire ?

ManuelleNous avons eu l’idée de rencontrer des photographes d’aujourd’hui et de les faire parler d’une femme photographe d’hier. Nous avons interviewé quatre photographes internationalement connues: Sarah Moon, Jane Evelyn Atwood, Christine Spengler et Dorothée Smith, des femmes qui font un travail très différent. Toutes sont d’ailleurs autodidactes. Alors que la nouvelle génération est passée par des écoles.

 

Photo 4

Judy Dater©Judy Dater

Y a t’il un regard féminin dans la photo ?

Manuelle : Les spécialistes pensent que non, quand on prend deux photos et qu’on les met côte à côté, il n’y a pas de regard féminin. Mais, par contre, il y a des thématiques féminines récurrentes : violences, famille, enfants…

Propos recuellis par Caroline Flepp 50-50 magazine

 

Diffusion d’ Objectifs femmes sur France 5 le 1er novembre à 9h10, et pendant 7 jours en replay sur France TV

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