Articles récents \ Monde Pascal Canfin : les femmes sont souvent en première ligne face aux changements de leurs écosystèmes

Pascal Canfin fut ministre délégué au Développement du 16 mai 2012 au 31 mars 2014, date de sa démission du gouvernement Ayrault. Il est aujourd’hui conseiller pour le climat du Word Resources Institute, un influent think tank américain. Pour lui, l’accord signé à l’issue de la COP21 devra inclure le genre.

Les femmes sont souvent fortement impactées par les effets du changement climatique, mais elles ne sont pas que victimes elles sont aussi actrices. Pensez-vous que la question genre et climat soit suffisamment prise en compte dans le cadre de la préparation de la COP 21 ?

Cette question du lien entre genre et climat a fait du chemin depuis quelques années. Il apparaît clairement que les populations les plus précaires sont aussi les plus vulnérables au dérèglement climatique. Or les femmes sont en première ligne sur le front de la précarité. En Afrique par exemple, 70% des femmes vivent sous le seuil de pauvreté. Elles sont potentiellement les plus impactées par les changements climatiques.

Même si encore trop peu de décideurs se sont saisi du sujet genre, il n’est pas absent des négociations. Cela est notamment dû au travail de sensibilisation et de pression de certaines ONG, au premier rang desquels le réseau Women Gender Constituency.

Un groupe de travail spécifiquement sur le genre, le Lima Work Programme on Gender, a été lancé à la COP20. Le sujet est aussi cité à plusieurs reprises dans le projet d’accord pour la COP21. Ce texte amène à inclure le genre comme thématique transversale aux différentes politiques préconisées par l’accord. Il faut maintenant s’assurer que la position la plus ambitieuse l’emportera et que les pays les plus conservateurs n’auront pas le dernier mot sur ce point central.

Le cabinet de votre Ministère était un des rares à être paritaire, alors pour vous ne faudrait-il pas assurer la parité dans tous les processus des négociations ?

Cela pourrait être un objectif à moyen terme mais comme chaque processus de nomination appartient aux Etats, il peut être difficile d’avoir une harmonisation mondiale. En revanche chaque Etat doit travailler à rendre son équipe de négociation paritaire.

Pensez-vous qu’une approche genrée sur les questions environnementalismes permettrait de réduire l’impact des lobbies?

Parce qu’elles sont responsables de l’approvisionnement en eau ou du ramassage du bois pour la cuisine, les femmes sont souvent en première ligne face aux changements de leurs écosystèmes. C’est pourquoi elles ont été à l’avant-garde du mouvement contre l’exploitation des gaz de schistes en Algérie, ou pionnières contre les grands projets miniers et pétroliers en Amérique latine.

En favorisant une plus grande égalité entre femmes et hommes, c’est toute la société qui est rendue plus équitable. Or, les lobbies se nourrissent de l’absence de transparence, d’un accès privilégié aux pouvoirs. Donner du pouvoir aux femmes cela revient donc à diminuer celui des lobbies. Même si ce n’est bien sur qu’une partie de la solution !

Connaissez-vous les positions, les recommandations du groupe Genre et développement soutenable ?

Bien sûr ! Et je suis tout à fait d’accord avec l’approche transversale qui y est prônée. Il ne faut pas voir le genre comme un enjeu isolé. Tout est lié : le dérèglement climatique, l’accès à l’eau, la sécurité, l’égalité femme-homme, etc. Il est important de voir les problématiques dans leur globalité et d’y apporter une réponse d’ensemble, avec les bons indicateurs pour vérifier les avancées concrètes sur les différents sujets.

Il me semble aussi important de continuer à insister sur le principe de «non-régression.» La COP21, comme les autres rendez-vous internationaux, doit permettre un «effet-cliquet», y compris sur les questions de genre. C’est ainsi que l’on pourra garantir que les progrès seront maintenus dans la durée.

Propos recueillis par Caroline Flepp 50-50 magazine

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