Articles récents \ Monde Nursel Kilic : «Les femmes combattantes sont un atout majeur pour déstabiliser Daech»

Nursel Kilic est représentante du mouvement des femmes kurdes, membre du Réseau International Féministe et Laïque. Elle témoigne des réactions des Kurdes de France aux attentats du 13 novembre.

Quelle a été la réaction des associations kurdes aux attentats de Paris ?

Les associations kurdes connaissent bien ce type de situation. Nous avons été très touché-e-s et attristé-e-s que la ville de Paris soit touchée. Le Conseil Démocratique Kurde de France (CDFK) et ses associations d’Ile de France, les Kurdes qui vivent depuis plus de 30 ans en France étaient sous le choc.

Nous avons été sur place très vite et nous sommes restés présent-e-s auprès des Français, sur les lieux des attentats, pendant 4 jours. Nous avons déposé des gerbes de fleurs, l’une au nom du CDFK et une autre au nom du leader du peuple kurde Abdallah Ocalan.

Le premier message que nous adressons au peuple français est qu’il faut se mobiliser et s’unir contre les ennemis de l’humanité.

Trouvez-vous que les Etats qui interviennent contre Daesch soutiennent suffisamment les forces d’auto-défense du peuple kurde ? Que demandent-ils à la France et aux autre pays engagés contre Daech pour les soutenir ?

La première chose est de montrer publiquement, clairement de quel côté l’on est. Jusqu’à maintenant c’étaient les Kurdes qui se battaient sur le terrain contre Daech.

Le soutien de la France et des autres pays engagés dans la coalition contre Daech n’est pas suffisant car les frappes aériennes ne suffisent pas. Il faut une politique commune d’éradication de Daech sur le terrain. Deach est une organisation internationale soutenue par des forces internationales.

Nos combattant-te-s sont laissé-e-s isolé-e-s sur le front.

Les combattantes kurdes sont toujours sur le front. Etaient-elles présentes lors de la reprise de la ville irakienne de Sinjar ?

Oui, les femmes continuent d’être la force motrice de la révolution sur le front dans les unités d’auto défense féminine.  Les femmes combattantes sont un atout majeur pour déstabiliser Daech, notre ennemi, qui considère que mourir des mains d’une femme est un obstacle pour accéder au paradis.

De nombreuses femmes yézidis capturés par Daech ont été libérées grâce aux combattantes. On a appris récemment qu’un charnier de 80 femmes yézidis avait été découvert dans la ville libérée de Sinjar. Le travail le plus dur reste à faire pour les habitant-e-s de cette ville: réapprendre à vivre et se mobiliser pour que les femmes soient intégralement acceptées dans la société. Les femmes kurdes font un travail de fond sur le plan idéologique afin de construire une société libérée de la domination patriarcale C’est un projet à long terme.

Le mouvement des femmes kurdes a interpellé un grand nombre de cheiks (1) afin de les convaincre de réintégrer les femmes yézidis qui ont réussi à se libérer. C’est ce qui est arrivé dans un grand nombre de cas. Il y a eu un travail de conciliation entre le mouvement des femmes et les cheiks.

Quelles sont les prochaines étapes du combat des femmes kurdes en France ?

Nous travaillons sur plusieurs axes. Tout d’abord nous allons lancer une campagne sur les féminicides pour la libération de toutes les femmes yézidis. Nous travaillons aussi à une campagne contre les violences faites aux femmes.

Et puis nous sommes investies dans le travail d’élucidation de l’assassinat à Paris le 9 janvier 2013 de trois militantes kurdes Sakine Cansiz, Fidan Dogan et Leyla Saylemez (2). Nous pensons créer un réseau avec les proches de Ben Barka ou Dulcie September également assassiné-e-s à Paris.

Enfin nous avons entamé une réflexion sur les sciences au féminin, la jinéologie. Nous préparons une conférence au mois de mai prochain sur ce thème.

Propos recueillis par Caroline Flepp 50-50 magazine

1 Leaders religieux de la communauté yézidi

2 Sakine Cansiz, était membre fondatrice du PKK (Parti des travailleurs du Kurdistan), Fidan Dogan était surnommée « la diplomate », et Leyla Saylemez, « la guerrière ».

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