Articles récents \ France \ Économie Quand le bénévolat forme à l’entreprenariat

Elle est passée du bénévolat à l’entreprise en quelques années. Aujourd’hui, Dolorès Casteret dirige la société Clap Services et préside aux destinés d’une quinzaine de salarié-e-s. Quand elle parle de Yaouank, c’est en tant que professionnelle chargée de la diffusion des tracts et des affiches, mais aussi en tant que bénévole et elle n’oublie pas qu’une partie de son histoire reste très attachée au festival.

Début novembre, Dolorès Casteret a reçu le prix du « Talent national de la transmission d’entreprise » du réseau des BGE. Et ça, dit-elle « c’est bon pour le moral ! »

Le rêve de Dolorès, « issue du milieu hôtelier » c’était de devenir elle-même gérante d’un hôtel. D’ailleurs, elle commence à travailler dès l’âge de dix-huit ans et passe par« tous les postes » de l’entreprise familiale. Son BTS hôtellerie en poche, elle participe à la formation proposée alors sous le nom de « cinq jours pour entreprendre » sans aller plus loin. « J’avais sans doute déjà un peu ça dans le sang » résume-t-elle aujourd’hui. Et puis, il y a eu le festival Yaouank, « tout mon militantisme et tout mon bénévolat » dit Dolorès avec une sorte de tendresse dans la voix.

« Je suis rentrée à Clap Services pour faire ma propre facture ! »

« A l’arrivée de mes enfants – raconte Dolorès – j’ai pris tous les congés parentaux auxquels j’avais droits. Et comme je ne travaillais plus, du coup, je faisais à peu près vingt heures de bénévolat par semaine. » Un engagement complet qui l’amène à prendre beaucoup de responsabilités. « J’ai tout appris sur le terrain – se souvient-elle – la gestion du personnel, les relations avec les élu-e-s, les négociations avec les fournisseurs, etc. Ça a complété mon CV ! »

Et c’est encore grâce à cet engagement bénévole que Dolorès trouve un jour du travail. « J’avais un prestataire qui était Clap Services – raconte-t-elle – et qui ne m’avait pas envoyé sa facture. Comme je souhaitais clôturer mon bilan, j’ai insisté pour l’avoir et l’associé du directeur de l’époque, m’a répondu : « j’ai trop de travail, je ne m’en sors pas ! » Je lui ai dit : « et bien, moi, j’ai deux mains et je sais faire les factures ! » En gros, je suis rentrée à Clap Services pour faire ma propre facture et j’y suis restée ! »

Ce parcours que Dolorès qualifie « d’assez rigolo » ne s’arrête pas là puisque huit ans plus tard, c’est elle qui reprend l’entreprise que le fondateur désire revendre. Depuis octobre 2014, c’est elle la patronne de cette société fondée voilà dix-huit ans à partir d’une association issue des Vieilles Charrues et qui diffuse désormais tracts et affiches sur toute la Bretagne.

« Je suis devenue une grande militante du bilan de compétences »

Pour reprendre cette entreprise de quinze salarié-e-s, Dolorès Casteret doit se faire accompagner. C’est à la BGE 35 qu’elle s’adresse ; et c’est là qu’on lui demande de rédiger son CV. « Je parlais souvent des autres, mais très rarement de moi – confie Dolorès – Il m’a fallu rentrer chez moi et mettre noir sur blanc toutes mes compétences. J’avais fait un tableau avec d’un côté mes compétences professionnelles et de l’autre ce que je pensais avoir acquis en dix ans de bénévolat. Et c’était plus riche de ce côté-là ! Du coup, je suis devenue une grande militante du bilan de compétences ! » Et un bel exemple pour toutes les femmes qui pensent qu’utiliser son congé parental dans les associations est moins valorisant qu’un emploi !

Aujourd’hui, c’est l’heure des récompenses pour Dolorès. Si le premier bilan de son exercice n’est pas tout à fait satisfaisant et nécessite quelques aménagements, elle a en tout cas la fierté d’avoir maintenu les emplois. Et le prix qu’elle vient de recevoir à Paris la conforte dans son travail. « Ça nous a boosté parce qu’on a eu le sentiment d’être jugés par des gens compétents et ça nous a donné une bonne pêche ! »s’enthousiasme-t-elle.

« Il faut quand même un chef sur le bateau ! »

« J’ai rarement été aussi émue que ce 2 novembre – dit-elle encore – les gens sont admiratifs, alors forcément, je suis fière ! » Fière de « nous » précise la cheffe d’entreprise qui estime que « sans une équipe derrière, ça ne peut pas fonctionner. »

Et cette équipe, constituée de quatorze homme pour seulement deux femmes, dont elle, elle entend lui donner aussi des responsabilités. « A notre grand désarroi à toutes les deux – dit-elle en riant – c’est la seule femme de l’équipe qui assure le plus de tâches administratives. J’ai envie que tout ça, ça change. »

Il faudra du temps, pense-t-elle, car les autres salariés, en poste depuis près de dix ans en moyenne, n’ont jusque là jamais eu accès aux tarifs, aux ordinateurs ou au téléphone. « On part de très loin – dit-elle- mais ça va aller petit à petit. Comme ils ont été pendant longtemps mes collègues, j’essaie de faire en sorte qu’on soit dans une coopération plutôt que dans un lien hiérarchique. » Mais, ajoute-t-elle dans un rire : « il faut quand même qu’il y ait un chef sur le bateau ! »

« Je me considère comme une femme libre mais ma famille dépend de moi »

Et le chef, c’est bien elle avec ses soixante-dix heures de travail par semaine. « Je n’aurais pas pu faire ça quand mes enfants étaient petits » reconnaît celle qui avoue avoir été « trop mère-poule ». Aujourd’hui, ses quatre enfants ont entre dix-neuf et dix ans et elle a trouvé « des combines ». « J’envoie des textos » s’amuse-t-elle. « Je me considère plutôt comme une femme libre – dit-elle – mais je suis toujours dépendante de ma famille ; ou plutôt, c’est l’inverse, c’est ma famille qui dépend de moi ! »

« Je me positionne rarement comme étant une femme, ce n’est pas mon terrain de jeu » dit Dolorès Casteret. Pourtant, elle reconnaît que « la réalité de la société française fait qu’effectivement, c’est plus compliqué pour une femme. » D’ailleurs de son mari, elle dit : « il préfère que je travaille mais si en même temps, je peux faire à manger, les courses et les lessives, ça lui va très bien ! » Elle pense qu’avec le temps, sa petite famille réussira à s’adapter même si pour l’instant l’ajustement nécessite « quelques bras de fer » de temps en temps !

Geneviève Roy

Article paru dans Breizh Femmes  – Partenaire de 50-50 magazine

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