Culture \ Musique \ DOSSIERS \ Ce que la Grèce fait aux femmes \ Vidéos 50/50 Nena Venetsanou : « chanter le langage féministe… pour engager le dialogue »

Elle est Athénienne, chanteuse acclamée, féministe, libre et engagée. De 1973 à 1977, elle étudie l’histoire de l’art et l’anthropologie à Besançon et devient aussi l’élève à Paris de la cantatrice Grecque Irma Kolassi. De retour à Athènes, elle s’investit dans le MLF grec. Avec sa voix lumineuse, elle donne à la chanson sa dimension poétique, politique et lyrique et devient une icône de la chanson grecque. Aujourd’hui elle s’engage avec la maison des femmes à Athènes. Ses propos ouvrent des espaces de liberté et d’espoir.

Si la culture grecque possède une longue tradition de chansons politiques, après la dictature elle ne s’intéressait guère au sort des femmes sur lequel Néna Venetsánou ressentait alors le besoin de s’exprimer. C’est à la Maison des femmes d’Athènes, créée en 1977, que va se constituer un groupe d’artistes concernées par ces questions. En prise directe avec les réalités de la Grèce de l’époque, elles seront les premières à mettre les expériences des femmes en musique. Une grande exposition sur la contraception avait fait alors beaucoup de bruit autour de ce mouvement féministe qui ne dépendait pas des partis politiques et ouvrait de nouveaux champs d’expressions aux femmes. Attachées à la construction d’un langage féministe, elles ne s’inscrivaient pas dans les discours politiques traditionnels.
Près de 40 ans plus tard, il est nécessaire de recréer des groupes de paroles féministes pour révéler la dimension systémique des problèmes et des difficultés auxquels sont confrontées les femmes, premières victimes de la crise de la dette. Pour Néna Venetsánou, ce qui manque aujourd’hui, c’est un centre pour reconstruire du collectif, un lieu qui permette aux femmes de se retrouver et de faire entendre leurs voix dans la pluralité de leurs expériences.
Aujourd’hui, l’absence de propositions politiques concrètes est patente. Il n’y a pas de coordination ni de concertation sur ces questions entre les différentes organisations sociales. Néna Venetsánou voudrait bien rompre le bruyant silence qui en résulte en faisant des propositions artistiques personnelles. Cependant elle craint les étiquettes et ne veut réserver son art ni aux féministes ni aux femmes. Néna Venetsánou chante pour tout le monde !
Elle tient à préserver l’indépendance créatrice qui lui a permis de travailler avec de nombreux musiciens de renom comme Mikis Theodorákis ou Manos Hadjidakis,  avec lesquels elle a puissamment œuvré au renouveau culturel de la Grèce. Elle a également chanté de nombreux textes de femmes, en particulier ceux des Grecques anciennes, comme les poèmes de Sappho de Mytilène auxquels elle a consacré un disque avec sa compatriote Angélique Ionatos, plus connue des Français puisqu’elle vit à Paris depuis de nombreuses années.
Néna Venetsánou ne doute pas que la nouvelle Maison des femmes, qui doit être créée prochainement à Athènes, naîtra de l’engagement et de la motivation des Athéniennes, sans avoir besoin d’un hypothétique soutien institutionnel. Elles devront y développer d’une part l’éducation des femmes pour leur permettre d’élaborer un langage féministe autonome et émancipateur, et d’autre part encourager les femmes, et en particulier les artistes, à parler à la première personne, à partir de leur expérience personnelle.
Néna Venetsánou et ses compagnes ont imaginé partir en tournée dans les lieux existants qui accepteraient de les accueillir afin de commencer à mettre en mouvement toutes les femmes, dispersées, qui pourraient être sensibles à leurs actions.
Récemment la chanteuse a eu l’occasion de rencontrer une jeune rappeuse et elle a été choquée de voir à quel point cette jeune femme avait intégré les stéréotypes et les comportements masculins sexistes dans son apparence et dans son langage, et combien elle dépendait de ce monde macho mis en valeur par le rap. Ces moments d’échanges lui semblent d’autant plus importants pour comprendre ce qui se passe dans la vie réelle, si différente de la caricature qu’en représentent les médias.
Question à Nena Venetsánou:
En tant qu’artiste, comment avez-vous traduit ces luttes féministes, sociales et politiques et en quoi la Maison des femmes d’Athènes pourrait-elle vous aider à poursuivre vos combats ?
 

 
Musique extraite d’un disque réalisé avec Angélique Ionatos
 
Marie-Hélène Le Ny, Brigitte Marti et Eleni Panousi 50-50 magazine

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