Articles récents \ Monde Au Brésil, Avec le zika, sans le zika, malgré le zika, aucune femme ne doit être emprisonnée ou punie pour avoir avorté.

Au Brésil, l’avortement est légal dans trois cas: quand Il met en risque la vie de la mère, quand il résulte d’un viol, et depuis 2012 en cas d’anencéphalie du fœtus. Les contrevenantes encourent des peines de prison pouvant aller jusqu’à plusieurs années.

En 2012, c’est un collectif d’avocat-e-s, de chercheuses, et de militantes coordonné par Débora Diniz, de l’institut de bioéthique Anis, qui avait posé la question de l’anencéphalie du fœtus (1) au tribunal suprême fédéral et réussit à l’imposer comme une des conditions pour obtenir une IVG.
Actuellement le groupe d’études sur l’avortement (Grupo de Estudo sobre o Aborto), composé de médecins, de juges, de représentant-e-s de divers groupes du mouvement féministe rédige un texte pour le tribunal suprême fédéral afin d’inclure la microcéphalie (2), dans les cas autorisant l’avortement. Et il a demandé une audience à Dilma Rousseff pour défendre cette cause.
Le cas de microcéphalie peut être diagnostiqué après le troisième mois de grossesse dans le cas d’une infection par le virus zika, ce qui nécessite un rallongement du délai légal de trois mois pour avorter.

La conférence des femmes

Une Conférence des femmes se tient tous les 2 ans dans tous les états du Brésil. Cette conférence rassemble pour 2/3 la société civile et pour 1/3 des représentant-e-s du gouvernement de l’état.
Elles se sont réunies cette année et toutes ont fait référence à l’avortement. La conférence des femmes de l’état de São Paulo va tenter d’obtenir l’autorisation d’organiser une conférence centrée uniquement sur l’avortement, ce qui permettrait d’inclure ce thème dans la conférence nationale. Mais ces conférences sont plus consultatives que délibératives, et rien n’oblige le gouvernement à appliquer leurs demandes et revendications.

Texte de la Conférence pour les Politiques pour les Femmes de São Paulo présenté à la Conférence Nationale :

Décriminaliser et garantir le droit à l’avortement sûr et gratuit pour les femmes, en assurant ainsi leurs droits sexuels et reproductifs ; garantir le programme d’avortement légal et sûr dans toutes nos villes et États, avec assistance médicale et participation digne les femmes qui ont pratiqué l’avortement et ont eu des complications, sans discrimination et avec le droit au secret médical.

Changer la loi 9.263-96, en réduisant à 21 ans, au lieu de 25 ans aujourd’hui, la limite d’âge pour demander une stérilisation volontaire et dispensant la nécessité de la signature et approbation de l’homme.

Créer et amplifier les programmes de prévention de la grossesse de l’adolescente, l’emploi de drogues et la prostitution visant la réduction des cas.
Elargir et améliorer la question de la planification familiale pour les femmes avec attention spéciale, pour celles qui ont des problèmes de santé mentale et une dépendance chimique.

Renforcer les dispositifs légaux déjà existants quant à la garantie à l’avortement légal et sûr”

La conférence des évêques du Brésil a bien évidemment refusé toute possibilité d’accès à l’IVG même pour les femmes touchées par le zika.
Mais par contre, début février, l’ONU a demandé aux pays d’Amérique Latine et aux autres pays touchés par le zika d’autoriser l’accès des femmes à la contraception et à l’avortement. Pour le mouvement féministe brésilien, cet appui ainsi que celui des associations françaises est très important. Surtout parce que l’actuel parlement a une forte composante conservatrice. Grâce à des financements privés, trois groupes de lobbyistes ont beaucoup grandi au parlement depuis les dernières élections. On les appelle les B.B.B. (bible, bétail et armes), car ils sont composés principalement de propriétaires fonciers (Boef), de défenseurs de la libéralisation du droit au port d’armes (Bale), ainsi que de religieux (Bible). Ils reçoivent le soutien de l’actuel président de la chambre fédérale, un évangéliste, Eduardo Cunha.
Depuis la dernière législature et avec plus d’intensité encore dans l’actuelle, les parlementaires proposent des projets de loi qui représentent des reculs sur nombre de conquêtes acquises tout au long de l’histoire des luttes féministes.
Ainsi la droite vient de présenter un projet de loi, appelé “statut du nasciturne” (les féministes l’appellent “bourse-viol”), qui garantit aux femmes enceintes à la suite d’un viol qui décident de maintenir leur grossesse, une bourse pour les aider à élever leur enfant jusqu’à sa majorité. Or, dans tous les cas, les femmes ou familles qui sont au-dessous du minimum vital ont droit à la “Bolsa Família”.
Dernièrement, le Brésil a reconnu la famille homosexuelle. Mais les représentant-e-s de la droite ont aussi décidé de présenter un projet de loi qui redéfinit la famille. Et dans leur projet, la seule définition admissible de famille doit inclure la mère, le père et les enfants, et seuls les enfants reconnus seront porteurs de droits.
Ils ont aussi réussi à bannir du Plan National d’Éducation ce qu’ils nomment “l’idéologie de genre”. Ils soutiennent que cela offense la famille, stimule la pédophilie, ainsi que les options sexuelles «non permises par Dieu.» En réalité, le projet propose d’inclure dans le Programme National d’Éducation la discussion critique de toutes les formes de discrimination, comme l’égalité entre les femmes et les hommes, les violences sexuelles, l’égalité et la valorisation de toutes les races, les discriminations envers les orientations sexuelles, le profil physique etc. C’est exactement cette discussion critique des préjugés, qu’ils contestent.

Les femmes dans les rues

En septembre et Octobre, il y a eu deux grandes marches de femmes sur Brasília: la “Marcha das Margaridas”, les travailleuses rurales qui a rassemblé plus de 75.000 femmes, suivie en novembre de la Marcha das Mulheres Negras, composée d’environ 35 000 femmes, qui portaient les demandes des femmes noires.

Puis toujours, en novembre, toutes les féministes sont descendues dans les rues de São Paulo, Rio de Janeiro, Porto Alegre, Curitiba etc., avec pour slogan “Aborto, sim. Cunha, não!” (Avortement si, Cunha non !)

Les féministes brésiliennes font leur part dans un contexte politique très défavorable. C’est pourquoi le soutien de l’ONU et l’action internationale des féministes est si important. Ils pourraient faire la différence.
Un des mots d’ordre des manifestations du 8 Mars était “Pour la légalisation de l’avortement”.

Rachel Moreno – collaboratrice Brésil – 50-50 magazine

(1) Anencéphalie, anomalie congénitale produisant une absence partielle ou complète de l’encéphale.

(2) Microcéphalie : petitesse anormale du crâne et du cerveau.

La pétition pour l’IVG et la contraception en Amérique Latine

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