Articles récents \ DÉBATS \ Contributions \ France \ Société L’égalité au poker ? On est encore loin du compte…

Le plus célèbre jeu de cartes au monde s’est fortement développé depuis les années 90, avec des millions d’adeptes en tournoi ou en ligne. Et malgré cette forte expansion, la «vague poker» ne semble toujours pas avoir touché les femmes. Et si des contre-exemples existent, le poker est encore très loin d’en avoir fini avec sa réputation de milieu machiste.

Difficile d’apprécier son tournoi de poker
Même si les pourcentages varient suivant les sites et les années, on peut facilement dire que le taux de participation des femmes à des tournois est en générale en dessous des 10%. Une parité qui n’est donc pas près d’être établie, et qui donne au poker ce sentiment de jeu ultra dominé par les hommes. Et si le poker a une population avant tout masculine, cela veut dire que le marketing autour de ce jeu s’adresse aussi particulièrement aux hommes : ainsi dans les revues spécialisées, il est plus fréquent de voir des femmes figurer en tant qu’objet, que pour leurs compétences ou leurs tactiques.
Blague ou remarque machiste, intransigeance, vantardise, mansplaining, surprotection, … Le poker arrive à lui seul à être un microcosme où la majorité des problèmes sexistes ont lieu. S’il est assez rare que les joueuses professionnelles témoignent avoir vécue de graves problèmes, quasiment toutes font le constat d’un milieu qui ne les prend pas assez au sérieux.
Le cas des tournois féminins
Et cet environnement machiste peut être une sacrée barrière pour passer à la vitesse supérieure : il n’est pas rare de voir des témoignages de femme disant être intéressée par le poker, mais n’étant pas allée plus loin à cause d’un environnement «hostile.» Afin de contrer cela, on peut noter la présence de plus en plus importante de tournois réservés aux femmes. Les avis divergent souvent à propos de ceux-ci, que ce soit chez les hommes ou chez les femmes, car ils peuvent être vus comme «discriminant», et une tendance à vouloir séparer les sexes. Néanmoins, ces Ladies Event, comme on les appelle, sont là afin que les femmes puissent pratiquer et se roder à l’exercice en toute cordialité, avant de véritablement se frotter aux tournois mixtes. Ce qui à l’inverse, signifierait qu’ils serviraient plus comme tremplin afin d’avoir un championnat plus mixte, que comme véritable séparateur des sexes.
Malheureusement, si ces tournois sont efficaces, leur légitimité reste encore trop fine. Car la plupart du temps, le fait qu’il ne peut y avoir de discrimination liée aux sexes pour l’accessibilité d’un tournoi fait qu’il y a quasi systématiquement un pourcentage d’hommes à ces Ladies Event. Il arrive même parfois que ceux-ci gagnent le tournoi comme à New Jersey en 2009  ou à Deauville en 2015. 
De lentes évolutions
Mais comme tout le reste, le monde du poker évolue petit à petit. On compte de plus en plus de joueuses professionnelles reconnues comme Annette Obrestad, Liv Boeree, Vanessa Slebst … La possibilité de jouer en ligne permet de contourner la plupart des problèmes que l’on peut rencontrer en tournoi live. Evidemment les mentalités changent bien trop lentement, et le poker reste un des milieux où il est le plus dur d’être une femme (presque pire que le jeux-vidéo, c’est dire), mais il n’y a pas de raison pour que cela ne progresse pas. Et il n’existe qu’une seule solution pour accélérer les choses : tenter sa chance dans ce jeu passionnant, et si l’intérêt est là, trouver les moyens pour s’améliorer sans trop rencontrer de problèmes.
Pierre Monard, journaliste indépendant

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