Articles récents \ Monde Femmes Solidaires en Ethiopie: une longue histoire de solidarité internationale

Femmes Solidaires est engagée depuis plus de 10 ans dans la lutte contre les mutilations génitales Féminines (MGF), les mariages dits préférentiels, la scolarisation des petites filles et accompagne  la mise en place d’activités génératrices de revenus dans la région Afar d’Ethiopie.

Excisions, mariages préférentiels:  des fillettes en danger

La région Afar situé au Nord de l’Éthiopie est la région la plus pauvre en infrastructures sanitaires et scolaires. C’est également la région où la pratique de l’excision et surtout de l’infibulation est la plus violente. En 2007, 98% des petites filles afars âgées de 6 à 8 ans avaient subi ces pratiques vieilles de 27 siècles. Elles se font deux fois par an selon les constellations repérées par les anciens du village.

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De plus, nombre de fillettes ne peuvent suivre leur scolarité jusqu’au bout, les raisons en sont multiples.  Les petites afars sont forcées au mariage dit «préférentiel», promises depuis leur naissance à leur cousin maternel, ce qui empêche leur scolarisation après l’école primaire. Dès l’âge de 12 ans, un grand nombre d’entre elles sont contraintes de s’occuper du troupeau familial ou de la famille, si leur maman est malade par  exemple. Un autre obstacle est l’éloignement du collège de leur village.

Il y a déjà 20 ans, une association, les femmes de Gamissa, a créé un réseau d’aide aux fillettes. Certaines de ces femmes ont même réussi à cacher des petites filles pour leur éviter ces mutilations. Madina Aidahis et Halima Issé, deux femmes de l’association excisées et infibulées sont entrées en résistance. Elles se rendent régulièrement dans de nombreux villages de la région de Gawani pour sensibiliser les habitant-e-s sur les effets néfastes de ces mutilations sur la santé psychologique et physique des filles.

Témoignages

«Je suis Robo une grand-mère qui a fait exciser, qui a fait mal.  Mais aujourd’hui, je suis une grand-mère qui ne veut pas exciser ses petites-filles. Mes filles sont d’accord et mes garçons me soutiennent. Je suis une grand-mère convaincue et j’essaie de convaincre les autres grand-mères.»

«Je m’appelle Hasna Abdellah. J’ai été l’exciseuse N° 1 de Dalye et aujourd’hui je suis accoucheuse traditionnelle. J’ai assisté à des formations pour améliorer l’hygiène. J’ai appris à mettre des gants, à nettoyer le sexe. J’ai fait plein d’excisions, je n’ai jamais eu d’accidents. J’ai arrêté parce qu’on m’a dit tous les méfaits que cela causait.»

En 2005, Madina Aidahis et Halima Issé entrent en contact avec Femmes Solidaires. Une première mission se rend alors en Éthiopie. A la suite de ce premier voyage en région afar, l’idée du marrainage se fait jour. Le marrainage consiste à verser chaque mois 15€ aux familles qui s’engageront à ne pas exciser leur fille et à la scolariser.

Femmes Solidaires a aujourd’hui 84 filleules et au total, sur les sept villages concernés, 850 petites filles pourront éviter la mort en couches, les infections, les fuites urinaires car elles ne sont pas excisées. En 2013, une loi est votée qui punit d’emprisonnement ou d’amendes toute personne pratiquant l’excision, que ce soit les parents, les exciseuses ou les personnes qui maintiennent de force les petites filles. L’imam de la région a participé à la rédaction de la loi. Ses positions sont très minoritaires. Mais la loi est appliquée dans le pays.

L’accès à l’école pour éviter les mariages forcés

« Aujourd’hui», explique Yvette Barilleau, en charge du dossier Ethiopie à Femmes Solidaires, «le problème de ces sept villages est moins les mutilations sexuelles chez les jeunes filles, compte tenu du travail effectué, que les mariages précoces. J’ai rencontré une fillette de 13 ans qui avait été mariée à un homme de 70 ans ! Nous avons aidé cette enfant à fuir

Les associations Gamissa et Femmes Solidaires décident de poursuivre ensemble leur combat en permettant aux filles afars, l’accès  à l’école secondaire, le meilleur moyen pour que ces jeunes filles échappent aux mariages forcés et aux corvées quotidiennes. Un projet de pensionnat a été mis en route dès octobre 2015. Il  permet à des jeunes filles de poursuivre leur scolarité dans de bonnes conditions et en sécurité. Le pensionnat est destiné à héberger pendant les périodes scolaires, 30 jeunes filles afars âgées de 11 à 16 ans vivant en milieu désertique. Certaines ont été mariées puis divorcées et reprennent leurs études, d’autres sont orphelines.

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La première rentrée scolaire a eu lieu le 13 octobre 2015.

Un pacte éducatif a été élaboré en partenariat entre les deux associations. Il comporte 4 points principaux:

– l’Intégrité physique des petites filles,

– la scolarisation en primaire et au collège,

– l’ engagement de non mariage précoce et forcé,

– l’accès des femmes engagées dans ce pacte aux activités et formations pratiquées dans la maison des Femmes Solidaires.

Des activités génératrices de revenus dans la maison des femmes solidaires

Afin de lutter contre toutes les violences et aider leurs filles, les femmes afars des 7 villages ont décidé, toujours avec l’aide de Femmes Solidaires, d’acquérir une indépendance financière et de mettre en place des activités génératrices de revenus.  « Il s’agit pour nous » précise Yvette Barilleau, «de rendre les femmes actrices de leur avenir.»

En avril 2014, une délégation de Femmes Solidaires se rend sur place pour inaugurer «la maison des femmes solidaires» de Dalye, conçue comme un lieu d’accueil et de travail. Sabine Salmon, présidente de Femmes Solidaires remet alors symboliquement les clés aux deux animatrices de l’association «Gamissa» qui a en charge la gestion de la Maison des femmes.

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La maison des femmes tente de réaliser aussi un travail de sensibilisation à la lutte contre l’excision en direction des garçons.

En janvier 2015, une mission de Femmes Solidaires est organisée dans le but de mettre en place des ateliers de couture. Depuis, les femmes ont élaboré des projets de commerce, d’artisanat, de fabrication de bijoux, de maraîchage …

Un instituteur a été embauché pour dispenser des cours d’alphabétisation ainsi qu’une couturière.

Deux projets sont à l’étude sur 2016. Tout d’abord l’achat d’un moulin à grain, les femmes pourront ainsi produire leur farine sur place. Actuellement, elles doivent parcourir des kilomètres à pied. Le moulin à grain aura aussi un rôle social, il permettra aux femmes de se réunir et d’échanger. Le deuxième projet est la construction d’une boutique le long de la route principale pour vendre leurs productions. Un terrain a été donné par le maire.

Caroline Flepp 50-50 magazine

A travers deux héroïnes, le film « Kimbidalé » retrace cette lutte menée simultanément en Ethiopie et en France.

Le DVD est disponible auprès de Femmes Solidaires.

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