Articles récents \ Culture \ Arts \ France \ Société Moïra Sauvage : «Les fillettes concernées par l'excision sont les camarades de classe de vos enfants."

Moïra Sauvage est présidente d’Excision, parlons en ! , association-plateforme qui rassemble de nombreuses autres associations. Nous l’avons rencontrée, à l’occasion du lancement de l’exposition itinérante « Fuir l’excision : parcours de femmes réfugiées ».

Pourquoi avoir choisi ce titre Excision Parlons-en! ?

Ce titre s’explique par le fait que nous souhaitons faire reparler de l’excision, sujet quelque peu oublié en France. En effet, l ‘excision est chez nous punie par la loi depuis les années 90 et la plupart des gens pensent que le sujet ne nous concerne plus.

Or il existe beaucoup de fillettes à risque en France : si elles ne sont plus excisées dans la petite enfance, elles peuvent être envoyées par leur famille au pays d’origine de leurs parents pendant les vacances scolaires, où elles risquent de l’être, à un âge beaucoup plus tardif. Il s’agit donc bien d’un sujet d’actualité, qui se passe sur notre sol. Cela devrait nous interpeller toutes et tous, en tant que violence faite aux filles, mais aussi parce que la France, premier pays d’asile pour les femmes originaires de pays où cette pratique se perpétue, est concernée. C’est pour cette raison que nous avons voulu faire sortir cette violence du silence et de l’oubli.

Ne l’oublions pas : les fillettes et adolescentes concernées sont les camarades de classe de vos enfants….

Quel sont les objectifs d’ Excision, parlons en! ?

Nous faisons un travail de plaidoyer après des autorités mais également de sensibilisation après des professeur-e-s , des professionnel-le-s de l’enfance, des médecins, des juges, de la police, des infirmière-e-s.

Dans le but d’informer le mieux possible sur le sujet, nous avons également créé le premier site francophone sur cette question, ce qui permet aux Africain-e-s francophones de nous suivre. Pour que personne ne puisse plus dire, comme c’était souvent le cas au sujet des violences conjugales, « Je ne connais pas le sujet, donc je ne peux rien faire!… »

Et sur le plan international ?

Infographie Excision parlons en! 2016

Infographie: cliquez sur l’image

J’étais à la CEDAW à New York en mars dernier et j’ai pu y présenter Excision parlons en! lors d’un caucus de femmes africaines. Nous voulons tisser des liens à l’international pour des échanges de bonnes pratiques et relayer les actions. Parallèlement, Excision parlons-en! est membre d’un réseau européen qui, dans différents pays, mène le même combat.

Qu’est-ce que l’excision et l’infibulation ?

L’excision est une forme de mutilations sexuelles féminines qui peut prendre plusieurs formes : de l’ablation du clitoris à celle des petites lèvres, jusqu’à l’infibulation, lorsque le sexe de la fille est recousu et fermé.

A la suite d’une excision, Il peut y avoir des problèmes d’hémorragie, des difficultés de cicatrisation, des risques lors de l’accouchement ou même des décès. Mais il y a aussi de lourdes conséquences sur la sexualité, le plaisir sexuel, puisque ne plus avoir de clitoris perturbe bien évidemment la possibilité de plaisir.

Il s’agit bien d’une mutilation: on enlève aux femmes une partie essentielle de leur corps.

Dans le monde combien de femmes sont excisées ?

Une enquête récente de l’ONU démontre que, même si le nombre de femmes excisées est en augmentation, de plus en plus de personnes se rendent heureusement compte de la nocivité de cette pratique. Le chiffre reconnu actuellement est de 200 millions de femmes excisées dans le monde, même si dans de nombreux pays, les statistiques fiables sont difficiles à obtenir. Ce qui est certain, c’est que dans certains endroits de la planète, comme en Indonésie ou en en Malaisie, le nombre d’excisions est en augmentation sous l’influence des fondamentalismes religieux….

C’est pourquoi il ne faut pas oublier d’intégrer la lutte contre les mutilations sexuelles féminines dans celle pour les droits des femmes, et tout simplement pour les droits fondamentaux de la personne humaine.

Qui sont les membres d‘Excision, parlons en !?

L’idée de cette association-plateforme vient de Louis Guinamard, un journaliste qui avait pu découvrir l’excision en Egypte, pays où, il y a quelques années encore, la prévalence de l’excision était de 90% des femmes…. Son but était, dès le départ, de réunir des associations comme le GAMS ou Équilibre et Population à d’autres associations qui luttent plus largement contre toutes les violences faites aux femmes comme Femmes Solidaires ou le Planning Familial et de réfléchir aux moyens de continuer ensemble à dénoncer les mutilations sexuelles féminines.

Nous avons obtenu le soutien de plusieurs ministères, Droits des Femmes, Affaires Sociales, Affaires Étrangères, de la Commission nationale consultative des droits de l’homme (CNCDH) et de la Défenseure des enfants. Nous avons fait signer notre charte à de nombreuses personnalités, travail que nous continuons à faire régulièrement. Nous sommes également proches du Centre de santé génésique de Saint Germain-en-Laye, où le docteur Pierre Foldés répare, lorsqu’elles le souhaitent, les femmes qui ont été victimes d’excision.

Vous avez récemment inauguré l’exposition « Fuir l’excision : parcours de femmes réfugiées » que vous souhaitez voir ensuite circuler dans toute la France. De quoi s’agit-il ?

Outre la recherche de fonds auprès des fondations qui nous aident (Kering, Raja, Betto Seraglini, entre autres), comme beaucoup d’associations, celle-ci nous prend hélas beaucoup de temps !… nous avons plusieurs projets, à la fois à destination des filles et femmes concernées et du grand public.

Le dernier en date, que nous venons d’inaugurer, est en effet un photo reportage de la photographe Anaïs Pachabézian. Elle a réussi à suivre trois femmes africaines dans leur parcours difficile de demandeuses d’asile. Notre travail commun, une quinzaine de panneaux, est à la fois beau et informatif : à travers lui, le public se rendra facilement compte de la souffrance de ces femmes obligées à fuir leur pays car elles se sont opposées à la tradition qui voulait mutiler leurs filles. Une belle et utile exposition dont nous sommes fier-e-s !

www.excisionparlonsen.org

Propos recueillis par Caroline Flepp 50-50 magazine

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