Articles récents \ France \ Société La Fondation des Femmes, pour donner aux féministes les moyens de leurs luttes

La soirée de lancement de la Fondation des Femmes a eu lieu en mars dernier 2016. Cette nouvelle fondation, lancée par Anne-Cécile Mailfert, ancienne présidente d’Osez le féminisme ! et quelques bénévoles est née d’une indignation : les féministes et leurs associations ont quantité d’idées, de l’énergie à revendre mais pas suffisamment de moyens.  Retour sur une soirée de lancement savamment orchestrée et mode d’emploi de cette nouvelle fondation.
Le bénévolat, nécessaire sacerdoce féministe ? L’autodérision ravageuse de Chloé Ponce-Voiron, humoriste féministe et animatrice de la soirée du 3 mars, fait mouche parmi les militant-e-s des quelques 150 associations luttant pour les droits des femmes présentes à la mairie du 3ème arrondissement. Le sketch introductif dépeint un groupe de militantes féministes contraintes de mettre en place une action au rabais, faute de moyens. «Cette fondation a vocation à lever des millions. On a l’expérience, les compétences, mais où est le fric ? Imaginez le poids qu’on aurait avec du pognon, on aurait Beyoncé ! »
Les vannes tragi-comiques de l’humoriste dénoncent un état de fait qui met Anne-Cécile Mailfert, présidente de la nouvelle Fondation des femmes «en colère.» La lutte pour les droits des femmes serait moins dotée que celle pour les droits des animaux. La générosité publique et privée n’échappe pas aux inégalités sexistes. Sont ainsi rappelées quelques données édifiantes : la dotation du ministère des Droits des Femmes est de 24 millions d’€. Soit un tout petit 0,006% du budget de l’État pour faire progresser les droits de toute l’humanité. Faute de soutien financier, matériel et juridique, des associations indispensables sont fragilisées. Obligées de revoir leurs ambitions à la baisse, voire carrément de mettre la clé sous la porte.
La Fondation des Femmes est un projet bénévole lancé avec l’appui de la Fondation Agir Contre l’Exclusion(1), de la Fondation Chèque Déjeuner (qui  a soutenu Osez le Féminisme ! ou le Mouvement Français pour le Planning Familial), de France Télévisions (représenté à la soirée par sa nouvelle présidente Delphine Ernotte) et sous le regard bienveillant des pouvoirs publics, qui accueillent favorablement toute initiative qui soulagerait leur fardeau financier. Laurence Rossignol, alors tout juste intronisée ministre des Familles, de l’Enfance et des Droits des femmes qui ne citait pas encore Montesquieu, est présente et doit déjà rassurer les mouvements féministes, plutôt critiques vis-à-vis de l’intitulé de son ministère.
Une nouvelle ère pour les droits des femmes ?
Delphine Ernotte et Laurence Rossignol saluent le travail des jeunes femmes féministes. La présidente de France Télévisions souligne qu’historiquement, certaines femmes comme elles ont plus de moyens d’agir que jamais pour l’égalité. Elle promet de transformer la télévision publique et prend exemple sur les clips contre les stéréotypes de sexe réalisés récemment avec les animateur/trices de France Télévision.
Quant à la Ministre, figure féministe historique du Parti Socialiste, elle profite de la tribune pour rassurer les associations inquiètes en se mettant en avant: « Juste, c’est moi. Ça va le faire. » Elle dit avoir été malheureuse avant la création d’Osez le Féminisme ! , en 2009, et parle d’une « régression de l’image du féminisme » entre 2002 et 2009. Elle s’engage à aider la Fondation des Femmes à trouver des moyens, rappelant que « le gouvernement maintient les budgets alors que les besoins augmentent : les violences sont stables, mais la précarité des femmes augmente ». Elle prend exemple sur la soirée pour saluer les antiféministes : « nous les féministes, on est drôles. » Drôles, certainement, et peut-être bientôt plus si fauchées.
Une organisation transparente au service des mouvements féministes
D’autres intervenant-e-s se succèdent à la tribune. On y explique quels types de projets et de structures pourront être soutenu-e-s : des associations comme le FIT : 1 Femme, 1 Toit (lien) de Marie Cervetti, spécialisée dans l’hébergement  de long terme et la réinsertion de jeunes femmes victimes de violences. Chaque année, la directrice du FIT explique qu’elle est contrainte de refuser 400 demandes légitimes de résidentes potentielles victimes de violences car elle ne dispose que de 60 lits. L’association, victime d’une incendie en décembre, a été soutenue à hauteur de 7500 € par ce qui n’était qu’alors que l’association de préfiguration de la Fondation des Femmes.
La Fondation est dirigée par un Comité Exécutif, composée de représentant-e-s de la FACE, de trois membres de l’équipe de la Fondation ainsi que de trois personnalités reconnues pour leur expertise et leur indépendance féministe :  Geneviève Garrigos, présidente d’Amnesty International France (lien vers notre article), Danielle Bousquet, présidente du Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que François Milewski, économiste à Sciences Po et membre du Conseil Supérieur à l’égalité professionnelle.
Les projets des associations sont examinés par un Conseil Scientifique à rôle consultatif composé de neufs associations de terrain en phase avec les besoins des mouvements féministes, renouvelé tous les deux ans, afin d’être au plus proche des demandes des associations.
image article guillaume

Les associations membres du Conseil Scientifique

#8eurostousles8 : pour que le 8 mars dure toute l’année
Le mot-dièse #8eurostousles8 résume en quinze caractère tout le mode d’emploi du don à la Fondation. Chaque personne peut facilement s’inscrire pour donner 8 € tous les 8 du mois, «pour faire des droits des femmes une réalité pour laquelle on se battrait 365 jours par an.» Après une déduction fiscale de 66%, ce don ne coûte donc que 2,7 euros,  moins d’un café crème par mois», selon Maxime Ruszniewski, administrateur de la Fondation.
1 mois et demi après son lancement, Anne-Cécile Mailfert, nous explique qu’en 2 mois, la Fondation est parvenue à lever 90 000 €, dont la moitié proviennent de dons de particuliers. Le reste provient d’autres mécènes, qui sont soit des entreprises, soit des ambassadrices de la Fondation, des personnalités déjà connues qui s’engagent à soutenir la Fondation des Femmes. L’objectif est de lever 300 000 € en 2016.
Le soutien apporté peut aussi être juridique. Une vingtaine d’avocat-e-s seront à la disposition des associations et travailleront «pro bono», tant dans l’assistance juridique quotidienne que pour les activités de plaidoyer. Un colloque sur la question du genre et du droit devrait être bientôt organisé.
Les Voisines, une colocation d’associations féministes
Enfin, le soutien apporté aux associations féministes pourra être logistique.  Il s’agit de partager, à partir du mois de juin, des locaux de 150m2 sur le site de l’ancien hôpital Saint- Vincent-de-Paul (14ème), aux Grands Voisins. «On est vraiment super contentes d’avoir trouvé ce qui sera le premier espace de coworking féministe parisien, qui s’appellera logiquement Les Voisines», s’enthousiasme Anne-Cécile Mailfert : «on sera en colocation avec 8 autres associations travaillant pour les droits des femmes. L’idée, c’est aussi de sortir des associations de leur isolement. Au lieu d’avoir une chargée de mission qui travaille seule dans un coin de Paris, on pourra partager les idées, les contacts et faire émerger des projets communs. » Parmi celles-ci, l’association «Excision parlons-en»(lien) ou encore En avant toutes, qui travaille sur la question de la sensibilisation aux violences des jeunes femmes.
La communication et l’événementiel sont maîtrisés à la perfection par l’équipe de la Fondation. En dehors de leurs médiatiques ambassadrices qui s’engagent publiquement pour soutenir l’association, parmi lesquelles Laura Flessel, Sophia Aram, Laurence Ferrari ou encore Hapsatou Sy.
On a hâte de voir ce que la soirée d’inauguration des Voisines, prévue pour le 20 juin, nous réserve.
Guillaume Hubert, 50-50 Magazine
1 La Fondation des femmes est en phase de devenir une fondation abritée par la  Fondation Agir Contre l’Exclusion  (FACE) avec laquelle elle partage l’objectif de lutter contre toutes les formes de discrimination. La FdF bénéficiera ainsi des mêmes avantages fiscaux et l’éligibilité au mécénat (IR, IS, ISF) que sa fondation abritante, reconnue d’utilité publique.
 
 
 

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