Articles récents \ DÉBATS \ Contributions \ France \ Économie Christine Quinola : «chez certains cadres … il y a un sexisme qui empêche les femmes d'accéder à tous les postes»

Je suis une ingénieure ETP (Ecole Spéciale des travaux Publics du Bâtiment et de l’industrie). Ce métier d’ingénieure s’est présenté à moi par hasard. En effet, je ne viens pas d’une famille d’ingénieur­-e-s. Mes parents travaillaient dans le monde de l’éducation.

J’ai toujours apprécié les mathématiques et les sciences. J’ai eu la chance d’être dans un lycée qui ouvrait une section «Classe préparatoire aux grandes Ecoles» quand j’étais en Première S. J’ai postulé et j’ai été acceptée.
Pendant 2 ans, il y a eu une ambiance d’équipe pionnière entre les étudiant­e­s, beaucoup d’émulation, de compétition et de cohésion. Ce lycée se trouve en Guadeloupe et pour la session écrite des concours d’entrée, nous devions passer les épreuves aux mêmes horaires qu’en Métropole soit entre 2h et 3h du matin !
Une fois l’admissibilité actée, il y a eu la phase des oraux. J’avais choisi des écoles dans différentes villes et un marathon d’entretiens avec la logistique que cela implique s’est enclenché.
Les résultats n’étaient pas forcément ceux que j’attendais mais j’ai été admise à l’Ecole des Grands Projets (ESTP) à Paris. Une école où j’ai découvert un secteur que je connaissais plus du point de vue de l’artisanat. J’ai découvert les grands groupes de construction et le type de projet que cela pouvait amener. J’avais également envie de voyager et de découvrir d’autres cultures. J’ai eu, en dernière année, une proposition de stage pour l’Allemagne et une autre pour l’Angola. J’ai choisi l’Allemagne car ce pays me paraissait plus éloigné de mon vécu en Guadeloupe.
J’ai donc fait un stage puis travaillé dans un groupe français en détachement pendant près de 2 ans. J’ai appris l’allemand et le mode de travail dans ce pays. J’ai découvert également le secteur de la pétrochimie et ses différents métiers. Les projets concernaient majoritairement des systèmes de contrôle/commande pour des clients pétrochimiques. Il y a eu des phases chantiers et d’études au sein d’équipes à l’étranger. J’ai effectué des missions en Europe, à Singapour et en Algérie.
J’ai travaillé dans 3 entreprises depuis mon diplôme. Je suis actuellement cheffe de projet dans une entreprise du secteur pétrochimique. Ce poste consiste à coordonner les études techniques, les achats, l’installation sur site et les interfaces internes à l’entreprise (engineering, qualité, juridique, achats, inspection, logistique et finance). Le contexte est international car je peux travailler avec différentes filiales du groupe et des fournisseurs étrangers.
Sur les chantiers, je n’ai jamais fait face à des commentaires sexistes bien que certains calendriers étaient d’un goût un peu limite. Par contre, j’ai pu observer que chez certains cadres, heureusement peu nombreux, il y a un sexisme qui empêche les femmes d’accéder à tous les postes. J’ai par exemple eu droit de la part d’un commercial à cette remarque: «Pourquoi tu es sur ce chantier ? Trouve toi un mari et fais des enfants» et même une tentative de contact physique de la part du directeur financier d’un client. J’ai immédiatement alerté ma direction qui m’a soutenu. Il est vrai qu’en discutant avec d’autres femmes de mon secteur, je me suis rendue compte que ce type de problème leur est au moins arrivé une fois. Ces mêmes femmes sont comme moi satisfaites de travailler dans un environnement où les questions techniques et de gestion sont quotidiennes.
En parallèle de mon activité professionnelle, je participe au réseau ETP au féminin. C’est le réseau des femmes diplômées de l’ESTP. Nous organisons des événements culturels, des conférences métiers, des visites de chantiers et également un trophée récompensant des profils de femmes ETP.
Puisque la question de la vie privé  et ­vie professionnelle entre souvent en jeu quand on parle des femmes, je précise que j’ai des jumeaux nés en 2014. Je m’organise au mieux, comme mon mari également, puisque cette question nous concerne tous les deux.
 
Christine Quinola ingénieure 

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