Articles récents \ France \ Politique La parité dans les intercommunalités : des progrès inégalement partagés, un avenir incertain.

D’avril 2015 jusqu’au début 2016,  Elles aussi a réalisé une vaste étude sur la place des femmes dans les conseils et les exécutifs intercommunaux. A la veille de nouvelles restructurations dans les administrations locales, les femmes et les hommes partagent-ils équitablement le pouvoir ?  Une réelle parité réduirait de fait les risques de violences sexistes en politique.  Elles aussi a fait le point après avoir consulté des élu-e-s et analysé 2 127 établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

La parité apparaît comme une exigence incontournable pour une véritable démocratie
Fondé en 1992, le réseau pluraliste Elles aussi réunit des associations de femmes d’origines diverses, et agit pour la parité au niveau national comme régional. Son objectif est de promouvoir la parité au sein des instances élues. En 1946, à peine le droit d’éligibilité obtenu, 6,8 % des sièges de l’Assemblée Nationale étaient occupés par des femmes. Pourtant, 50 ans plus tard, ce chiffre descend à 6,1 % et il n’est aujourd’hui que de 26,9. L’égalité réelle ne peut être atteinte alors qu’une écrasante majorité d’hommes concentre le pouvoir politique. Elles aussi élabore des propositions pour mieux encadrer la parité et accompagne des femmes dans leurs démarches pour accéder aux mandats électifs.
En 2015, et pour la deuxième fois depuis 2011, Elles aussi a remis le prix de «la Marianne de la Parité» aux établissements publics de coopération intercommunale les plus vertueux au regard de la parité dans leur région. Ces événements sont l’occasion de mettre en avant les élues ayant accédé à des postes de responsabilité et de sensibiliser les citoyen-ne-s.
 
La recomposition des EPCI : un enjeu pour l’égalité à l’échelle locale
Les établissements publics de coopérations intercommunales (1) sont des structures administratives regroupant des communes qui mettent en commun certaines compétences. Depuis la «loi Chevènement» de 1999, la coopération intercommunale est renforcée et fait l’objet de réformes constantes. La loi du 17 mai 2013 impose des listes paritaires pour les communes de plus de 1000 habitant-e-s pour les conseils municipaux et communautaires. Malgré ces modifications et la recomposition actuelle des ECPI, les lois sur la parité dans ces instances de gouvernance locale sont très peu contraignantes.
La question de la représentation des femmes dans les EPCI est d’autant plus importante qu’en 2016, 2/3 d’entre eux sont concernés par des fusions, et le nombre de conseiller-ère-s va drastiquement diminuer.
Dans le cadre du colloque «Perspective 2020, nouvelle organisation territoriale et parité dans les intercommunalités», Elles aussi a présenté ses résultats au Sénat en mars dernier. Il s’agit d’un outil objectif et indispensable de mesure de la parité à l’échelle locale, car l’étude la plus complète réalisée jusqu’à présent avait été faite par le HCE f/h en 2014, avec des données incomplètes concernant les petites intercommunalités.
 
Une nette augmentation de la proportion de femmes
Alors que la précédente étude de 2011-2012 mettait en lumière le chiffre alarmant de moins de 30 % de conseillères dans 92 % des EPCI, les résultats de l’étude de 2015-2016 révèle une importante augmentation de la proportion de femmes dans les conseils et les exécutifs. En effet, les 2/3 des départements ont aujourd’hui plus de 30% de femmes, et même 50 % des départements ont plus de 33% de conseillères. En ce qui concerne les membres du pouvoir exécutif local (présidence et vice-présidence), dans la moitié des départements, plus de 19% sont des femmes.

résultats au niveau national

Les résultats publiées par Elles aussi

Des résultats différenciés entre les communes
Les listes paritaires avec alternance ont permis de féminiser les conseils communautaires. Cependant, ces réformes ne concernent que les communes importantes, et l’étude constate que les portes sont plutôt fermées aux femmes dans les petites communes. Ainsi, les conseils communautaires avec moins de 20% de femmes sont à 95% dans les ECPI représentant moins de 20 000 habitant-e-s.
Les différences sont prégnantes à l’échelle géographique. On constate, entre autres, que la Bretagne est bien placée en termes de représentation des femmes dans les conseils communautaires (38%) et dans les instances de l’exécutif (présidence et vice-présidences : 20%).
 
Les femmes ne sont plus systématiquement cantonnées à l’action sociale ou l’enfance
L’étude prend aussi en compte les responsabilités déléguées aux vice-présidentes. Elles aussi n’a pas pu analyser ce critère de manière exhaustive, environ la moitié de cette question a pu être étudiée. On apprend tout de même que les femmes ne sont pas reléguées uniquement à l’action sociale et sont assez reconnues compétentes sur les thématiques liées à l’environnement et à l’urbanisme. Elles participent majoritairement aux politiques publiques liées à la culture, la communication, les ressources humaines, le tourisme… Mais Elles aussi alerte sur une limite aux responsabilités des vice-présidentes, constatant que les hommes accaparent les sujets liés à la finance, l’aménagement du territoire et le développement économique.
Résultat affligeant, seulement 18 intercommunalités sur 2 000 enquêtées ont ratifié la Charte européenne de l’égalité dans la vie locale. Une seule vice-présidente est en charge de l’égalité femmes/hommes. De plus, bien que ce résultat ne soit pas cité par l’étude, la budgétisation sensible au genre est une problématique toujours absente des agendas locaux.
 
Alerte sur la recomposition future des EPCI
L’étude, qui s’est terminée début 2016, a pu constater les premiers impacts de la loi de restructuration des EPCI et ses lacunes en termes de parité. Les premières observations sont alarmantes : le conseil métropolitain du Grand Paris, qui représente 121 communes, accueille 72% d’hommes. La représentation des femmes dans les Yvelines subit même une diminution : alors qu’elles étaient 42% dans les conseils des EPCI qui la composent, elles ne sont plus que 30% dans la nouvelle communauté urbaine Grand Paris Seine et Oise. La part des femmes dans les communautés de communes chute !
Certaines mesures législatives ont bien fonctionné, mais il reste de nombreuses lacunes, les plus urgentes étant celles liées aux intercommunalités.
Elles aussi appelle à l’élaboration d’une loi pour imposer la parité dans les élections des conseiller-ère-s communautaires et des exécutifs. Cette importante étude pourra être le point de départ de l’évaluation des changements en cours dans la recomposition des EPCI et permettra de comprendre les principaux freins à l’égalité réelle dans les instances de la politique locale.
 
Charlotte Mongibeaux 50-50 Magazine
 
1  Il s’agit des communautés de communes, des communautés urbaines, des communautés d’agglomération, des syndicats d’agglomération nouvelle et des métropoles.
 

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