Articles récents \ DÉBATS \ Contributions Pour en finir avec les intégrismes, ne rien lâcher !

Le manifeste « Pour en finir avec les intégrismes » a pris forme après l’attentat de Charlie Hebdo. Ce n’est pas un hasard : face à l’horreur de ce qui fut le premier grand massacre terroriste de l’année 2015, nous, activistes féministes et laïques, voulions réaffirmer les principes fondamentaux qui ont fondé notre action : égalité des droits entre les femmes et les hommes, défense et promotion de la laïcité, lutte contre les intégrismes religieux qui, tous, oppriment et discriminent les femmes en particulier (de l’hindouisme au christianisme en passant par l’islamisme ou le judaïsme, les exemples abondent).

Ce manifeste (1) Femmes Contre les Intégrismes (FCI) a voulu au départ qu’il soit signé symboliquement par 343 femmes engagées (2). Mais, lancé lors du 8 mars 2015, 2000 signatures sont engrangées en quelques semaines ! Les premiers soutiens, recherchés auprès de femmes connues et reconnues, sont arrivés très vite : Elisabeth Badinter, Caroline Fourest, Taslima Nasreen, Sapho, Chalah Chafik, Cherifa Keddar, Wassyla Tamzali, Zabou Breitman, Eva Darlan, Faouzia Charfi… Et les hommes que nous avons contactés n’ont pas été en reste : Gérard Biard, Moulay Chentouf, Chérif Ferjani, Jean-Louis Gagnaire, Christian Gaudray, Ziad Goudjil, Soufiane Zitouni, Sam Karmann…

Parmi les signataires, des journalistes, des universitaires, des actrices, des producteurs et productrices, et aussi quelques (trop rares) politiques qui ont eu le courage de s’engager à nos côtés, comme la députée Pascale Crozon, l’adjointe aux droits des femmes à Lyon, Thérèse Rabatel, la sénatrice Christine Prunaud, la conseillère régionale Céline Pina. Et bien sûr, plein d’anonymes, des ami-es bien sûr, des militant-es de France et d’ailleurs, émanant de nombreuses associations luttant pour les droits des femmes, pour la laïcité, contre la prostitution, contre les violences faites aux femmes….

MANIFESTE

POUR EN FINIR AVEC LES INTÉGRISMES

Quelles que soient leur idéologie et leurs pratiques religieuses sectaires, tous les mouvements intégristes sont gangrénés par l’ignorance, le machisme et l’obscurantisme, jusqu’au meurtre. Tous ont en commun d’asservir les femmes, de contrecarrer les évolutions sociétales, d’étouffer la liberté de conscience et d’expression. Leur volonté de domination doit cesser. Ensemble, nous allons briser le silence des millions d’hommes et de femmes qui subissent leurs diktats sexistes.

Je déclare être blessée par les propos dégradants que tiennent les intégristes sur les femmes, et avoir connaissance de multiples pressions de leur part, de menaces, de violences physiques et mentales, de viols et de massacres.

Je suis informée des conditions indignes qui sont faites à celles qui connaissent l’enfermement dans leurs corps et dans les murs des maisons, la relégation au coeur même de la société, la criminalisation des actes de la vie les plus ordinaires.

Simplement parce qu’elles sont femmes. En ce sens, je suis l’une d’elles.

En France, la laïcité, parce qu’elle sépare les lois de l’État des dogmes religieux, est un pilier des libertés individuelles et d’égalité entre les citoyen-ne-s. Ce principe, acquis de haute lutte voilà 110 ans, doit être clairement établi, et promu sur tout le territoire.

Peu importe que je sois de France ou d’ailleurs, je suis d’accord avec cette déclaration et je l’exprime librement, en toute conscience.

En tant que citoyen-ne du monde, je soutiens celles et ceux qui cherchent à faire avancer le principe de laïcité dans leurs pays respectifs, et qui partout appuient les revendications d’égalité des droits entre les femmes et les hommes.

Le dire publiquement, ensemble, est un acte politique que je revendique.

En novembre 2015, le manifeste est publié à la fois dans Charlie Hebdo, et dans Femmes d’ici et d’ailleurs, magazine trimestriel piloté par notre ami de toujours, Pierre-Yves Ginet. Une pleine page sur chaque publication ! Les signatures reprennent de plus belle, d’autant plus que pour marquer l’anniversaire des 20 ans de l’association, nous avons réuni du monde dans le beau théâtre lyonnais des Célestins. Là encore, comme toujours dans nos actions, se sont mêlées les militan-tes de terrain, les intellectuel-les, les féministes de France et du Maghreb…

Plusieurs Algériennes sont là lors de cette journée mémorable, elles qui ont connu bien avant nous la montée du terrorisme. Elles ont été voilà 20 ans nos premières alliées ; et elles le restent tandis qu’à notre tour, nous voilà touchés de plein fouet. Elles ont été parmi les premières à accueillir favorablement ce manifeste, « cette déclaration publique et collective (qui) est un acte politique, par lequel les signataires expriment leur attachement aux valeurs d’égalité, de laïcité et de mixité, plus que jamais d’actualité au vu des attentats perpétrés et de la poussée des extrémismes partout dans le monde ».

Comme le dit le grand écrivain Boualem Sansal, qui lui aussi a signé des deux mains le manifeste ce printemps 2016, « il faut décréter l’état d’urgence mondial ». Modestement, la campagne de signatures qui se poursuit entend y contribuer … Début juillet, on en recense 4000. 

L’attentat de Nice est une onde de choc supplémentaire. Comme vient de l’écrire une jeune militante de Femmes Contre les Intégrismes sur la page Facebook de l’association, « on ne lâche rien sur la laïcité, qui permet seule à tout le monde, croyants comme non-croyants, de penser et vivre librement…
On ne lâche rien sur l’égalité, la mixité, la solidarité…
On continue à dénoncer le relativisme culturel et l’exacerbation des communautarismes, qui divisent les citoyens, entretiennent la haine et font tout autant le jeu de l’extrême droite que des prêcheurs mortifères.
On continue le manifeste Pour en finir avec les intégrismes, on continue les lettres ouvertes, les communiqués, l’organisation de débats, les caravanes des droits des femmes, la prévention de la radicalisation, l’information, les manifestations… »

Françoise Kayser, co-fondatrice de FCI 

1 Le manifeste est proposé à signature sur le site de l’association en français, en anglais et en arabe.

2 En référence aux 343 femmes ayant eu le courage de signer le manifeste « Je me suis fait avorter » en 1971.

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