Articles récents \ France \ Économie Où est l’argent pour les droits des femmes ? Une sonnette d’alarme 2/3

A l’occasion de la sortie du rapport « Où est l’argent pour les droits des femmes ? Une sonnette d’alarme « , un colloque était organisé le 15 septembre dernier au CESE. Lors de cet événement, Françoise Brié, porte-parole du réseau Solidarité Femmes a témoigné des difficultés récurrentes d’une des associations membre de la Fédération Nationale Solidarité Femmes.

La Fédération Nationale Solidarité Femmes c’est le 3919, numéro d’écoute national Violences Femmes Infos, c’est 65 associations spécialisées. 6 500 femmes victimes de violences et enfants hébergés chaque année et plus de 30 000 femmes suivies hors hébergement, en milieu urbain ou rural, souvent au cœur des quartiers politique de la ville.

Les textes législatifs portant sur l’égalité entre les femmes et les hommes et la lutte contre les violences ont progressé ces dernières années.

Mais comparé au coût humain, en services, en conséquence sur les victimes, la politique financière fléchée sur les structures spécialisées est bien ténue.

Solidarité Femmes a ainsi publié cette année une étude portant sur les violences faites aux femmes en milieu rural et c’est sur ce secteur que je vais insister

Les constats de cette étude rejoignent ceux du rapport Egaliter du HCE avec :

– la prégnance des stéréotypes sexistes et d’une société patriarcale

– des violences niées, ou banalisées 

– la précarité financière

– la méconnaissance des droits,

– la difficulté à déposer plainte,

– le manque de services de proximité dans le secteur de la santé, de la justice

– le manque de lieux d’accueil et d’hébergement spécialisés

– des formations insuffisantes ou inégales des professionnel-le-s.

Ce sont tous ces obstacles que tente de résoudre l’association Femmes de Papier, située dans le territoire rural du Pays de Cominges en Haute Garonne. L’unique pôle urbain est St Gaudens. C’est un secteur à dominante rural en montagne avec souvent un isolement géographique et des difficultés de mobilité.

L’association créée en 2005 s’adresse aux femmes victimes de violences mais propose aussi des actions en faveur de l’emploi et des droits des femmes et pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes.

La population de ce secteur est de 78 000 habitants environ. Femmes de Papier estime que plus de 1 500 femmes sont concernées ainsi par les violences conjugales dans leur secteur. Chaque année l’association ne peut suivre que 100 à 200 femmes, ce qui est peu en regard des besoins.

Depuis 10 ans, le nombre de femmes fluctue en effet non pas en fonction de la demande mais en fonction des financements alloués, de la rupture des contrats de travail à temps partiel des salariées, de leur réembauche et de la mobilisation des bénévoles qui ont créé la structure.

Car Femmes de Papier a du fermer ses permanences à 3 reprises en 2010, 2013 et 2015.

A chaque fois bénévoles et salariées se sont mobilisées pour relancer :

– leur lieu d’accueil pour les femmes,

– leurs actions de prévention auprès des jeunes

– et leurs actions de formation des professionnel.le.s.

Depuis 10 ans, et c’est encore le cas aujourd’hui, Femmes de Papier a demandé des financements à près de 30 instances différentes :

– 5 dossiers pour l’Etat dont la DRDFE qui a toujours été à leur côté

– 3 dossiers pour les communautés de commune

– 10 dossiers auprès de communes sur les 237 du secteur

– 10 mécènes et fondations avec le soutien de la FNSF

– des dons privés

Elle n’a pas obtenu de financements pluri annuels au moment où appels à projets et appels d’offre se multiplient. Pourtant le temps passé à la recherche de fonds est chronophage car en sus de dossiers à remplir, il faut se déplacer, toujours convaincre, souvent pour…rien. L’égalité entre les femmes et les hommes et les violences, ne sont pas vraiment une priorité.

Femmes de Papier a mutualisé les moyens, ce qui n’est pas simple dans son territoire.

En 2016, elle répond ainsi à 2 appels à projets l’un européen (complexité) et l’autre régional avec les autres associations Solidarité Femmes de la région.

Aujourd’hui, Femmes de Papier fonctionne avec 3 CDI, tous à temps partiel sur 24h.

2 ETP seraient nécessaires à ses activités et 95 000 €, soit moins de 1 € par habitant.

Les salariées, malgré la précarité, et leur conseil d’administration sont toujours mobilisés. Une belle constance et un bel engagement mais combien de temps vont-elles tenir ? Les petites structures rurales sont en péril. Pourtant elles sont en lien direct avec les besoins et les publics pour mettre en œuvre les politiques publiques.

Sa dépendance aux financements publics (de 74 à 94% du budget selon les années) et l’évolution des politiques associées impose une flexibilité, notamment, en moyens humains.

Les violences à l’encontre des femmes ne sont pas une affaire privée. En ces temps de restriction des fonds publics, FDP peine à faire intégrer aux collectivités locales l’importance de s’engager dans la lutte contre les violences faites aux femmes comme politique publique au même titre que le sport par exemple.

Nous constatons que cette situation crée une énorme usure des salariées, militantes. Elle met à mal la santé des publics accompagnés et des équipes. Elle ne génère en fait aucune économie, mais bien un coût.

Enfin, tous les partenaires sont d’accord sur le fait que créer une association efficace sur ce sujet prend du temps et qu’il est bien plus profitable au public de conserver les associations, les équipes, quand elles fonctionnent….Car on ne reconstruit pas aisément le tissu associatif. L’association perdue à Clermont Ferrant il y a quelques années n’a ainsi jamais pu émerger à nouveau.

Je sais que toutes les directions des associations Solidarité Femmes sont actuellement mobilisées et s’épuisent dans la course aux financements, aux appels à projets pour maintenir leur structure avec un nombre de dossiers qui peut aller au-delà de 30 voir jusqu’à 50 dossiers.

Elles ont aussi des équipes à soutenir car souvent bousculées par ce qu’elles entendent du quotidien des femmes et des maltraitances sur elles et leurs enfants.

Du stress en sus du stress pour des équipes de professionnelles du secteur médico-social pourtant formées. Car accompagner une femme victime de violence ne s’improvise pas, il faut à la fois un cursus d’étude initial et une formation en continu avec des années de pratique et de travail en réseau pour apporter des réponses pertinentes aux femmes.

Et non penser que du bénévolat et quelques € suffisent.

 

Françoise Brié – Porte parole du réseau Solidarité Femmes

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