Articles récents \ Culture Des collectifs de rappeuses mexicaines sensibilisent au féminisme et aux droits des femmes à travers le hip-hop

Dans le milieu du rap mexicain machiste et misogyne, des rappeuses s’organisent et se regroupent pour sensibiliser au féminisme et dénoncer les atteintes aux droits des femmes au Mexique comme dans toute l’Amérique Latine. En 2009, une quinzaine d’activistes féministes travaillant autour du hip-hop (rappeuses, artistes, écrivaines, militantes…) créent le collectif « Batallones Femeninos ». Elles dénoncent à travers leur art les violences socio-culturelles qui touchent les femmes au Mexique.

Pour les rappeuses, le rap est une « arme puissante » qui permet aux femmes qui prennent le micro, d’être écoutées et d’exprimer les problématiques que rencontrent leurs sœurs, leurs amies, leurs tantes, leur mère ou leurs voisines. Leurs textes évoquant parfois des sujets tabous comme les règles, ils suscitent parfois des réactions violentes de la part d’autres rappeurs ou parfois même, des censures lors de concerts. Dans la chanson « Hermanas de sangre », les rappeuses provoquent non sans humour en chantant :  » Je menstrue quatre jours dans le mois et toi tu es bête toute l’année ! « .

 

Le collectif aborde des sujets plus graves comme l’impunité autour des féminicides et les violences de genre. Dans la chanson « Asi era ella »(ci-dessous), elles rendent hommage aux disparues de Ciudad Juarez.

En effet, aujourd’hui au Mexique, 7 femmes sont assassinées tous les jours et entre 2011 et 2015, 7000 femmes étaient portées disparues. Dans l’État du Chihuahua – où la tristement célèbre Ciudad Juarez est devenue l’une des villes les plus dangereuses au monde pour les femmes – 2 200 femmes ont été assassinées au cours des vingt dernières années.

 

 

 » Quand nous faisons de la musique, nous parlons pour les femmes de Oaxaca, pour les migrant.e.s et pour toutes les personnes qui n’ont pas la capacité de le faire elles-mêmes « ,  explique la rappeuse Mare Advertencia Lirika.

Mare Advertencia Lirika : un rap féministe « éveilleur de conscience »

La ville de Mexico le 15 septembre dernier : Mare Advertencia Lirika, une des rappeuses les plus populaire du Mexique lance au public venu assister à son concert un « Vive les femmes libres ! » , un « Viva » est alors repris par l’assistance. La rappeuse chante depuis 2003 mais ne se dit féministe que depuis quelques années, c’est le cas selon elle de plus en plus de rappeuses mexicaines.

Elle créé en 2003 le premier collectif de rappeuses mexicaines, »Advertencia Lirika ». Aujourd’hui en solo, elle continue néanmoins les projets collectifs. Elle raconte dans une interview que c’est le rap qu’il lui a permis de se sentir fière et de gagner en confiance en tant que femme mais aussi en tant que femme d’origine zapotèque.

Dans ses chansons, la rappeuse parle d’injustice sociale, de corruption, dénonce la criminalisation des communautés indigènes par l’État mexicain, les disparitions forcées et l’impunité totale des responsables politiques.

Ses sujets de prédilection, l’empoderamiento des femmes et la critique des schémas traditionnels féminins. Elle explique :  » On croit au prince charmant et on continue d’attendre qu’un homme résolve nos problèmes. Tant que l’on éduquera les filles avec des Disney et que l’on regardera des Telenovelas qui mettent en avant ces contes de fées, cela continuera d’exister. « 

Ici, quelques uns des thèmes de la rappeuse.

 

 « Incomoda »

“ No te equivoques, no soy un caso aislado/No es exageración, ni una mentira lo que te hablo/Sólo te cuento las verdades incómodas de una sociedad que con nosotras es hipócrita. ”

 » Ne te trompe pas, je ne suis pas un cas isolé/Ce n’est ni une exagération, ni un mensonge ce dont je te parle/Je te raconte seulement les vérités gênantes d’une société qui avec nous est hypocrite. « 

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 « Qué mujer »

“No seas más bonita – ¡Sé más cabrona!/No seas mejor mujer… ¡Sé mejor persona!/Creer, vencer, poder, tener/Mujer no te limites a lo que te piden ser/Sentir, pedir, salir, huir/No dejes qué en tu vida otros quieren decidir”.

 » Ne sois plus « belle »-Sois plus « cabrona »/No sois pas une femme meilleure…sois une meilleure personne !/Croire, vaincre, pouvoir, avoir/Mujer, ne te limite à ce que l’on veut de toi/Sentir, demander, sortir, fuir/Ne laisse pas dans ta vie, d’autres vouloir décider à ta place. ».

 

Dans « Mi vida, mi cuerpo, mis decisiones », la rappeuse défend le droit à décider d’avorter ou non et dénonce les avortements clandestins que vivent les mexicaines faute de législations favorisant l’accès à un avortement libre, sûr et gratuit.

Une tendance qui s’étend en Amérique Latine

La rappeuse guatémaltèque Rebeca Lane a initié début 2016 la tournée « Somos Guerreras ». Cette tournée a rassemblé des rappeuses latino-américaines comme les cubaines Krudas Cubensi (du hip-hop queer), la costaricienne Voz Nativa, la chilienne Ana Tijoux ou encore des rappeuses étasuniennes d’origine latino-américaines comme DJ Ome de Fresno de Californie.

 

 

Anais Enet-Andrade 50/50 Magazine

Cet article s’inspire de l’article de Martha Pskowski, « Las raperas mexicanas están usando el hip hop para promover el feminismo » publié le 20 septembre 2016 sur le site Fusion.

Article et interview de Mare Advertencia Lirika et du collectif Batallones Femeninos à retrouver sur le site de Animal Politico.com

 

 

 

 

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