Articles récents \ France \ Société Accès à l’avortement : le Haut Conseil à l’Égalité f/h dresse un bilan

La loi Veil, qui date du 17 janvier 1975, fête ses 42 ans. A cette occasion, le Haut Conseil à l’Égalité f/h dresse un bilan des actions mises en oeuvre pour faciliter l’accès à l’avortement et identifie les obstacles restants. L’IVG est progressivement devenue un droit à part entière, et son accès a été démocratisé, avec une accélération notable ces dernières années. Plus d’1 femme sur 3 y a recours dans sa vie, ce qui en fait un événement assez courant de la vie sexuelle et reproductive d’une femme, avec un nombre d’IVG pratiquées en France de 220 000 chaque années.

Il est établi que le droit à l’avortement a été consacré comme droit à part entière, avec une information rendue plus accessible, un développement de l’offre de soins et de l’accès pratique, et un renforcement du pilotage pour supprimer les inégalités d’accès en fonction des régions. Cependant, pour continuer à garantir et défendre ce droit, les pouvoirs publics peuvent encore réaliser plusieurs actions, à différents échelons. Pour le HCE , à court terme, il faut examiner dans les meilleurs délais la proposition de loi relative à l’extension du délit d’entrave aux informations publiées sur internet. A moyen terme, les derniers obstacles au plein accès à l’avortement, concernant la formation des professionnel-le-s de santé par exemple doivent être levés. Enfin, à long terme, des testings annuels devront être réalisés pour garantir les meilleures conditions d’accès partout sur le territoire.

Alors que ce droit est menacé sur des territoires voisins tels que l’Espagne, le Portugal et la Pologne, le HCE appelle à maintenir un portage politique fort, seul à même de constituer une garantie à un accès réel.

CHIFFRES CLES

♦ 1 femme sur 3 a recours à une IVG au cours de sa vie

♦ En 2015, 218 100 interruptions volontaires de grossesse ont été réalisées en France. Leur nombre est relativement stable depuis 2006 selon la DREES (Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques)

♦ Parmi elles : 50 % d’IVG instrumentales, 50 % d’IVG médicamenteuses

♦ 18 % des IVG sont désormais pratiquées en dehors d’une structure hospitalière

Dans son rapport paru en 2013, le HCE avait formulé 35 recommandations pour garantir l’effectivité du droit à l’avortement qui concernait, d’une part, l’accès à l’information sur internet et, d’autre part, l’accès à l’IVG dans les territoires. Depuis trois ans, un renforcement de l’arsenal juridique et réglementaire ainsi qu’un programme national d’actions ont permis la mise en œuvre, complète ou partielle, de plus des deux tiers de ces recommandations. Deux textes majeurs ont permis ces avancées : la loi du 4 août 2014 pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé.

Le constat du HCE établit 4 avancées notables :

1- Un droit clairement réaffirmé et renforcé

Symbole d’un droit jusque-là « à part », la notion de détresse comme une condition de recours à l’IVG est supprimée.
Par ailleurs, la résolution du 26 novembre 2014 réaffirmant le droit fondamental à l’IVG en France et en Europe a rappelé que le droit universel des femmes à disposer de leur corps est une condition indispensable pour la construction de l’égalité réelle entre les femmes et les hommes et d’une société de progrès. Elle réaffirme la nécessité de garantir l’accès des femmes à une information de qualité, à une contraception adaptée et à l’avortement sûr et légal. Cette prise de position, symbolique, marque un rappel nécessaire dans un contexte européen où les gouvernements espagnol, portugais et polonais ont tenté de restreindre ce droit.

2- Un accès à l’information facilité, une entrée dans le parcours simplifiée

L’entrée dans le parcours IVG est simplifiée avec la suppression du délai de réflexion de 7 jours entre les deux premières consultations.

Pour la première fois, un programme national d’actions pour l’accès à l’IVG a été lancé par la ministre de la Santé en janvier 2015, attestant d’une prise en compte globale de toutes les mesures permettant une meilleure effectivité du droit à l’avortement. Les 8 actions de ce programme, correspondant toutes à des recommandations formulées par le HCE, prévoient le développement d’outils d’information sur l’IVG, tels que le lancement du site ivg.gouv.fr en 2013 pour garantir une information fiable, recueillant en moyenne 65 000 visiteuses et visiteurs par mois, ou du numéro unique d’information (0 800 08 11 11), anonyme, gratuit et accessible 6 jours sur 7, géré par le Planning Familial (2 000 appels par mois, 24 000 dès la première année). Une première campagne d’information « IVG, mon corps, mon choix, mon droit » a également été menée.

Au-delà des recommandations du HCE, le Gouvernement a renforcé le délit d’entrave à l’IVG. Prévu dans le Code de la santé publique depuis 1993, le délit d’entrave visait, à l’origine, les commandos anti-IVG qui exerçaient une pression et des menaces sur les centres IVG et les femmes qui s’y rendaient. Ce délit a été élargi en 2014 au fait de tenter d’empêcher une femme de s’informer sur l’avortement dans un hôpital ou un lieu ressource (comme le Planning Familial). Une proposition de loi relative au délit d’entrave et en cours d’examen au Parlement, pourrait venir conforter ce droit à une information fiable et objective.

3- Une offre de soins étendue

L’offre de proximité en matière d’IVG est améliorée par la loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé qui permet aux sages-femmes de réaliser des IVG médicamenteuses et aux centres de santé des IVG par aspiration (appelées également instrumentales ou chirurgicales sous anesthésie locale).

La confidentialité de l’acte pour les femmes qui le souhaitent (notamment mineures) et la gratuité de tous les actes associés à l’IVG (consultations, analyses, échographies, etc.) sont prévues par cette même loi.

4 – Un pilotage renforcé

Afin d’organiser la remontée des données, une « Commission sur les données et la connaissance de l’IVG » a été mise en place en juin 2015 et a produit un rapport « IVG : Etat des lieux et perspectives d’évolution du système d’information » en juillet 2016.
En 2013, le HCE appelait à une coordination des acteur.rice.s, notamment hors établissement de santé, par la constitution de réseaux. Le Haut Conseil note avec satisfaction une mobilisation du Gouvernement pour améliorer l’accès à l’avortement et déstigmatiser les femmes qui y ont recours.

Les recommandations du Haut Conseil à l’Égalité f/h :

  • Poursuivre ces avancées par la suppression de la « double » clause de conscience, le développement de l’offre de proximité via la possibilité de pouvoir pratiquer des IVG par aspiration, la suppression de la forfaitisation de l’IVG, et l’intégration de la question des sexualités, de la contraception et de l’IVG à la formation initiale et continue de l’ensemble des personnels
  • Garantir l’effectivité des obligations légales sur l’ensemble du territoire par la mise en place de testings (choix de la méthode chirurgicale ou médicamenteuse, accès à l’avortement entre 10 et 12 semaines de grossesse, confidentialité pour celles qui le souhaitent et gratuité de tous les actes, prise en charge des femmes séjournant de manière irrégulière en France). Le HCE sera attentif à la mise en œuvre des annonces faites par Marisol Touraine concernant le déploiement de testings à partir de décembre 2016 pour évaluer les délais de recours, le niveau de l’information délivrée et l’accueil réservé.

Au vu des débats publics et politiques autour de ce texte et parce que le droit à l’avortement doit toujours être réaffirmé, le Haut Conseil à l’Egalité rappelle qu’en dépit de nombreuses avancées depuis son rapport de 2013 et 42 ans après l’entrée en vigueur de la loi Veil, le droit à l’avortement doit encore être conforté et son accès mieux garanti.

Copélia Mainardi, 50-50 magazine 

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