Articles récents \ France \ Économie ITW Clémence Helfter – CGT: « l’égalité n’est pas négociable, on l’exige ! »

Depuis 20 ans, à l’initiative de l’intersyndicale Femmes qui regroupe des militantes de la CGT, de la FSU et de Solidaires, des centaines de personnes venues du monde syndical, associatif, politique et de la recherche se réunissent au mois de mars. Ces temps d’échanges et de confrontations permettent d’approfondir les revendications sur les lieux de travail et de poser la question de la place des femmes dans les syndicats. Ces journées contribuent à la prise de conscience féministe de nouvelles générations de femmes syndicalistes.

Clémence Helfter, militante CGT, membre du collectif confédéral femmes/mixité et de l’intersyndicale femmes répond à nos questions.

Quelle est votre opinion sur les programmes des candidat-e-s concernant l’égalité femmes-hommes ?

Une analyse au prisme du programme des candidat-e-s à l’élection présidentielle montre qu’il n’y en a pas un-e qui soit à la hauteur des enjeux. Aucun candidat-e ne propose un programme complet et cohérent sur le droit des femmes.

Concernant le programme des extrêmes droites, et notamment celui de Marine Le Pen, une initiative commune de la CGT, FSU, Solidaires et d’un certain nombre d’associations féministes a été montée pour déconstruire leur programme et démontrer en quoi celui-ci est conservateur et rétrograde pour les droits des femmes.  Un site internet régulièrement mis à jour fournissant des analyses et des argumentaires genrés sur les programmes des extrêmes droites a également été créé pour que personne ne se laisse berner par Marine Le Pen lorsqu’elle se réjouit, sur Twitter, de la journée du 8 Mars ou qu’elle commente les écarts salariaux et les congés parentaux.

François Fillon et la droite en général s’enfoncent dans une politique d’austérité néfaste pour les femmes. François Fillon et Emmanuel Macron creusent un sillon. Leurs politiques vont fragiliser les plus précaires, parmi lesquels les femmes sont majoritaires. En outre, François Fillon est complètement rétrograde sur des acquis comme l’avortement quand il explique qu’il n’est pas en phase avec sa conscience lorsqu’une femme, en France, avorte, là où Marion Maréchal Le Pen et Marine Le Pen parlent d’IVG de confort.

Moi je suis d’une génération qui n’a pas connu un monde sans possibilité d’avortement, et aujourd’hui je sens que c’est devenu un privilège à défendre, en Europe, et particulièrement en Irlande, à Malte, en Pologne, en Espagne. C’est effrayant et angoissant que des personnalité-es politiques de premier plan prennent des positions publiques dans le débat pour affirmer leur réticence ou aller jusqu’à témoigner d’une possible remise en cause du droit fondamental à disposer de son corps.

Les programmes de Benoit Hamon/Philippe Jadot et de Jean-Luc Mélenchon prennent en considération la problématique des droits des femmes mais ne vont pas assez loin. Dès le départ, ils n’adoptent pas une approche intégrée de l’égalité, de « gender main streaming ». Cette approche exige de toujours se demander : quand j’analyse un problème de société et que je propose une action, une solution ou une mesure de politique publique, quels sont les effets différenciés que cette mesure va avoir sur les femmes et sur les hommes, compte tenu de la position différente qu’occupent les femmes et les hommes dans la société et sur le marché du travail ? Ne pas se poser les questions de cette façon, c‘est risquer de passer à côté de problèmes qu’il faut résoudre et risquer d’aggraver des problèmes qui existent en prenant des mesures prétendument neutres au regard du genre et qui vont en fait aggraver une situation qui existe.

 

Avez-vous travaillé avec la délégation de l’Assemblée Nationale au droit des femmes qui essaye de prévoir les impacts des nouvelles mesures sur les femmes ?

Une partie du travail souterrain des syndicats est le lobbying auprès des politiques. On a dans notre représentation nationale quelques hommes et surtout des femmes, progressistes, féministes et acquis-e-s à la cause des droits des femmes. Nous travaillons avec elles/eux pour proposer des mesures de progrès qui viennent fortifier les droits des femmes. C’est un aspect du travail syndical.

Avant de concevoir une politique publique, il faut faire des études d’impacts pour essayer d’anticiper les effets différenciés et donc potentiellement néfastes qu’elle pourrait avoir pour les femmes. Le gouvernement socialiste s’était engagé à systématiser les études d’impacts genrés, sexués, avant de mettre en œuvre des politiques publiques. En réalité, ces études d’impacts ne sont pas systématiquement faites et, lorsqu’elles sont faites, ne sont pas toujours rendues publiques. Quid des résultats ? Pourquoi n’y a-t-il pas de transparence ? Est-ce parce que les résultats démontrent que la mesure est défavorable aux femmes ?

 

Quelle est la représentation des femmes dans la CGT ?

La CGT a adopté, en 2007, une charte pour l’égalité femmes/hommes qui concerne aussi bien l’égalité en interne de la CGT, que l’égalité en externe. La CGT fut le premier syndicat en Europe à avoir une direction nationale strictement paritaire, ce qui signifie que la direction exécutive confédérale et le bureau confédéral sont strictement paritaires. A la CGT Au niveau national/confédéral, un dirigeant confédéral sur deux est une femme. En revanche, au niveau des fédérations (des groupes de métiers) et des unions départementales (subdivisions géographiques de la CGT), il n’y a plus de parité. Par exemple, 30% des secrétaires régionales/départementales sont des femmes, ce qui est loin de la parité.

Une étude a été confiée à Rachel Silvera (1) pour identifier les freins à l’accession des femmes à des postes à responsabilités et comprendre les difficultés qu’elles ont à se maintenir à ces postes. Par exemple, pourquoi a t’on observé un tel turn over à la commission exécutive confédérale ? Pourquoi les femmes font un mandat et non deux ou trois comme les hommes ? A partir de cette étude, le collectif confédéral femmes/mixité a été amené à faire un certain nombre de propositions et à construire un guide pour promouvoir concrètement l’égalité en interne. Ce guide aide les syndicats à construire des représentations paritaires, à se rendre compte de la nécessité de syndiquer davantage de femmes, et essaye de mettre en place des conditions de militantisme qui permettent à toutes et tous de militer à armes égales. Le collectif propose un tour de France pour parler de la place des femmes dans la CGT et de ce que cela signifie qu’être une militante. C’est un axe important du travail du collectif confédéral femmes/mixité.

 

Quelles sont les autres missions du collectif confédéral femmes/mixité ?

Le collectif confédéral femmes/mixité existe depuis la fin des années 1980. Il a plusieurs axes de travail. L’un d’eux est l’analyse des projets de loi sous le prisme de l’égalité femmes/hommes.

Il fait également des propositions concrètes d’outils pour promouvoir la prise en compte de l’égalité entre les femmes et les hommes dans les négociations dans les branches professionnelles mais surtout dans les entreprises. On vient d’ailleurs de produire un guide d’aide à ce sujet. L’égalité n’est pas négociable, on l’exige ! Il n’empêche qu’il faille la négocier dans les entreprises. Les syndicats, même les mieux intentionnés, sont souvent démunis. Ils n’ont ni les outils ni les connaissances pour parvenir à l’égalité. Par exemple, un guide fait référence à la lutte contre les violences sexistes et sexuelles au travail permettant de lutter contre le sexisme ordinaire, et expliquant quels sont les leviers syndicaux à actionner, et quel rôle le syndicat peut jouer.

Enfin, le collectif a créé une structuration de référent-e-s et égalité au sein d’un maximum de fédérations, de branches professionnelles, sur tout le territoire, l’idée étant de se mettre en réseaux.

La parité n’est pas toujours la priorité dans les équipes syndicales. L’idée est de capitaliser sur le travail que les unes et les autres font, de se mettre en réseau et de se prêter main forte pour diffuser les bonnes pratiques, diffuser les outils, monter des initiatives.

 

Propos recueillis par Brigitte Marti et Caroline Flepp 50-50 magazine

 

1 Rachel Silvera Économiste, maîtresse de conférences à l’Université Paris 10 et chercheure associée au CES Université Paris Sorbonne. Membre du collectif confédéral femmes/mixité.

 

 

 

 

 

print