Articles récents \ France \ Politique La parité en politique : une longue marche vers l’égalité

Poussée par les revendications collectives des mouvements de femmes, la parité est aujourd’hui une notion souvent évoquée en politique, et notamment en périodes électorales. Emmanuel Macron l’a imposée parmi ses candidat-e-s aux élections législatives. Malgré des évolutions indéniables, un long chemin reste encore à parcourir : même si la parité est respectée au sein d’un groupe, les plus grosses responsabilités sont souvent accordées aux hommes, comme le montre la composition du gouvernement Philippe. Elles aussi est un réseau féministe constitué d’associations qui œuvrent pour les femmes et d’associations de femmes élues. Le collectif revient dans son Manifeste « Pour une démocratie paritaire » sur les différents enjeux de la parité en politique.

La parité : un concept récent

La notion de parité s’est forgée en Europe en 1989, bicentenaire de la Révolution française, pour faire face à deux impasses : le très grand écart entre l’égalité formelle et la réalité des faits, ainsi que la quasi absence des femmes dans la représentation politique.  En juin 1999, la révision de la Constitution inscrit les femmes dans l’universel de la République : « la loi favorise l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives. Les partis contribuent à la mise en œuvre de ce principe dans les conditions déterminées par la loi ».

L’ordre ancien est bouleversé : les femmes sont légitimes à gouverner au même titre que les hommes. Rapidement, la parité s’est imposée comme une nécessité pour une démocratie plus aboutie, plus juste et sans sexisme, mais les pratiques politiques conservatrices continuent d’y résister.

 

Un long chemin à parcourir

Mais les auteur-e-s du manifeste nous rappellent que la parité est encore loin d’être accomplie. En effet, le préambule de la Constitution indique toujours que la République « assure l’égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d’origine, de race, ou de religion », en omettant le genre. Pour le collectif Elles aussi, il est temps d’inscrire dans la constitution l’exigence de parité, et sa garantie dans toutes les assemblées élues, locales, nationales et dans leurs exécutifs.

En effet, malgré l’existence des lois du 6 juin 2000, la parité n’est pas toujours appliquée. On observe plusieurs cas de figure :

  • Dans les communes de plus de 1 000 habitant-e-s, les conseils régionaux et départementaux, et au Parlement européen, la loi est contraignante et la parité est respectée
  • A l’Assemblée nationale et au Sénat, la loi incitative ou partielle résulte en une sous-représentation des femmes
  • Dans les communes de moins de 1 000 habitants et dans les exécutifs des intercommunalités, la loi est muette, et la représentation politique majoritairement masculine.

Par ailleurs, les femmes sont rarement présentes dans les postes à responsabilités. En 2014/2015, elles représentent en effet 16 % des maires, 10 % des président-e-s de départements, et 17 % des président-e-s de région.

On constate ainsi que le déficit de parité est une constante dans la démocratie française. En 2016, la France est classée 63e (alors qu’elle était 42e en 1997) pour la représentation des femmes à la chambre basse de l’Assemblée nationale. Selon les modes de scrutin, l’efficacité des lois est variable : la parité est respectée en cas de scrutins par liste avec stricte alternance femmes/hommes, ou de scrutins binominaux. En revanche, dans les assemblées élues au scrutin uninominal majoritaire, une majorité d’hommes est élue, comme à l’Assemblée nationale. Enfin, les partis politiques sont trop souvent résistants à l’investiture des femmes ou les placent sur des élections « perdantes » et certains vont même jusqu’à préférer payer les retenues sur leurs dotations financières plutôt que de représenter 50 % de candidates aux élections législatives.

Pour pallier ces inégalités qui persistent, Elles aussi propose trois axes de propositions :

  1. La parité sans exception : au gouvernement, dans les assemblées élues et leurs exécutifs

Pour que les femmes soient justement représentées par leurs élu-e-s, Elles aussi souhaite l’institution d’un scrutin binominal à l’Assemblée, comme pour les élections départementales. Au Sénat, un scrutin de liste paritaire dans de grandes circonscriptions favoriserait la présence des femmes. Il faudrait également élargir les élections au suffrage universel direct par liste paritaire dans toutes les communes et non seulement les plus grandes, qui ne représentent qu’un quart des communes françaises. Enfin, Elles aussi recommande l’institution du même système dans les intercommunalités, pour freiner localement la concentration des pouvoirs et faire respirer la vie politique locale en redistribuant les responsabilités.

  1. Une stricte limitation du cumul des mandats 

Autre frein à l’accès des femmes au pouvoir politique : le cumul des mandats. Il bloque en effet tout renouvellement de la représentation politique, qui résulte notamment en un déséquilibre entre femmes et hommes, sans parler de diversité socio-professionnelle et intergénérationnelle. La loi de 2014 qui apporte des limitations au cumul des parlementaires et des élu-e-s locaux n’aborde pas le cumul dans le temps de plusieurs mandats identiques successifs. Il faut donc en finir avec cela et n’autoriser qu’un mandat, renouvelable une seule fois.

  1. La mise en place d’un statut de l’élu-e

Dans la configuration actuelle, les élu-e-s ne représentent pas la société : sur-représentation des retraité-e-s, des hommes, des salarié-e-s du secteur public, des catégories intellectuelles supérieures… Les femmes et les hommes du secteur privé n’osent se présenter, par peur des difficultés économiques : perdre son emploi, ne pas le retrouver à la fin du mandat… Il existe depuis 2015 des mesures positives mais qui ne suffisent pas. Il faudrait donc généraliser les conditions sociales de la fonction publique sur l’exercice et la sortie du mandat. Ceci permettrait de diversifier le parcours et le profil des élu-e-s qui nous représentent.

 

Mathilde Tobias 50-50 magazine

 

Elles aussi est un réseau pluraliste d’associations de femmes, constitué à la fois d’antennes et d’associations locales qui agissent sur le terrain dans les départements, et d’associations nationales. Tous les six ans, il organise des forums avec les candidates aux élections municipales, et a mené une enquête sur la place des femmes dans les intercommunalités, qui a été reconnue par toutes les institutions, et qui a été présenté lors d’un colloque en 2016. Dans le futur, Elles aussi continuera à travailler pour la parité dans les intercommunalités, notamment en organisant régulièrement des débats dans les départements.

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