Articles récents \ France \ Économie Pierrette et Tania FO – André : « Aujourd’hui, l’âge, le physique sont les critères d’embauche » 1/2

Pierrette travaille depuis 29 ans chez André, aujourd’hui dans une boutique de Paris, et milite depuis 9 ans à Force Ouvrière, elle est membre de la commission égalité hommes/femmes du syndicat. Tania est engagée depuis 16 ans à Force Ouvrière et a commencé à travailler, il y a 25 ans, chez André à Cergy. Témoignage de deux femmes engagées, sur le monde merveilleux du commerce.

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                    Tania                                                                                     Pierrette

Le groupe Vivarte

Vivarte est une groupe qui comprend Naf Naf, Kookai, Carole, Minelli, André etc. ll y a moins de 3 ans le groupe comportait 25 enseignes, il en reste moins de 10 aujourd’hui.

Auparavant, la stratégie des dirigeants de Vivarte était d’acheter des enseignes pour éviter que les concurrents ne le fassent mais aujourd’hui ils se rendent compte qu’il y en a qui sont rentables et d’autres moins, leur stratégie est donc de se débarrasser de celles qui sont le moins rentables.

L’entreprise a un très gros déficit, une dette énorme. Les actionnaires ont racheté la dette et ce sont eux que l’on rembourse depuis 2012, ils s’en sont mis plein les poches, ils se sont enrichis sur le dos des salarié-e-s, car le taux d’intérêt de cette dette est très élevé, 12%, un taux revolving.

Notre entreprise est au bord du gouffre, elle est aujourd’hui en vente. On cherche un repreneur. Nous salarié-e-s croisons les doigts pour que notre entreprise ne soit pas en cessation de paiement comme Tati.

André a 120 ans. André est la maison mère qui a fondé le groupe Vivarte. Entre les magasins et le siège, l’entreprise a 810 salarié-e-s dont 80% de femmes et 132 magasins. Il y a 30 ans, il y avait 270 magasins. La société a subi trois PSE (1) , un en 1997, un autre en 1999 et enfin le dernier en 2015.

Savoir que Vivarte veut se débarrasser d’André, ce n’est pas concevable pour nous. C’est André qui a créé la Halle aux chaussures, la Halle aux vêtements, etc. La Halle aux chaussures est en plein PSE, la direction veut essayer de mutualiser les enseignes au lieu d’avoir un magasin de chaussures et un magasin de vêtements, il n’y en aura plus qu’un afin d’éviter de payer deux loyers. Pour le moment, elle ne licencie personne, mais d’ici peu de temps il y aura « trop de salarié-e-s». On va leur dire : « vous n’êtes pas rentables » et les mettre dehors.

Aujourd’hui on ne sait pas où l’on va.

Les femmes : toutes sur le même profil

Dans le commerce il y a beaucoup plus de femmes que d’hommes, même si le secteur commence à s’ouvrir aux hommes, Il y a aujourd’hui beaucoup plus de mixité qu’il y a quelques années. Mais les hommes sont souvent des étudiants qui ont moins de charge de famille et qui sont à temps partiel.

Il y a 20 ans, il y avait des discriminations sur le plan du salaire et des carrières entre femmes et hommes mais aujourd’hui grâce aux accords, il n’y en a plus.

La majorité des salarié-e-s sont des femmes seules avec enfants qui font un temps partiel subi. De plus les temps partiels font très souvent les fermetures des magasins, c’est à dire 17h / 20h.Très souvent elles se retrouvent seules à gérer jusqu’à 6/7 client-e-s. Au risque qu’un client les suive, lorsqu’elles vont dans la réserve. C’est déjà arrivé au moins une fois à toutes nos collègues. Il nous arrive parfois de parler toute seule pour faire croire que nous ne sommes pas seules dans la magasin. S’il vous arrive le moindre problème, vous pouvez rester des heures sans être secourues.

Etant donné les conditions de travail il y a des collègues qui ne peuvent même pas aller aux toilettes de toute la journée. On a des soucis que n’ont pas les hommes, comme par exemple les règles.

Dans les magasins, que ce soit les responsables ou les vendeuses, aujourd’hui l’âge, le physique sont les critères d’embauche, même si ce n’est jamais avoué. Y compris au siège on est dans les stéréotypes. Toutes les jeunes qui sont récemment arrivées sont sur le même modèle : 1,65 m – 50kg. Les femmes sont toutes clonées.

Les jeunes, belles/beaux ont toutes leurs chances, elles/ils n’ont pas besoin d’être diplomé-e-s . Récemment une responsable avait embauché une femme un peu ronde et le directeur régional l’a refusé, alors que cette vendeuse faisait du bon travail, un bon chiffre. Elle n’avait pas le profil !

Une responsable de magasins devait avoir une expérience, un certain âge aujourd’hui c’est le contraire. Les personnes qui arrivent dans la société ont plus de facilités à évoluer qu’un personne qui est là depuis longtemps. Il existe une réelle discrimination envers les ancien-ne-s. De très jeunes, 25 ans, sans aucun diplôme, peuvent se retrouver à gérer de grosses boutiques.

Des conditions de travail qui se dégradent

Notre métier se dégrade, je ne sais pas si les responsables en ont conscience ou s’ils le savent et n’en tiennent pas compte. Nous continuons à faire part de nos doléances, nous ne lâchons rien sur nos conditions de travail, de plus l’informatique ne les a pas arrangé car c’est une surcharge de travail pour nous.

Si les conditions de travail se dégradent de plus en plus, c’est principalement parce que la direction veut faire des économies sur les heures.

Évidemment la direction ne réduit pas nos temps de travail mais si une personne part d’un magasin, que ce soit un-e retraité-e ou un-e démissionnaire, elle/il n’est pas du tout remplacé-e ou remplacé-e par une personne qui fera moins d’heures que celle qui s’en va. Nous sommes dans cette problématique depuis 5 ans.

Sur une seule année, on arrive à 30 000 heures économisées.

La législation n’est pas respectée car le minimum d’heures pour les salarié-e-s qui ne sont pas étudiant-e-s c’est 21 h. Et André peut faire des contrats de 20h ou de 15h à des personnes qui ne sont pas étudiant-e-s. Les gens prennent quand même le travail parce qu’ils n’ont rien d’autre. Il arrive aussi qu’on leur fasse signer un papier mentionnant qu’elles/ils ne veulent pas faire plus d’heures. Et si vous ne remplissez pas le papier, la direction trouvera une autre personne très rapidement !

Le métier est difficile, physiquement c’est dur. En fin de carrière, on est cassées, déglinguées, totalement usé-e-s, on a des problèmes de cervical, de sciatique, des tendinites etc.

Pierrette et Tania Force Ouvrière – André

1 Le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) vise à faciliter le reclassement des salarié-e-s dont le licenciement économique est inévitable.

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