Articles récents \ France \ Société Le HCE tire la sonnette d’alarme concernant la santé des femmes en situation de précarité.

Le 7 juillet dernier, le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes a remis son rapport « La santé et l’accès aux soins : une urgence pour les femmes en situation de précarité » à Marlène Schiappa, la secrétaire d’Etat chargée de l’égalité entre les femmes et les hommes. Le rapport est focalisé sur la santé globale des femmes, définie par l’OMS, c’est-à-dire en intégrant les dimensions sociales, économiques et écologiques de la santé.

Margaux Collet, co-rapporteure du rapport, souligne: « il est important de saluer la démarche inédite » du HCEf/h qui consiste à croiser les données sur les inégalités sociales avec les données sur les inégalités de sexe. Elle précise qu’influencés par le patriarcat toujours présent dans la société, les études et les précédents rapports officiels sur les questions de santé étaient rédigés sous le point de vue du neutre masculin et passaient à côté des spécificités des femmes qui subissent une double peine : les inégalités sociales et le sexisme.

Les femmes sont surreprésentées chez les personnes précaires. 64% des personnes qui reportent des soins ou y renoncent sont des femmes. Chaque année, près de 9,5 millions de femmes ne sollicitent pas les aides financières trop complexes (1), font face à des dépassements d’honoraires ou à des délais d’attente trop importants, voire à des discriminations et à des refus de soins. Elles ne se permettent pas de prendre le temps de consulter un-e professionnel-le, puisque leur santé passe après celle de leurs enfants, leur compagnon et la gestion des difficultés financières.

Les femmes en situation de précarité présentent une santé dégradée dues:

  • à leurs conditions de vie et de travail pénibles, stressantes et usantes, et pourtant insuffisamment reconnues,
  • à un accès et à une participation moindre à la prévention et aux campagnes de dépistage (notamment des cancers du sein et du col de l’utérus),
  • à l’androcentrisme de la société et de la médecine.

Les maladies cardiovasculaires illustrent parfaitement l’androcentrisme médical. Elles sont la première cause de mortalité des femmes, en particulier chez les plus précaires d’entre elles. 43% des accidents cardiaques sont fatals chez les hommes et 55% chez les femmes, car elles sont prises en charge plus tardivement. En effet, les symptômes spécifiques aux femmes sont mal connus par les professionnel-le-s de santé, les femmes elles-mêmes ou les éventuels témoins. Parmi les femmes, la mortalité est multipliée par 3 pour les catégories socio-professionnelles les plus défavorisées.

 

Des constats alarmants

Quatre indicateurs majeurs montrent que la santé des femmes est un réel enjeu : l’augmentation des maladies professionnelles et des accidents du travail, l’isolement social qui peut provoquer des troubles psychologiques et des affections psychiatriques, une plus forte exposition aux cancers spécifiques aux femmes (du sein et du col de l’utérus) et, des risques accrus de maladies cardio-cérébro-vasculaires.

Les femmes en situation de précarité ont des conditions de travail plus usantes, font face à une insécurité sociale qui influe sur leur mode de vie et sont plus vulnérables face aux violences de genre ce qui rend difficile l’accès à un accompagnement de santé adéquat.

Pour le HCEf/h, l’objectif est d’améliorer le système de soins en levant les freins financiers encore trop présents pour améliorer le recours aux droits, en développant une approche en santé communautaire pour agir sur l’organisation de l’offre de soins et, en adoptant une perspective de genre dans les politiques de réduction des inégalités sociales de santé.

 

Les recommandations pour améliorer la santé des femmes en situation de précarité

Devant les constats alarmant pour la santé des femmes en situation de précarité, le HCEf/h a formulé vingt-et-une recommandations à destination des pouvoirs publics et leur conseille une double approche : intégrée (intégrer le genre dans les politiques publiques existantes de lutte contre les inégalités sociales de santé) et spécifique (développer des dispositifs appropriés pour répondre aux problématiques spécifiques des femmes en situation de précarité).

Le HCEf/h recommande d’associer les femmes au diagnostic des besoins identifiés sur un territoire, de lever les freins financiers, de former et d’outiller les professionnel-le-s de santé, de rendre l’offre de soins accessible géographiquement à travers la lutte contre les déserts médicaux. Pour améliorer le système médical français pour les femmes en situation de précarité, il faudrait aussi s’assurer que les femmes soient accompagnées tout au long de leur parcours de soin notamment en adaptant les horaires aux contraintes de ces femmes.

 

Marlène Schiappa: « Les principales recommandations de ce rapport sont en lien avec les priorités du gouvernement »

La Secrétaire d’Etat a insisté sur les violences sexistes et sexuelles au travail et dans les transports et sur leurs conséquences sur la santé des femmes. Elle a ainsi évoqué le 5ème plan de violences du gouvernement dans lequel il y a des mesures d’accompagnement des jeunes femmes victimes de violences par la mobilisation notamment des missions locales pour l’accès à l’emploi, aux soins et au logement.

Le second axe de vigilance dont Marlène Shiappa a parlé concerne la protection des femmes enceintes en période prénatale et la méconnaissance des femmes de leurs propres droits. C’est pourquoi, en partenariat avec la direction générale de la cohésion social, elle travaille sur la création d’une plaquette d’information : « petits droits fondamentaux des femmes enceintes au travail ». Elle a aussi évoqué la pénibilité de certains emplois, l’invisibilité des personnes qui font le ménage dans les bureaux et la précarité sociale qui entrave l’accès aux soins.

La Secrétaire d’Etat a également souhaité mettre en avant un dernier axe qui est la santé liée aux droits sexuels et reproductifs. Elle a ainsi dénoncé et condamné « l’instrumentalisation abjecte qui a été faite par les anti-IVG » en utilisant le nom de Simone Veil et s’engage à combattre « cette propagande et à garantir l’accès à des informations fiables et neutres sur l’avortement« .

Le HCEf/h à travers ce rapport tire la sonnette d’alarme concernant la santé des femmes en situation de précarité et préconise de grands efforts de la part des pouvoirs publics pour améliorer le système actuel. Mais qu’en est-il des moyens qui seront vraiment attribués à la santé des femmes après la baisse du budget consacré aux droits des femmes? Affaire à suivre…

 

Manon Choaler, 50/50 magazine

1 un tiers des potentiel-le-s bénéficiaires de la CMU-Complémentaire ne la demande pas.

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