Articles récents \ Île de France Djafar Lakrouz, un combat pour l’égalité

Djafar Lakrouz, aujourd’hui responsable de la mission égalité à la ville de Cergy, travaille depuis deux ans pour faire progresser l’égalité femmes/hommes et développer des actions de lutte contre les discriminations. L’engagement de ce Français d’origine algérienne vient d’un parcours de vie et d’une envie récurrente de lutter contre toutes les formes de discrimination.

 

« J’ai grandi au 6ème étage de la politique de la ville. »

Né en Algérie, Djafar Lakrouz est arrivé à l’âge de deux ans en France et a grandi dans l’Est du Val d’Oise, à Montmagny, limitrophe de Sarcelles. « J’ai grandi au 6ème étage de la politique de la ville. » Ses parents, et en particulier sa mère, nouvelle arrivante, se sont intégrés en apprenant le français, grâce à un tissu social et associatif, porté à l’époque par la politique de la ville. «Cela peut paraître être du bon sens, mais pour pouvoir travailler comme femme de ménage, il faut savoir lire les étiquettes de produits ménagers » explique Djafar Lakrouz.

Au milieu des années 90’, avec quatre amis d’enfance, il crée l’association Nouveau Départ  qui vise, entre autres, à lutter contre la fracture numérique dans les quartiers d’habitat social : « en 1996, 88 % des logements sociaux du quartier n’avaient pas accès à internet ». Grâce à cette initiative, l’association obtient « le prix Immobilière 3F  » (1) de leur bailleur social, véritable coup de pouce pour structurer leurs actions.

A 18 ans, Djafar Lakrouz demande sa naturalisation qui ne sera effective que sept ans plus tard, « un véritable parcours du combattant ». A 22 ans, tout en poursuivant ses démarches de naturalisation, il passe les concours de la fonction publique pour être professeur du second degré. « Après 4 heures de composition, un des examinateurs me retire ma feuille et me demande de sortir…  car je ne suis pas Français. Ce sont aussi des moments à vivre… J’ai eu envie d’arrêter mes études et j’en ai voulu à l’État et au système mais j’ai trouvé des alternatives. Imaginons celles/ceux qui n’en ont pas. C’est normal d’en vouloir aux gens surtout si cela se cumule avec un délit de faciès dans l’accès au logement et à l’emploi. »

Djafar Lakrouz obtient la double nationalité à 26 ans, mais cela ne lui facilite pas pour autant l’accès à l’emploi. Il a en effet envoyé 147 lettres de candidature (qu’il a toujours) et a reçu 90 réponses… de refus. « C’est la pédagogie de l’échec. »

Grâce au bailleur social Immobilière 3F, partenaire, il a pu signer une convention CIFRE (étude et recherche) en tant que chargé de mission de développement social urbain au sein de la direction de la DGSU (Direction Gestion Sociale et Urbaine). En 2004, il démarre un nouveau challenge, pour la ville de Cergy (Capitale de département 95; 83e ville de France, ville populaire, ville nouvelle, deux quartiers politiques de la ville) comme chargé de mission développement local et démocratie participative puis devient en 2009, chargé de mission aux études en développement commercial et économie locale.

 

L’égalité, le fil rouge d’un travail

Aujourd’hui Djafar Lakrouz travaille toujours à la ville de Cergy, en charge du projet d’équipement d’un centre de santé, d’égalité des chances et de lutte contre les discriminations au sein de la mission égalité.

Son travail contre les discriminations prend en compte l’égalité entre les femmes et les hommes, sujet auquel il est très attaché. « Travailler sur les question de l’égalité entre les femmes et les hommes et de la santé permet d’éradiquer des fractures familiales et des drames sociaux. »

Il précise qu’il y a une grande discrimination dans l’accès aux soins malgré les besoins notamment dans les quartiers communautaires et dans lesquels le mariage forcé est une pratique fréquente. Le mariage forcé a toujours des conséquences physiques et psychologiques sur les individus.

L’accès aux soins est un véritable enjeu pour Djafar Lakrouz, d’autant plus que dans le Val d’Oise, 66% des femmes ne peuvent pas avancer les frais médicaux.

 

S’organiser pour progresser

« Ce que je trouve dommage c’est de s’émouvoir d’un homme qui lutte contre les discriminations et pour l’égalité femmes/hommes.  J’aimerais qu’il n’y ait plus de mission égalité. »

Devant la persistance des inégalités, Djafar Lakrouz souhaite que les choses progressent, mais l’égalité nécessite des moyens . Le budget de Cergy pour la lutte contre les discriminations et pour l’accès au français est passé de 10 000 € à 20 000 € en 2017 et le budget pour les droits des femmes est de 8500€.

« Il  faut peut-être plus d’argent, mais aussi mieux d’argent. » Équiper une ville avec une volonté politique de mettre en place un secteur qui est dédié à la promotion de l’égalité femmes/hommes, c’est un choix, un engagement. Pour Djafar Lakrouz, les politiques publiques se construisent à partir de ce que disent les gens, il faut aller sur le terrain, dans les maisons de santé, dans les quartiers, dans les cages d’escaliers.

Aujourd’hui, à Cergy, le but est de créer une coordination territoriale en relation avec les maisons de quartier et les associations locales.

Il reste beaucoup à faire pour l’égalité et contre les discriminations mais de nombreuses choses ont déjà été mises en place à Cergy comme deux comités de pilotage qui réunissent tous les actrices/acteurs locaux afin de travailler sur l’accès au français (ASL, alphabétisation) et pour l’égalité entre les femmes et les hommes.

« On ne m’a pas attendu pour travailler sur les questions d’égalité femmes/hommes, il y a encore beaucoup à faire. »

 

Manon Choaler, 50-50 magazine

 

1 Le prix du bailleur social immobilière 3F (de 150 000F) était décerné aux associations innovantes travaillant  à l’amélioration  de la vie des quartiers.

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