DOSSIERS \ Les femmes de la Méditerranée en mouvement La jeunesse, le nouveau souffle du féminisme algérien

Amina* est une militante du Collectif féministe d’Alger. C’est une organisation de jeunes femmes qui lutte depuis cinq ans contre les violences faites aux femmes. A travers la libération de leurs paroles, elles souhaitent renforcer leur identité de femmes en tant qu’individus et compléter le cadre juridique existant.

Comment s’est créé le Collectif féministe d’Alger ?

Le Collectif est né il y a cinq ans à Alger à l’initiative de quelques jeunes féministes algériennes pour qui il était important de réfléchir au féminisme algérien.

D’abord, c’était un groupe de paroles dans lequel nous avons libéré notre parole. Nous avons parlé de nos vécus et ensuite nous avons commencé à réfléchir de manière un peu plus globale de la condition des femmes en Algérie, que ce soit à l’université, dans l’espace public, dans les familles. Nous avons réfléchi sur nos rapports avec nos familles et avec les hommes qui nous entourent.

Le collectif féministe d’Alger s’est ensuite axé sur des actions concrètes de terrain. Nous organisons des ateliers d’écriture, des ciné-clubs féministe, des déclamations de poèmes écrits par des femmes sur les violences faites aux femmes, des actions de sensibilisation des femmes. Nous essayons aussi de travailler avec l’ancienne génération de féministes parce que nous aimerions justement reprendre ce flambeau, mais à notre manière et avec notre touche.

Aujourd’hui, nous avons l’impression qu’en Algérie les organisations de femmes plutôt anciennes s’intéressent beaucoup plus au volet juridique et au changement des lois, alors que nous, nous voulons également des libertés individuelles, qui passent par les lois mais aussi et d’abord par l’acceptation de notre corps, l’acceptation de ce que nous sommes, l’affirmation de soi pour ensuite passer à un volet supérieur. Je dirais que nous nous intéressons plus à l’individu femme, à l’identité de femme.

 

Quels sont les objectifs du Collectif ?

Nous travaillons entre femmes, avec les femmes et pour les femmes. Sur le court et le long terme, l’objectif est de créer cette sororité qui existe entre femmes, cette solidarité de femmes qui peut faire des merveilles.

Le collectif n’est pas reconnu légalement. Nous sommes  reconnues à travers nos actions.

Certaines femmes ne reconnaissent pas la nécessité de la non-mixité. Nous essayons de leur expliquer notre point de vue, sans les remettre en cause, en leur demandant de l’expérimenter et de la critiquer après. En Algérie, il y a beaucoup d’espaces non-mixtes qui existent pour les femmes mais ils sont imposés, ils ne sont pas réfléchis (les hammams, les salons de coiffure etc..) Ils peuvent également apporter beaucoup aux femmes, un espace de liberté et de parole.

Mais nous voulons également réfléchir politiquement la non-mixité pour créer et évoluer ensemble.

 

Participez-vous à des manifestations sur la voie publique ?

Nous avons participé à quelques rassemblements suite à des meurtres de femmes, des féminicides. Deux cas ont été médiatisés, malheureusement les autres ne l’ont pas été. Une femme a été écrasée par son harceleur car elle ne voulait pas répondre à ses attentes et une autre a été brûlée vive sous le regard des passant.e.s car elle ne répondait pas non plus aux avances d’un harceleur. C’est à la suite de ces deux cas que nous sommes sorties dans la rue pour manifester notre ras-le-bol mais aussi pour rendre hommage à ces victimes, à ces martyres.

C’est aussi et malheureusement grâce à elles, je voudrais leur rendre hommage aujourd’hui même si elles ne sont plus là, qu’une loi a été promulguée. Cette loi, qui criminalise le harcèlement et les violences faites aux femmes, est passée au Sénat alors qu’elle était bloquée avant les meurtres de ces deux femmes.

Nous avons du mal à dire que c’est un pas en avant car ces femmes sont mortes mais, c’est tout de même un acquis, c’est une loi qu’il faudra renforcer et mettre en application réelle.

 

Propos recueillis par Manon Choaler, 50/50 magazine

Crédit photo Zahra Agsous

*Amina n’a pas souhaité rendre son nom public.

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