DOSSIERS \ Les femmes de la Méditerranée en mouvement En Tunisie: 34,5% de femmes à l’Assemblée nationale

Anware Mnasri est  juge au tribunal administratif de Tunis, présidente de la première chambre de première instance. Elle est également militante de la Ligue des électrices Tunisiennes. Elle présente son association et la situation politique, juridique et sociale de son pays sur les questions d’égalité entre les femmes et les hommes.

 

Quel est l’objectif de la Ligue des électrices ?

L’objectif de la ligue est de veiller à instaurer le principe d’égalité entre femmes et hommes dans tous les domaines sans aucune discrimination. En marge des questions politiques, nous avons travaillé sur la justice transitionnelle, sur la lutte contre la corruption, sur le principe de parité entre femmes et hommes. Après la révolution, en 2011, une loi sur la parité a été adoptée par l’État tunisien. Nous voulions obtenir une parité non seulement horizontale mais aussi verticale.

A l’initiative de la société civile, nous avons également proposé un projet de loi sur la représentativité des femmes dans le Conseil supérieur de la magistrature pour s’assurer que des magistrates, des avocates et des non-magistrates soient présentes dans les prises de décision du Conseil. Aujourd’hui, sur 32 personnes élues dans cette haute autorité, il y a 18 femmes grâce à ce principe de parité.

Nous avons également été la seule association à réaliser une analyse électorale basée sur le genre. Ainsi en 2014, nous avons étudié les élections présidentielles et législatives. Et nous avons fait des recommandations aux législateurs visant à modifier les lois dans le cadre de campagnes électorales, ainsi que sur les violences politiques à l’égard des femmes dans tous les domaines.

Nous avons fait partie d’une coalition de femmes «  les femmes libres de Tunisie », composée de plus de 95 associations qui a beaucoup travaillé lors de la rédaction de la Constitution tunisienne ( (votée le 27 janvier 2014) . Nous avons fait du lobbying pour changer un article qui parlait, dans un premier jet, de la complémentarité entre les femmes et les hommes pour que cet article soit modifié et qu’il ne passe pas. Il a été modifié par l’article 21 qui dit que les citoyen.ne.s sont égales en droits et en devoirs devant la loi. Cet article a été écrit dans la rue grâce aux manifestations à l’occasion de la journée des droits des femmes qui coïncidait avec l’anniversaire de la promulgation du code de statut personnel de 1956 qui a abolit la polygamie. Par rapport à d’autres pays arabes, nous avions déjà des acquis.

 

Où en est la parité en Tunisie ?

On compte 34,5% de femmes à l’Assemblée nationale.

A la suite de nos luttes, en 2017, une loi relative aux élections locales a été adoptée instituant le principe de parité vertical et horizontal, y compris dans les têtes de listes. Dans tous les domaines, les politiques nationale, régionale, locale doivent adopter une approche genrée à l’écriture des lois et la mise en place des budgets. Aujourd’hui nous avons une première expérience dans certains ministères.

On demande beaucoup de choses, mais je crois que c’est légitime. Les femmes tunisiennes méritent beaucoup plus que ce qu’elle ont aujourd’hui. Heureusement que la constitution tunisienne permet qu’elles aient une place dans l’espace public et privé.

 

Que contient le projet de loi contre les violences faites aux femmes sur lequel vous avez travaillé ? 

Je faisais partie des expert·e·s qui ont rédigé un projet de loi pour l’élimination des violences faites aux femmes. Ce projet est aujourd’hui à l’Assemblée des représentant.e.s du peuple qui, nous l’espérons, va l’adopter. Sa spécificité est qu’il ne parle pas seulement de modifier le code pénal, mais qu’il adopte une approche intégrale. On parle de toutes les formes de violences faites aux femmes, des violences sexuelle, économique, morale, physique, psychologique et du harcèlement. La violence politique n’est pas encore passée, mais il peut y avoir des modifications en la matière.

Le projet parle aussi des mesures de prévention, que l’État doit prendre en charge, de l’éducation à l’égalité filles/garçons avec l’implication du ministère de l’Éducation, de la Religion et des Affaires Sociales.

 

Que s’est il passé pour les femmes après la révolution ?

Après la révolution, ce n’était pas la vie en rose. Au contraire, il y avait des mouvements conservateurs qui voulaient revenir sur la polygamie et donc revenir au statut des femmes à la maison dans le cadre de la complémentarité. Les hommes disaient que les femmes étaient la cause du chômage puisqu’elles se trouvaient dans l’espace du travail, mais heureusement, des femmes se sont battues pour que l’on ait une constitution que je considère comme avant-gardiste.  Le principe d’égalité entre femmes et hommes a été inséré dans le préambule et ce préambule c’est l’identité de l’Etat, il a une valeur constitutionnelle.

Comme je viens de le dire, nous avons aussi l’article 21 qui aborde l’égalité entre citoyennes et citoyens, l’article 34 qui prévoie que les femmes doivent être représentées dans les assemblées élues, et l’article phare, l’article 49 qui énonce le  principe de parité dans les assemblées élues, le principe d’égalité des chances dans les diverses responsabilités dans tous les domaines et l’obligation de l’Etat à prendre les mesures nécessaires pour éliminer les violences faites aux femmes.

 

Propos recueillis par Caroline Flepp, 50-50 magazine

Crédit photo Zahra Agsous

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