Articles récents \ DÉBATS \ Contributions La grande consultation sur le harcèlement sexuel au travail

Selon l’enquête Virage, 20% des femmes ont déjà subi du harcèlement sexuel sur leur lieu de travail. Ce chiffre monte à 32% d’après un récent sondage IFOP. Pourtant, aujourd’hui encore 82% des employeurs n’ont toujours pas mis en place de mesures de prévention contre le harcèlement. 75% des victimes n’en parlent jamais à leur supérieur hiérarchique et 95% des cas ne sont jamais portés devant la justice.

Malgré l’ampleur du phénomène, les statistiques précises sur la nature des violences au travail sont quasiment inexistantes, dénotant l’absence de volonté politique à mesurer le phénomène. Comment lutter contre ces violences au travail sans chiffres et indicateurs pertinents ?

Face à ce tabou et ce vide statistique, le collectif #8mars15h40 a organisé, en lien avec l’ONG Le Mouvement, une consultation en ligne entre le 21 février et le 6 mars. Si cette consultation ne prétend pas à la rigueur méthodologique d’une enquête statistique, ce recueil de témoignages démontre que lorsque l’on offre un cadre permettant aux femmes de dénoncer les violences dont elles sont victimes, elles sont très nombreuses à parler, et à dénoncer des faits graves.

En deux semaines, nous avons rassemblé 2635 témoignages.

Sur leur lieu de travail:

–  2311 (88%) disent avoir été victimes ou témoin de sexisme

– 1604 (61%) victimes ou témoins de harcèlement sexuel,

– 800 (30%) victimes ou témoins d’agression sexuelles

– 56 (2,1%), victimes ou témoins de viol

– 974 femmes (37%) disent être victimes de violences conjugales ou intrafamiliales et 51,5% d’entre elles estiment que ces violences ont eu un impact négatif sur leur emploi ou leur carrière professionnelle.

Dans le détail, sur leur lieu de travail:

– 999 femmes, soit 76% des répondant·es, déclarent avoir été victimes de sexisme, 12% des répondant·es disent avoir été témoin ;

– 1387 personnes, (à 98% des femmes) déclarent avoir déjà été victimes de harcèlement sexuel, d’agression sexuelle ou de viol, soit 52% des répondant·es ;

– 1292 répondant·es disent avoir déjà été victimes de harcèlement sexuel (soit 49%), 312 témoins de harcèlement sexuel ;

– 621 victimes d’agression sexuelle (soit 24%), 173 témoins d’une ou plusieurs agressions sexuelles;

– 39 de viols (soit 1,5%) sur leur lieu de travail, 17 témoins d’un ou plusieurs viols.

Les réponses confirment que les violences au travail se retrouvent dans tous les secteurs, dans les entreprises privées comme dans la fonction publique, dans les grands groupes comme les plus petites entreprises, les plus gros employeurs de femmes étant bien sûr les premiers cités. On peut citer par exemple :

– le secteur de la téléphonie et de la communication (Orange, La Poste, SFR, Bouygues), où 1 cas de viol, 12 cas d’agression sexuelle et 37 cas de harcèlement sexuel ont été signalés ;

– le secteur des transports (SNCF, RATP) où 2 cas de viol, 17 cas d’agression sexuelle et 32 cas de harcèlement sexuel ont été signalés ;

– la grande distribution (Carrefour, Leclerc, Auchan, Monoprix), avec 3 signalements de viol, 9 d’agression sexuelle, 6 de harcèlement sexuel ;

– le secteur automobile (Renault, PSA) avec 6 signalements de cas d’agression sexuelle et 10 de harcèlement sexuel ;

– l’éducation (universités, écoles supérieures, Éducation Nationale) avec 2 signalements de viol, 20 d’agression sexuelle, 52 de harcèlement sexuel ;

– les hôpitaux et cliniques avec 2 signalements de viol, 26 d’agression sexuelle et 44 de harcèlement sexuel ;

– la restauration avec 7 témoignages d’agression sexuelle et 8 de harcèlement sexuel.

Le constat est alarmant, et rend compte du caractère systémique des violences masculines qui s’exercent contre les femmes. L’ampleur du phénomène appelle la mise en oeuvre urgente de mesures pour lutter contre ces violences, notamment au travail, où aux rapports de domination s’ajoute le lien de subordination.

Les répondant.e.s au questionnaire en ligne vont toutes recevoir les coordonnées des associations d’aide aux victimes (CFCV – 0800 05 95 95, AVFT – 01 45 84 24 24) et le numéro Violences Femmes Info (3919), ainsi que les contacts des syndicats pour pouvoir être accompagné·es, soutenu·es et défendu·es.

L’enquête sera prolongée jusqu’à la fin du mois de mars. Elle permettra aux syndicats des entreprises concernées par des signalements d’interpeller les employeurs pour exiger la mise en place de mesures de prévention des violences et de protection des victimes.

Collectif #8mars15h40

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